COMMENT FAIRE DE L’ART AVEC DES ROBOTS ? – ENTRETIEN AVEC DAVID USHER

COMMENT FAIRE DE L’ART AVEC DES ROBOTS ? – ENTRETIEN AVEC DAVID USHER

L’art est l’expression des sentiments humains par excellence, d’aucuns estiment que c’est ce qui différencie l’être humain de l’animal. C’est bien le domaine où les robots ne peuvent venir sur nos plate-bandes, et pourtant. Depuis qu’un tableau créé par une intelligence artificielle a été vendu 432 500 dollars chez Christie’s en octobre 2018, le monde de l’art s’interroge sur ce nouvel outil de création. Quelle est la place de l’IA dans la création artistique ? CScienceIA a discuté avec David Usher, le célèbre chanteur du groupe Moist. Passionné par les nouvelles technologies, l’artiste a ouvert un studio créatif à Montréal autour de l’intelligence artificielle. Entretien.

Reimagine.AI est un studio créatif développé autour de l’intelligence artificielle. Un studio qui mixe l’art et la science, de façon plutôt traditionnelle. La différence c’est que nous utilisons l’IA parmi nos outils technologiques. – David Usher

Comment utilisez-vous l’IA dans vos créations ?

“Notre spécialité est d’utiliser des outils d’IA pour créer des personnages virtuels. En “front-end” nous designons toutes sortes de personnages, comme des êtres humains, des animaux, des personnages imaginaires ou des aliens, par exemple. En “back-end “, nous utilisons des “nuages conversationnels” (des plateformes d’IA qui “imitent” une conversation avec un être humain, NDLR) pour leurs donner la personnalité que l’on veut.

Quand on y pense, nous sommes au début d’une nouvelle ère. Tant au niveau de l’art assisté par l’IA que dans les autres technologies impactées par l’IA. C’est une sorte de nouveau paysage, l’IA ouvre de nouveaux horizons, dans ce que l’on peut créer.”

Est-ce que l’IA vous aide à créer ?

“Cela ne joue pas sur ma créativité, je l’utilise comme n’importe quel autre outil technologique. Notre job, en tant qu’artiste, est de chercher de nouveaux outils avec lesquels jouer, de les manipuler puis de voir comment on peut l’ajouter à notre travail pour obtenir le résultat désiré. On perçoit l’IA comme un outil en plus, pour donner vie à notre travail.”

Pourquoi de nombreux artistes sont méfiants vis-à-vis de l’IA appliquée à l’art ?

“J’ai beaucoup d’amis dans les domaines technologiques et beaucoup d’amis dans le domaine de l’art. Je sais donc qu’il y a deux choses compliquées quand vous utilisez une technologie, surtout l’IA appliquée à l’art, c’est qu’elle est très coûteuse. Et aussi, généralement les artistes ont du mal à comprendre ces nouvelles technologies et comment les utiliser. C’est vrai que c’est difficile au début de comprendre comment les intégrer, quels sont leurs atouts et leurs limites. Souvent aussi, les gens pensent que l’IA est capable de beaucoup plus de choses qu’en réalité. Elle amène plein de possibilités mais elle a aussi ses limites.

Vous travaillez actuellement sur un algorithme, en partenariat avec Google Brains, qui crée des chansons. Comment cela fonctionne ?

“Je travaille avec Pablo Samuel Castro et Hugo Larochelle, des chercheurs en IA chez Google Brain (un projet de recherche d’apprentissage profond conduit par Google, NDLR) sur une IA qui aide les êtres humains à écrire des paroles de chansons. Lyric AI est un système d’apprentissage profond que nous entrainons à “apprendre” la langue anglaise mais aussi certains types de paroles et une certaine façon de les créer. Et ce, pour qu’il produise de “bonnes” chansons.

Est-ce que l’IA crée de la bonne musique ?

“C’est pas mal mais c’est loin d’atteindre le niveau d’un artiste, il est loin d’être aussi bon que mes co-auteurs humains. Après, l’IA arrivera sûrement à ce niveau-là un jour mais c’est loin d’être le cas pour l’instant.

Mais pour moi, c’est plus une façon d’explorer et d’apprendre de nouvelles choses. En tant que créateur, je veux toujours continuer d’apprendre sur de nouveaux medium. Et la meilleure façon de le faire est de travailler avec des personnes différentes et de creuser leur domaine d’expertise.”

Comment avez-vous commencé à travailler avec de l’intelligence artificielle ?

“Je travaille beaucoup sur la question du changement climatique et sur les fusions entre l’art et la technologie. Pour moi, l’IA est la nouvelle disruption de notre société. De ce fait, j’étais très intéressé par l’IA. Mais mon intérêt pour l’IA vient surtout de ce que j’imaginais pouvoir créer grâce à cette technologie. J’ai passé une grande partie de ma vie devant un public ou à communiquer avec mon public, que ce soit à travers mes livres ou mes conférences sur l’innovation et l’IA,  je voulais faire des oeuvres qui amènent de l’interaction. À travers Reimagine.AI, je veux comprendre comment les gens interagissent entre eux et ce, en créant des personnages virtuels.”