La santé mentale à distance grâce à la réalité virtuelle

La santé mentale à distance grâce à la réalité virtuelle

La réalité virtuelle nous permet d’aller au-delà de notre espace physique à la rencontre d’un nouveau monde. La nouvelle application COGNI-XR explore les modalités de thérapie en santé mentale au moyen de cette technologie. 

C’est l’entreprise québécoise COGNICORP+, fondée par Emmanuella Michel et co-fondée par Marco Carvalho, qui a développé cette application.

M. Carvalho est entrepreneur en série, dans les secteurs du divertissement, de la réalité virtuelle (RV), de la réalité augmentée (RA) et des produits de consommation.

Mme Michel est doctorante en Technologie éducative à l’Université de Laval et professionnelle de la santé mentale depuis plus de quinze ans. Sa recherche doctorale se concentre sur l’apprentissage expérientiel par la réalité virtuelle (RV) comme moyen de soutenir l’engagement, la participation et l’évaluation de l’expérience d’apprentissage de l’apprenant. Elle a été reconnue par Women Included en tant que femme inspirante. Elle fut aussi lauréate de la Bourse Lucie Samson pour son implication en éducation environnementale et en développement durable (2019).

Elle a accepté de se livrer à une entrevue pour nous expliquer sa nouvelle technologie.

QUESTIONS 

Crédit photo: Deydey Fineart

I. Croyez-vous que les consultations à distance vont permettre aux populations éloignées de bénéficier des mêmes services que les habitants des grandes villes?

“Oui, à 100%! Parce que cela ouvre rapidement à l’accessibilité aux services de qualité. Il y a quelques années, j’ai offert des formations dans le Grand Nord et j’ai remarqué que la nouvelle génération est accrochée à son portable ou sa tablette. Ces communautés sont isolées et elles doivent parfois collaborer avec le Sud pour recevoir du soutien.

Notre plateforme est une occasion parfaite pour déployer des services de santé mentale aux populations éloignées. Celles-ci pourront accéder à notre plateforme COGNI-XR du confort de leur foyer et enfiler leur casque de réalité virtuelle. Ces populations peuvent rejoindre des thérapeutes qualifiés et qui ont des connaissances sur leur réalité en tant que communautés autochtones. Elles ont accès à des thérapies narratives ou d’exposition aux peurs (phobias). Elles peuvent également bénéficier de formations par la réalité mixte (Web, RA, RV).

L’utilisation des plateformes technologiques en ligne pour la santé mentale a progressé considérablement au cours des deux dernières années. Les situations particulières de la pandémie ont même accéléré cette progression. Ce qui a entraîné plusieurs changements dans nos modes de vie.

On constate que les gens n’ont plus de réunions individuelles mais sont impliqués dans la connexion à d’autres via des plateformes en ligne telles que COGNI-XR. Ainsi, ces plateformes se présentent comme un moyen pratique d’offrir des solutions aux personnes soit pour le télétravail, soit pour répondre à d’autres besoins.”

II. Pensez-vous que la dimension ludique des consultations améliore les conditions d’ouverture ou de collaboration de la part du patient?

“Absolument! La gamification permet l’exploration d’événements inattendus, en surface. L’utilisation du jeu, selon moi, permet de s’évader de notre réalité afin d’atteindre un certain niveau de confort qui influence à la fois notre motivation intrinsèque et extrinsèque.

Nous pouvons, par la conception des environnements, réfléchir à la narration du patient. Cette narration permet à la personne immergée de vivre une expérience dans laquelle le thérapeute peut mesurer, par exemple, le niveau d’empathie. Elle permet d’exposer l’utilisateur à une expérience qui est très proche de sa réalité, et ce, pour des fins thérapeutiques.

La réalité virtuelle permet au développeur de contenu éducatif (grâce au design et développement d’environnements immersifs), d’implanter des mécanismes de jeux, mécanismes d’apprentissage ainsi que des modalités d’évaluation des connaissances tant formatives que sommatives. Nous percevons notre plateforme comme les réunions Zoom en immersion qui utilisent la gamification pour briser les barrières émotionnelles à travers des environnements conviviaux et ludiques.

Apportez un sentiment d’appartenance, transformez-vous en avatar, promenez-vous dans la ville avec votre thérapeute ou votre groupe pour des simulations et des entraînements synchrones et asynchrones. Vivez une immersion corporelle complète, des expériences immersives exclusives à travers des environnements et des simulations réalistes!” 

III. On parle souvent des biais dans les systèmes algorithmiques, mais la technologie que vous proposez va au-delà des biais raciaux par l’intermédiaire d’avatars. Corrige-t-elle ainsi la possibilité de biais humains?

