LES APPLICATIONS DE TRACKING SOUS SURVEILLANCE

LES APPLICATIONS DE TRACKING SOUS SURVEILLANCE

Un comité de chercheurs étudie les impacts sociétaux des technologies utilisées dans la lutte contre le COVID-19

Depuis le début de la pandémie, les pays ont déployé toute une panoplie de dispositifs technologiques pour tenter d’enrayer la propagation du coronavirus. Particulièrement en Asie, avec le développement d’outils permettant notamment d’identifier les individus ayant été en contact avec des malades. 

Au Québec, les équipes de Yoshua Bengio de Mila, l’Institut Québécois d’intelligence artificielle, développent depuis plusieurs semaines une application mobile pour retracer les déplacements des personnes infectées. Elle pourrait nous aider à mieux évaluer les risques de contracter la maladie dans une phase de déconfinement par exemple. Son utilisation resterait volontaire. Mila serait d’ailleurs actuellement en discussion avancées avec les autorités.

Des outils qui font débat

Ces outils et projets soulèvent toutefois de nombreuses questions chez les éthiciens.

« A l’OBVIA, nous sommes préoccupés. Ces technologies peuvent être très utiles, mais elles posent des questions par rapport à des enjeux sociaux, éthiques et juridiques », nous affirme Lyse Langlois, Directrice scientifique de l’Observatoire international sur les impacts sociétaux de l’intelligence artificielle et du numérique.

L’Observatoire a obtenu 200 000$ des Fonds de recherche du Québec pour former un comité de chercheurs chargé d’évaluer les effets de ces outils dans la lutte contre le virus. Ils sont une quinzaine, issus de diverses universités. Leur mission : faire une veille des initiatives technologiques au Québec et à travers le monde et contribuer à la réflexion sur les enjeux qu’elles soulèvent. Le tout donnera lieu à des recommandations destinées aux autorités publiques.

« On travaille en interdisciplinarité. C’est majeur. Quand les concepteurs conçoivent ces outils-là, il faudrait que les autres disciplines puissent participer à la réflexion en amont, et non pas en bout de piste. Les éthiciens vont s’apercevoir immédiatement des problèmes ou questions que vont poser ces applications » poursuit la directrice de l’OBVIA.

Un enjeu de démocratie 

En France, l’application Stop Covid suscite déjà de nombreuses polémiques. Apple et Google ont annoncé qu’ils allaient travailler ensemble pour que leurs téléphones échangent des données via Bluetooth pour lutter contre le coronavirus. Et les risques de dérapages, particulièrement dans les régimes autoritaires comme la Chine sont bien réels. 

« Nous trouvons que c’est un enjeu de démocratie, et d’autodétermination. Quand on sait déjà que les compagnies privées possèdent énormément de données de géolocalisation sur nous. Nous nous posons beaucoup de questions. À qui appartiennent les données? Comment cela va être géré? En plus toutes ces applications de contact tracking qui se mettent en place, sont faites dans chaque pays avec les propres particularités de ces pays. Singapour, Taïwan, la Corée du Sud, ce sont des États qui sont habitués à vivre avec la technologie. Ici, on va se demander si on stigmatise une population qui a moins accès à la technologie, est-ce qu’on engendre de la discrimination?…  À l’OBVIA, nous souhaitons recommander et orienter. Le concept-clé, c’est l’innovation responsable » conclut Lyse Langlois.