COMMENT UTILISER L’IA COMME OUTIL DE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE?

COMMENT UTILISER L’IA COMME OUTIL DE TRANSITION ÉNERGÉTIQUE?

Si l’on veut avoir demain une énergie plus verte et réussir la transition énergétique nécessaire à notre survie, nous devons trouver les réponses aux deux problématiques essentielles: quelles sont les énergies les moins polluantes et surtout comment optimiser sa consommation? L’optimisation des ressources en énergie est un savoir-faire complexe qui implique beaucoup de paramètres, presque impossibles à gérer pour un cerveau humain. C’est là que l’IA entre en jeu.

Imaginez un supercalculateur qui prendrait en compte les besoins en électricité en temps réel de plus de 8 millions de personnes, en se basant sur le microclimat de chacun de ces foyers et en tenant compte de leurs comportements, parfois imprévisibles.

C’est le défi sur lequel se penche actuellement Hydro-Québec, en étroite collaboration avec le milieu universitaire, et particulièrement l’IREQ. Un projet de recherche est actuellement mené afin de développer une IA capable d’analyser la demande en électricité des Québécois, en partant de leur comportement en temps réel. Et ce, afin d’affiner la prévision de la demande globale de la province et donc mieux optimiser la production.

Aujourd’hui, il est relativement facile de prévoir la demande en électricité du Québec en se basant sur des facteurs météorologiques. Grosso modo, quand il fait très froid ou très chaud, la population consomme plus d’énergie pour affronter les températures extérieures. Ce qui est bien plus complexe est de prévoir les comportements sociaux, souvent imprévisibles, de l’ensemble de la population. Par exemple, tous les ans l’équipe de prévisionnistes d’Hydro-Québec se triture les méninges pour calculer le besoin des Québécois le jour de Noël. En effet, si la fête tombe un dimanche ou un lundi, la demande en électricité ne sera pas la même. Selon si les Québécois passent les fêtes chez eux ou ailleurs, s’ils travaillent le jour même ou non, etc.   

« A Noël, on essaie avec un petit fichier Excel de se faire une tête et tout… Et puis là on se disait que l’intelligence artificielle aurait une plus grande patience à trouver ces patrons de comportements. On est là, toujours dans un comportement de « top-down » mais on n’a toujours pas de variables explicatives sur pourquoi, de façon macroscopique, on voit un comportement différent à Noël. D’introduire des variables explicatives, c’est très riche pour un modèle d’outil de prévision « bottom-up ». Parce que le “Besoin Québécois”, c’est une variable qui est supposée représenter l’ensemble des clients. » explique Olivier Milon, chargé d’équipe, unité Prévision de contrôle du réseau chez Hydro-Québec TransÉnergie.

La solution? Partir du client pour remonter à la production. Et ce, en installant des boîtiers intelligents qui transmettraient les données de consommation en temps réel, et ainsi affiner la prévision de la demande générale : « Avec les compteurs intelligents, on peut savoir que ça, c’est une industrie, ça c’est un commerce, ça c’est ce sont des domiciles… On ne va pas connaître le code postal ou le nom du propriétaire, c’est interdit. Mais on va avoir une notion du secteur d’activité, de la localisation géographique… Et donc ça, ça va être des variables explicatives. Et en plus on peut en avoir plein, parce que ça représente 4 millions d’unités. On se rend bien compte de la dimension de données à traiter, qui est humainement impossible. Alors que l’intelligence artificielle se débrouille très bien avec ces volumes de données. L’IA, c’est plus fort qu’un humain pour détecter des points communs, des périodes, des cycles, etc., qui ne sont pas nécessairement faciles à détecter. Pour l’instant, nous n’avons pas vraiment de variables explicatives. On sait que le dimanche, ce n’est pas pareil qu’un lundi, et c’est tout ce qu’on a. Sans données de variables explicatives, une IA va être capable de décomposer et de retrouver des cycles. Et en ça, l’IA surpasse l’humain »  ajoute le prévisionniste.

L’IA pourrait-elle rendre les villages autonomes ?

Imaginez maintenant un village isolé du réseau électrique qui serait alimenté en électricité via un ensemble de panneaux solaires, d’éoliennes, de batteries qui stockeraient l’énergie pour les jours sans soleil, ni vent et enfin, d’une génératrice au diesel lorsque plus rien ne fonctionne. Ainsi, lors d’une journée ensoleillée le village est alimenté par les panneaux solaires, quand la nuit tombe et que le vent se lève, les panneaux solaires laissent place aux éoliennes. Si au cours de la nuit la force du vent faiblit, les batteries qui ont accumulé de l’énergie durant le jour, prennent le relais. Et pour les jours gris et calmes, une génératrice tournant à l’énergie fossile peut prendre le relais. Mais pour cela encore faut-il prévoir la demande, en se basant sur toutes les données météorologiques, les comportements des habitants du village, tout en contrôlant la qualité du réseau électrique et ses sources de production d’énergie. Un casse-tête humain mais un simple apprentissage pour un réseau neuronal artificiel.

Ceci n’est pas une utopie mais un projet de recherche en IA en développement au sein d’un laboratoire de l’École de technologie supérieure de Montréal. Hussein Ibrahim et son équipe simulent un microréseau dans lequel diverses sources d’énergie sont interconnectées : « Dans le cas des énergies renouvelables, ce sont des données météorologiques, comme la vitesse des vents, la température, la pression de l’air, les précipitations. On parle aussi de données opérationnelles, comme la tension, la fréquence, la pression d’huile, les débits, les flux, etc. À titre d’exemple, dans une éolienne, on peut aller chercher 200 informations par seconde. Si on veut traiter ces 200 informations par seconde, le cerveau va éclater. Donc, on a besoin de l’intelligence et des algorithmes intelligents pour les traiter. » explique Hussein Ibrahim, directeur de la recherche et de l’innovation au Cégep de Sept-Îles.

Encore en cours de recherche, si ces deux applications en IA s’avèrent efficaces, elles pourraient représenter un grand pas en avant vers une transition énergétique plus verte.