ÉDITORIAL: L’ÈRE DE L’ÉTAT-PROVIDENCE SCIENTIFIQUE EST ARRIVÉE

ÉDITORIAL: L’ÈRE DE L’ÉTAT-PROVIDENCE SCIENTIFIQUE EST ARRIVÉE

La pandémie actuelle de COVID-19 crée un immense chaos planétaire. Nos habitudes sont bouleversées. Ce qui paraissait essentiel il y a à peine un mois, est devenu secondaire. Et, ce que ce virus tueur est venu mettre en lumière de manière déroutante, cruelle, mais néanmoins évidente : c’est l’incommensurable fragilité de nos sociétés interdépendantes que nous pensions solides, inattaquables, abouties, en un mot « développées ».

La crise actuelle révèle douloureusement que la maladie ne connaît pas de frontières et ne distingue pas les riches des pauvres. Cependant, les territoires où la maladie fait actuellement le plus de ravages sont ceux où les dysfonctionnements des services médicaux et hospitaliers ainsi que l’état de santé vulnérable des populations sont les plus grands. Et à ce jeu-là, tous les continents sont concernés, car les dysfonctionnements des uns font potentiellement les malheurs des autres. La détresse est globale. Sans exception.

Il n’y a plus, d’un côté, les pays en développement, et de l’autre les pays dits « développés » : il y a la menace planétaire et le besoin d’une solution scientifique à l’échelle planétaire. Bienvenue au 21ème siècle !

La recherche scientifique en première ligne

Ici, au Québec, la présence du flamboyant docteur Horacio Arruda, et de manière générale des autorités scientifiques, main dans la main depuis plusieurs semaines avec les décideurs politiques, présage déjà de ce que sera sans doute notre avenir. La science sera de plus en plus appelée à la rescousse pour pallier les crises sanitaires et environnementales globales qui vont se multiplier.

Nos réponses scientifiques et technologiques vont être mises à rude épreuve face à l’ampleur des enjeux. Et les gouvernements, qui viennent de donner un visage à l’Etat-providence planétaire en harmonisant leur effort pour offrir un plan d’aide titanesque à l’économie mondiale, constatent aussi une forme d’impuissance.

Nous entrons dans un nouveau chapitre de l’humanité où, limités pour penser le complexe à l’échelle globale et face à l’ampleur gigantesque des phénomènes planétaires, les gouvernants doivent intégrer plus en amont, plus en profondeur, les recommandations des scientifiques. La masse des données à prendre en considération pour adapter nos décisions publiques est un défi colossal.

Cette situation interroge notre capacité à exercer la fameuse éthique de responsabilité qui, selon Max Weber dans Le savant et le politique, consiste à devoir « répondre des conséquences prévisibles de nos actes ». Prévisible, là est le mot-clé. Là réside tout l’enjeu.

Rendre plus prévisible l’imprévu

Déjà en 2015, lors d’une conférence TED, Bill Gates en visionnaire prophétisait que nous n’étions « pas prêts pour les épidémies » à venir. Il mettait alors en évidence le manque d’équipes et de systèmes prédictifs en place.

Ce qu’il pointait ainsi du doigt, c’est notre incapacité à anticiper globalement des phénomènes qui ont désormais une portée planétaire. Et si nous disposons déjà de cartes satellites, de portables connectés, de données biologiques émanant de centres de recherche aux quatre coins de la planète, l’anticipation des catastrophes requiert des simulations puissantes qui doivent intégrer le plus de données possible.

Des technologies actuellement en émergence peuvent nous y aider, mais elles ne sauraient être l’apanage ou la propriété exclusive de firmes privées ou d’organisations qui monnayeront leur usage à prix fort. Les pouvoirs publics doivent disposer de ces technologies et donner les moyens requis à la recherche fondamentale au nom de l’intérêt général. Par la force des choses, l’Etat-providence doit reprendre sa place, non plus à l’échelle nationale, mais à l’échelle planétaire. Et les technologies scientifiques nous aideront à le redéfinir.

L’Etat-providence scientifique : modèle d’avenir?

Face aux pandémies du type de celle que nous affrontons et des bouleversements climatiques attendus, une diplomatie scientifique planétaire est donc plus que jamais indispensable pour accompagner cette définition d’un nouvel ordre mondial, d’un État-providence planétaire agissant en concorde pour le bien de l’humanité toute entière.

Sur le plan technologique, et en particulier celui de l’intelligence artificielle, qui nous aidera à traiter et à gérer la somme incommensurable des données nécessaires à la prise de décision globale, les gouvernants devront apprendre à partager et à échanger les résultats des scientifiques. Ils le font, pour la plupart déjà, mais ils devront amplifier cette démarche.

Le système de santé mondial existe mais il manque encore de coordination nécessaire pour prédire des pandémies de l’ampleur de celle que l’on subit présentement. On apprend à la dure. C’est notre baptême du feu. Mettre le savoir au service du plus grand nombre, là est notre devoir, là réside notre salut collectif.