“Beaucoup de groupes divers comme les Noirs, les Autochtones et les personnes de couleur (ou BIPOC, acronyme de Black, Indigenous, People of Color) font face à de multiples obstacles au Québec et ailleurs dans le monde. L’utilisation d’avatars BIPOC en trois dimensions est un moyen sensible et créatif de faire face aux stigmatisations, discriminations socio-économiques et aux défis reliés à l’impact du racisme.

Les avatars permettent de mettre les utilisateurs en interaction directe dans un environnement immersif représentant leur réalité afin d’aller vérifier ces phénomènes sociaux. Compte tenu de l’état actuel des recherches portant sur les discriminations sociales, il existe un besoin pressant de développer de nouvelles approches créatives pour s’attaquer à ce fléau de société qu’est le racisme.

“Il existe un besoin pressant de développer de nouvelles approches créatives pour s’attaquer à ce fléau de société qu’est le racisme.”

D’ailleurs, Salmanowitz (2018), de la Stanford Law School, présente dans son article l’utilisation de la réalité virtuelle sur les biais humains, son influence sur les préjugés raciaux implicites et les évaluations de scénarios juridiques.

Il a été question d’utiliser un avatar noir dans le monde virtuel. Les participants ont produit une somme de préjugés raciaux implicites nettement inférieurs aux participants ayant expérimenté une version fictive du paradigme de la réalité virtuelle. De plus, les participants ont dû également évaluer une affaire juridique ambiguë. Ils ont qualifié les preuves vagues comme étant de moins bons indicateurs de culpabilité. Ce qui résulte en un plus grand nombre de verdicts de non-culpabilité.

Une autre étude, (Patané et al., 2020) présente un paradigme de la RV dans une expérience de cinq minutes, dans laquelle les individus incarnent un avatar d’une race différente. Bien que cette étude ne soit qu’une incursion préliminaire dans ce domaine de recherche potentiellement vaste, les résultats sont prometteurs.

Là où les suggestions existantes sont insuffisantes, la RV offre un mécanisme interactif, engageant et subtil mais puissant et adapté aux exigences uniques de l’environnement de la salle d’audience.”

IV. Quelle est votre vision pour la technologie que vous proposez? Quelle évolution suivra-t-elle, d’après vous?

La crise sanitaire actuelle liée à la COVID-19 et les changements qui en résultent au niveau de l’accessibilité des services de santé mentale et de formation aux individus ouvrent la porte à l’utilisation du numérique. Cette utilisation vise également à améliorer les prestations de services.

Nous voulons offrir des services virtuels de santé mentale à court terme pour pallier aux besoins reliés à la santé mentale durant et après la pandémie du COVID 19. Le tout, en jouant un rôle de plus en plus important pour aider les utilisateurs et utilisatrices à faire face à leurs défis d’ordre personnels et professionnels.

“Une plateforme pour la santé mentale immersive digne du 21e siècle!”

Compte tenu de l’économie complexe et incertaine due à la COVID-19, les BIPOC et les propriétaires de petites entreprises font face à des difficultés susceptibles de les conduire à un risque accru de problèmes de santé.

C’est pour ces raisons que notre compagnie Cognicorp+ Thérapie Inc. a développé la plateforme COGNI-XR. Une plateforme de réalité mixte novatrice (utilisant le web, la RA, la RV, l’internet des objets-IOT) et sécuritaire. Elle respecte les protocoles de conformités PIPEDA et utilise des «sensors» et appareils IOT comme voie pour assurer le bon suivi du cheminement thérapeutique et éducatif des utilisateurs et utilisatrices. Une plateforme pour la santé mentale immersive digne du 21e siècle!

CONCLUSION

La fondatrice de COGNICORP+ nous fournit quelques données provenant de Psius, Stanford, XR Health, Cedars UCLA:

  • Plus de 2 000 professionnels de la santé mentale utilisent la RV pour leur thérapie. 
  • 14 000 patients ont été traités ainsi. 
  • Plus de 100 thérapies ont été développées sur cette base, y compris la gestion de la douleur (avec l’approbation de la FDA), la toxicomanie, l’amélioration cognitive et plus encore.
BIBLIOGRAPHIE

Ivan Patané, Anne Lelgouarch, Domna Banakou, Gregoire Verdelet, Clement Desoche, Eric Koun, Romeo Salemme, Mel Slater, Alessandro Farnè (2020), Exploring the Effect of Cooperation in Reducing Implicit Racial Bias and Its Relationship With Dispositional Empathy and Political Attitudes. Front Psychol. 2020; 11: 510787. Published online 2020 Oct 28. doi: 10.3389/fpsyg.2020.510787

Natalie Salmanowitz (2018), The impact of virtual reality on implicit racial bias and mock legal decisions J Law Biosci. 2018 May; 5(1): 174–203. Published online 2018 Apr 19. doi: 10.1093/jlb/lsy005 PMCID: PMC5912078

Crédit photo: Deydey Fineart