[Entrevue] Des robots au service du handicap

[Entrevue] Des robots au service du handicap

A l’heure où les robots autonomes s’immiscent de plus en plus dans notre quotidien, il était temps de s’intéresser à l’un des spécialistes de la robotique québécoise, Kinova Robotics, implanté à Boisbriand et désormais présent dans plus de 40 pays à travers le monde. A cette occasion, nous avons rencontré son vice-président exécutif, François Boucher, pour parler des dernières innovations de la firme.

AUJOURD’HUI DES CENTAINES DE PERSONNES À TRAVERS LE MONDE UTILISENT VOS BRAS ROBOTISÉS, PRÉNOMMÉS JACO, C’EST UN ABOUTISSEMENT POUR VOUS ?

“La robotique d’assistance est la raison même de la fondation de notre entreprise en 2006. Notre fondateur et PDG, Charles Deguire, avait vu un de ses oncles, Jacques, atteint de dystrophie musculaire, inventer un bras mécanique et il a souhaité en faire un modèle robotisé.

Le but avec ce robot fixé à un fauteuil motorisé, est d’offrir aux personnes dont la mobilité du haut du corps est partiellement ou totalement limitée, la possibilité d’interagir avec le monde. De pouvoir manger, s’abreuver, ouvrir des portes ou encore se gratter le nez, comme tout le monde. 

Avec le temps, nous avons élargi notre gamme. Nos bras robotisés sont principalement destinés aux personnes qui ont une grande perte d’autonomie au niveau de leurs bras. Désormais, nous leur offrons des solutions intermédiaires comme des supports de bras mécaniques ou électriques.”

AUJOURD’HUI, ON VOIT APPARAÎTRE UN PEU PARTOUT DANS LE MONDE, TOUT UN TAS DE ROBOTS DANS LES HÔPITAUX, QUI VIENNENT EN AIDE AU PERSONNEL HOSPITALIER. OÙ VOUS SITUEZ-VOUS EN MATIÈRE DE ROBOTIQUE DANS LE MILIEU MÉDICAL ? 

“La robotique en milieu hospitalier fait totalement partie de nos préoccupations. Nous avons développé des solutions afin de robotiser les intervention chirurgicales qui ne le sont pas aujourd’hui.

Ce sont toujours des bras robotisés, qui sont capables par exemple, de manipuler des outils plus petits et d’atteindre des parties du corps plus difficiles d’accès. Ils fournissent une expertise médicale de haut niveau.

Les chirurgiens ne sont pas tous au même niveau technique, il y a des meilleurs chirurgiens que d’autres, donc le but de la robotique dans les intervention chirurgicales, c’est d’éliminer ce facteur subjectif d’un chirurgien à l’autre. De leur fournir la même base technique. Ils gardent ainsi leur pouvoir d’analyse, mais laissent la technique aux robots. Nous ne remplaçons pas les gens en milieu hospitalier, nous leur donnons plus de capacités.

Ces robots sont déjà opérationnels dans certains centres de santé aux États-Unis et devraient prochainement l’être au Québec.”

ET PEUT-ON IMAGINER QUE CES ROBOTS CHIRURGICAUX SOIENT PROGRAMMÉS À L’AVANCE ET FONCTIONNERAIENT AVEC DES ALGORITHMES ET DE L’IA ?

“C’est très concrètement la prochaine étape. Aujourd’hui, de part la situation règlementaire, laisser les robots faire trop de taches de façon autonome, dictés par l’IA, nous n’en sommes encore pas là.

Le Québec est intéressé, mais par souci de certification et de disponibilité des produits, nous n’avons pas encore débuté les tests ici.”

VOUS DÉVELOPPEZ ÉGALEMENT DES ROBOTS POUR INTERVENIR DANS DES ENVIRONNEMENTS DANGEREUX ET EFFECTUER DES TÂCHES TROP RISQUÉES POUR LES HUMAINS. VOUS POUVEZ NOUS EN DIRE UN PEU PLUS ?

“Nous avons un partenariat avec le groupe anglais Atkins, spécialisé dans l’ingénierie et impliqué dans le milieu du nucléaire. La volonté du Royaume-Uni est en fait de retirer l’humain des boîtes à gants, cette enceinte hermétique dans laquelle les techniciens manipulent des matières contaminées avec des gants montant jusqu’aux épaules.

Malgré les mesures de sécurité mises en place, certains techniciens ont été exposés à des radiations. Le but de cette collaboration est que ces mêmes techniciens qui pilotaient la prise d’objets avec leurs propres mains, le fassent en dehors de la boîte à gants avec un bras robotisé. Et avec les mêmes caractéristiques de facilité d’utilisation que nous avons avec les robots d’assistance ou avec les robots chirurgiens.”

J’AI VU AUSSI QUE VOUS INTERVENIEZ DANS LE DÉSAMORÇAGE DE BOMBES ? 

“L’histoire se répète avec ce volet là effectivement. Nous en revenons encore une fois à l’IA, à travers de l’apprentissage machine, des algorithmes de vision, afin de faciliter le travail du technicien et rendre le travail du robot plus efficace et plus sécuritaire. 

Notre créneau ici, c’est la neutralisation d’engins explosifs (EOD). Dès qu’il y a une alerte à la bombe, une équipe technique spéciale se rend sur place pour tenter de la désamorcer. Le robot utilisé actuellement est un gros robot, un monstre. Je vous donne un exemple, si nous avons un colis suspect dans une voiture, le robot actuel va arracher la portière et faire exploser la bombe a distance.

Notre robot lui, amène de la finesse, il est capable d’ouvrir la portière, de désamorcer l’explosif et même de retrouver des preuves comme des empreintes, des fibres, des morceaux. S’il y a un téléphone portable, il va être capable de retrouver un numéro de série, de tracer la source. Chose que ne faisait pas les robots auparavant.”

ET EST-IL DÉJA EN APPLICATION SUR LE TERRAIN ?

“Nous avons développé cette innovation avec l’entreprise américaine Northrop Grumman, qui s’est chargée de la proposer aux différents corps policiers. Le robot était jusque là en projet pilote dans différentes unités policières aux Etat-Unis et au sein de la police israélienne.Nous commençons tout juste la commercialisation, nous devrions voir des unités s’en procurer prochainement.”

Les avancées en matière de robotique ont permis à Kinova de devenir l’un chefs de file du secteur au Québec, et plus largement au Canada. Les exportations de leurs bras robotisés représentent désormais plus de 90 % de leur chiffre d’affaires.

Le robot JACO pour porter assistance aux personnes handicapées. 

Crédit photo : KINOVA ROBOTICS