Quel est l’avenir de l’IA dans le commerce de détail au Québec ?

Quel est l’avenir de l’IA dans le commerce de détail au Québec ?

L’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) dans le commerce de détail demeure-t-elle le privilège des géants de la Silicon Valley ou peut-elle aussi profiter aux petites et moyennes entreprises québécoises? Tour d’horizon avec quelques experts d’ici.

Que ce soit dans la gestion d’inventaire, la promotion de produits ou encore l’ajustement des prix, l’IA fait déjà son incursion dans les magasins partout autour du monde, y compris chez nous.

« Tout le parcours client peut être augmenté grâce aux algorithmes. Les commerçants en bénéficient aussi dans leurs opérations, comme la livraison. Par exemple, la compagnie québécoise Xpedigo utilise « Waze » pour diriger ses coursiers », souligne Carl Boutet, directeur général du Centre québécois d’innovation en commerce (CQIC).

DE PLUS EN PLUS D’OPTIONS DISPONIBLES

La révolution IA se fait tranquillement, au travers d’outils qui passent parfois inaperçus.

Désormais, avant même d’arriver en magasin, l’acheteur potentiel peut discuter avec un assistant virtuel (chatbot) dans une application de service à la clientèle sur son téléphone intelligent.

Dans le commerce, il peut être guidé par des bornes interactives qui lui diront où trouver ce qu’il recherche.

Le commerçant peut lui aussi être assisté par des robots, pour trier son inventaire ou préparer les livraisons.

Les exemples sont innombrables.

Mais alors, pourquoi retrouve-t-on encore peu de ces solutions innovantes entre les murs de nos détaillants québécois?

« Un des enjeux majeurs, ce sont les bases de données. Il faut nourrir les algorithmes pour créer des expériences clients sur mesure et ça demande des effectifs technologiques, une expertise et du temps », insiste M. Boutet.

« La COVID a été un véritable wake-up call pour de nombreux commerçants en ce qui concerne le numérique et l’IA » – Maxime Cohen

De plus, ce dernier admet que les talents en IA n’ont pas le réflexe de se tourner vers le commerce de détail pour faire rayonner leurs connaissances.

Enfin, la langue aura été une barrière aussi jusqu’à tout récemment. « Les outils sur le marché sont très anglophones », rappelle le directeur général du CQIC, ce qui aura sans doute rebuté plus d’une PME.

LA PANDÉMIE, GRANDE PERTURBATRICE

Créé il y a un peu plus de deux ans et demi, le CQIC s’efforce de faire rayonner les innovations d’ici et d’aider les commerçants québécois à intégrer des solutions technologiques.

Le travail se fait pas à pas, selon M. Boutet. Selon ce dernier, l’écart à rattraper ne se trouve pas tant entre le Québec et le reste de la planète, mais plutôt entre les Amazon et Google de ce monde et les PME.

D’ailleurs, même le domaine académique s’intéresse aux défis de l’assimilation de l’IA dans les commerces d’ici.

En effet, ce sont des enjeux sur lesquels se penche les chercheurs du Laboratoire d’innovation en vente au détail de l’Université McGill (The McGill Retail Innovation Lab) depuis son ouverture il près d’un an.

Selon son codirecteur de recherche, Maxime Cohen, la pandémie aura fait accélérer l’intérêt des commerçants pour l’IA et le numérique.

« Il suffit de penser à tous les restaurants qui ont adopté des plateformes de livraison comme DoorDash pour remédier au manque de clients », souligne le professeur de gestion de vente au détail.

L’achat en ligne, une source intarissable de données pour les algorithmes de marketing, demeure peu exploité dans ce secteur. Cependant, cela est appelé à changer, entre autres à cause de la pandémie.

Selon le Diagnostic sectoriel de la main-d’œuvre du commerce de détail au Québec 2020-2023 rédigé par Détail Québec, sur 1000 commerçants interrogés, un maigre 36 % affirmait recourir à de la vente en ligne au début de l’année 2020.

Toutefois, l’analyse publiée au début du mois de décembre révèle qu’aujourd’hui la situation s’est transformée, puisque 44 % des détaillants indiquaient désormais avoir recours à la vente sur internet.

Qui plus est, le document prévoit qu’en 2023, la statistique grimpera jusqu’à 64 %.

« Depuis 2016, les habitudes des consommateurs québécois ont changé. Ils sont moins réticents à se tourner vers l’achat en ligne. Les enjeux de la langue et de sécurité les rebutent moins » – Manuel Champagne

La crise économique qui a suivi la pandémie aura aussi mis plusieurs projets sur la glace, confie ce dernier.

Le Diagnostic monté par son organisme indique que pour les trois prochaines années, à peine 2 % des détaillants ont l’intention d’améliorer l’expérience en magasin grâce à des technologies comme les bornes interactives ou de l’animation, tandis que l’utilisation de tablettes intelligentes pour la clientèle ou les employés n’intéresse qu’un famélique 1 % d’entre eux.

Malgré tout, l’IA pourrait donner un coup de main au secteur, qui connaît une pénurie de main-d’œuvre pressante. En effet, 22 000 postes sont à combler dans le commerce de détail au Québec, rappelle M. Champagne.

QUELQUES OUTILS D’ICI ET D’AILLEURS

Heyday : La plateforme utilise une IA conversationnelle pour guider les clients d’une entreprise et répondre à leurs questions. Les assistants intelligents (chatbot en anglais) sont de plus en plus populaires sur les sites internet de détaillants afin d’assurer une présence en ligne 24 heures sur 24.

Coveo : Une entreprise québécoise qui se spécialise dans « la recherche intuitive ». Il s’agit d’un moteur de recherche personnalisé, dont l’apprentissage machine est alimenté par les utilisateurs, leur permettant de trouver le produit qui leur convient, le plus rapidement possible.

Mon Vendeur Personnel : Cet assistant virtuel est rendu disponible grâce à des bornes en magasin, ou sur le téléphone intelligent du client. Ce vendeur numérique renseigne les utilisateurs sur les produits disponibles, leur origine, leur taille, leur couleur, etc. Les données collectées peuvent être utilisées pour améliorer la performance des ventes en magasin.

Volumental : Une compagnie européenne qui propose de transformer la façon dont on achète ses souliers. Un appareil digital prend une lecture en 3D des pieds du client pour trouver la bonne pointure. Le commerçant peut aussi se servir des informations pour monter une meilleure stratégie marketing basée sur sa clientèle réelle.

Storetraffic : Grâce à des capteurs en magasin, le gestionnaire peut connaître les zones les plus fréquentées de son établissement, les endroits à risque pour le vol ou simplement calculer le nombre de clients entre les murs à toutes heures de la journée. La compagnie québécoise aura trouvé une deuxième utilité à ses produits dans le cadre de la pandémie, puisque qu’ils permettent aussi de s’assurer que la limite du nombre de clients et la distanciation sont respectées dans les magasins.

Crédit Photo: Pexels/Pixabay