L’IA pour améliorer le diagnostic du cancer de la prostate

L’IA pour améliorer le diagnostic du cancer de la prostate

Une étude 100% québécoise devrait permettre de révolutionner le diagnostic du cancer de la prostate agressif.

Chaque année, 4200 Canadiens meurent d’un cancer de la prostate, et dans 20% des cas, il s’agit d’une forme agressive de cette maladie. Améliorer l’identification des patients à risque et le diagnostic des formes les plus graves de ce cancer, c’est l’objet de la récente étude menée par une équipe de 28 chercheurs du Centre de recherche du CHUM (CRCHUM) et de Polytechnique Montréal.

Le rôle de l’IA

La technique utilisée combine l’imagerie par microspectroscopie Raman à des techniques d’apprentissage machine. « En soi, c’est une amélioration d’une technique qui existe déjà », commente la Dre Dominique Trudel, pathologiste au CHUM et auteure de l’étude. « La spectroscopie Raman est utilisée depuis déjà une centaine d’années, mais nous, nous sommes les premiers à l’utiliser d’une façon entièrement clinique, entièrement compatible avec les techniques d’analyse du tissu actuelles ».

En effet, aujourd’hui, dans les laboratoires, les pathologistes préparent les tissus généralement prélevés par biopsie sur le patient et font les analyses au microscope. La spectroscopie Raman consiste concrètement à faire vibrer les molécules d’un échantillon à l’aide de rayons lumineux et recueillir les informations sur les liaisons chimiques. 

Dans les cas les plus graves du cancer de la prostate, une variante agressive, le carcinome intracanalaire de la prostate, est présente.

Pourtant, à l’hôpital, ces pathologistes ne disposent pas de biomarqueurs pour l’identifier avec précision. « Ils se fient à une observation visuelle des tissus prélevés », commente la Dre Trudel. Et dans ce cas précis, l’oeil humain ne serait pas capable d’identifier ce variant agressif. Ajouter de l’IA à cette technique répond donc « à un besoin qu’on avait », précise-t-elle.

Affiner le diagnostic

Pour cette étude, l’équipe scientifique a analysé des échantillons de tissus de 483 patients atteints du cancer de la prostate de trois établissements de santé différents : le CHUM, le Centre hospitalier universitaire de Québec et l’University Health Network à Toronto.

Ils ont d’abord déterminé la signature moléculaire propre à chaque échantillon grâce à la spectroscopie Raman. Ensuite, l’équipe de recherche a utilisé la collection de spectres Raman du CHUM pour entraîner des algorithmes. Leur mission: reconnaître et classifier automatiquement les signatures spécifiques de tissus sains, du carcinome intracanalaire de la prostate et d’autres formes du cancer de la prostate. 

Cette étude « est très encourageante », pour la Dre Guila Delouya, radio-oncologue au CHUM. « C’est une lumière au bout de mon tunnel. Cela fait 10 ans que lorsque je reçois un nouveau patient, je lui annonce que je vais le traiter comme le monsieur d’à-côté qui a sensiblement les mêmes résultats d’analyses. Cette découverte va pouvoir aider les cliniciens comme moi. On va pouvoir personnaliser le traitement des patients. L’IA est l’avenir. Elle est déjà utilisée dans d’autres types de cancer. Le cerveau humain n’est pas capable de développer de tels algorithmes. À date, nous n’avons rien pour nous aider à différencier les patients. On va s’en rendre compte que plus tard, après qu’ils aient récidivé par exemple, mais c’est déjà trop tard. Si j’avais su initialement, il y a deux ans, que tel patient avait un moins bon pronostic ou un cancer plus agressif, j’aurais peut-être agi autrement dans son traitement. À contrario, cela peut aussi éviter des traitements inutiles à des hommes atteints de cancer de la prostate pratiquement inoffensif ».

UN OUTIL D’AVENIR ?

Avec un diagnostic précis dans près de 9 cas sur 10, les résultats de cette nouvelle technique sont plutôt prometteurs. Reste à savoir si une implantation dans le milieu hospitalier est possible ? « Oui », selon la Dre Trudel. « Cette nouvelle technique est plus rapide que celles utilisées en laboratoire actuellement (90 minutes contre 24h) et pas plus onéreuse car on utilise le matériel déjà existant en laboratoire ».

Pour la Dre Guila Delouya, « il reste tout de même du chemin à faire avant de valider, entre autre, ces premiers résultats à plus large échelle. Cela ne va pas changer notre pratique du jour au lendemain, il va falloir continuer les études, car là, ça a été fait sur des échantillons provenant de trois établissements. Maintenant, la question c’est de savoir comment on va l’appliquer dans notre quotidien ».

Au Canada, 23.000 personnes sont atteintes chaque année du cancer de la prostate. Il est le troisième cancer le plus meurtrier dans le pays.