L’Église prie pour une intelligence artificielle plus humaine

L’Église prie pour une intelligence artificielle plus humaine

En novembre, le pape François aura une pensée pour un domaine qui peut sembler bien loin des tracas usuels de l’Église catholique, soit l’intelligence artificielle (IA). Pourtant, durant ce mois le Souverain pontife consacrera ses prières à une IA plus humaine.

C’est le thème qui a été sélectionné pour l’avant-dernier mois de l’année 2020 par l’Apostolat de la prière, parfois simplement connu sous le nom de « groupe de prières du pape ».

Ainsi, lorsqu’il « se tournera vers Dieu », celui-ci fera le vœu d’un développement de l’IA dans un esprit « d’aide à l’humanité », explique l’archevêque de Montréal, Christian Lépine.

« L’IA, comme plusieurs autres progrès technologiques, c’est un outil d’un grand pouvoir. Cet outil peut être utilisé pour le bien de l’humanité, mais il peut aussi être manipulé afin de profiter seulement à une minorité », souligne Mgr Lépine.

Contrairement à ce que certains pourraient croire, l’Église catholique n’est pas opposée aux avancées dans le monde du numérique, insiste l’archevêque. « Le pape invite même à ce que l’on fasse des progrès en IA, tant que cela respecte la dignité de la personne », indique-t-il.

Mgr Lépine trace un parallèle avec la venue de la vidéoconférence, très populaire en ces temps de pandémie. « C’est une technologie qui nous permet de nous rapprocher, mais elle ne pourra jamais remplacer l’humanité et ses véritables contacts. »

L’IA : un bouleversement pour la foi?

Pour l’historien du christianisme et des religions Fabrizio Vecoli, chaque percée technologique peut impliquer un bouleversement pour les grandes religions.

« Ces innovations, incluant l’IA, transforment la manière de concevoir l’homme dans l’univers », affirme le professeur de l’Institut d’études religieuses à l’Université de Montréal.

Bien que le pape François soit souvent perçu comme une tête de la foi catholique plus progressiste et ouverte à la technologie que certains de ses prédécesseurs, il n’empêche que les avancées du numérique peuvent ébranler les systèmes de prise de décisions. « L’Église ne souhaitera certainement pas que l’on délègue tout à l’IA et que l’on ôte l’humain de l’équation », croit le professeur Vecoli.

L’auteur du livre La religione ai tempi del web (La religion à l’époque du web) souligne que l’Église catholique s’adapte parfois plus difficilement que certaines autres confessions aux nouvelles technologies.

« Dans le cas des célébrations virtuelles par exemple, les protestants et les hindous ont su les instaurer sans trop de soucis, tandis que pour les catholiques c’est beaucoup plus ardu. Il y a un aspect physique qui est inhérent à la messe qui rend le virtuel impossible », souligne l’historien.

Une question d’éthique fondamentale

De son côté, Cory-Andrew Labrecque, professeur et vice-doyen de la Faculté de théologie et de sciences religieuses à l’Université Laval, ne s’étonne pas de l’intérêt de l’Église pour cet enjeu.

« Historiquement, elle s’est toujours intéressée à la science et à ses implications morales », selon ce dernier.

Le membre de l’Académie pontificale pour la vie, une institution qui conseille le Vatican sur les enjeux biomédicaux, souligne qu’au mois de février 2020, une conférence s’est tenue au Saint-Siège sur l’IA.

Depuis, la discussion entre le milieu du numérique et de la foi semble être ouverte, puisque des géants comme Microsoft et IBM ont signé d’un commun accord avec le Vatican Un appel de Rome pour l’éthique en IA.

Le document « énumère une série de principes [ … ] et formule la volonté de travailler ensemble dans le domaine de l'[IA] au niveau national et international, afin de mettre les technologies au service de la protection de la planète et de tous les êtres humains ».

« L’enjeu des personnes pauvres et exclues demeure primordial pour l’Église. [ … ] De plus, il est certain que [ le développement de l’IA ] pose aussi des questions existentielles. Qu’arrivera-t-il lorsque l’on sera en présence de supermachines, qui prendront des décisions plus efficacement et rapidement que les humains? Doit-on craindre une déification de la technologie? Qu’en est-il de la question de l’âme? Les humains sont vus par l’Église comme les seuls êtres possédant un corps et une âme. Un éventuel robot pourrait-il lui aussi en avoir une? Ce sont des sujets sur lesquels l’Église se penche », soutient le professeur Labrecque.

Crédit Photo: Emmanuel Delacour/CScience IA