Simplifier le diagnostic du cancer de la peau grâce à l’IA

Simplifier le diagnostic du cancer de la peau grâce à l’IA

Au cours des dernières années, plusieurs pays se sont penchés sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le dépistage du cancer de la peau. Une récente étude australienne a d’ailleurs déterminé qu’en tant qu’aide à la décision pour le dermatologue, elle améliorerait la précision des diagnostics d’environ 13,4 %. 

Seulement cette année, 8000 Canadiens recevront un diagnostic de mélanome, l’un des types de cancer de la peau, et 1300 en mourront, selon la Société canadienne du cancer

Son dépistage se fait d’abord par dermatoscopie. Cette science permet aux dermatologues d’observer plus clairement les caractéristiques d’une lésion, à l’aide d’un dermatoscope. Muni d’une lentille grossissante et d’une source lumineuse, il aide entre autres à distinguer un mélanome d’un simple grain de beauté. C’est à ce moment que l’intelligence artificielle entre en jeu, afin de faciliter le travail des spécialistes.

LES MULTIPLES FACETTES DE L’IA

« On utilise l’IA parce que le cancer de la peau est l’un des rares cancers que l’on peut voir de l’extérieur, explique Marie-Pierre Faure, directrice adjointe de l’Institut TransMedTech de Montréal. Ça se fait en Australie, aux États-Unis, en Europe, et dans d’autres pays du Moyen-Orient. »

En effet, depuis plusieurs années, les dermatoscopes peuvent être liés à des appareils photo. Grâce aux images obtenues et aux informations quant à leurs diagnostics, des algorithmes d’intelligence artificielle sont entrainés à comparer et catégoriser des lésions.   

Par exemple, aux États-Unis, des chercheurs de l’Université Stanford ont mis au point en 2016 un système d’IA capable de distinguer 2032 maladies de la peau. Ce système est basé sur une intelligence artificielle de Google, conçue pour en analyser le contenu et le classer en catégories. Sa base de données regroupe près de 130 000 photographies cliniques. 

Des chercheurs allemands, américains et français ont également créé un algorithme apte à différencier des lésions bénignes et malignes. Publiée en 2018, l’étude présentait également un test afin d’évaluer la performance du système. Pour ce faire, ils ont montré 100 images de cas complexes à leur IA ainsi qu’à 58 dermatologues. Ceux-ci ont identifié correctement une moyenne de 87 % des mélanomes. La machine a quant à elle identifié correctement 95 % des mélanomes.

DES SOLUTIONS BIEN DE CHEZ NOUS

Basée à Vancouver, la compagnie MetaOptima offre des solutions de dermatologie intelligente et d’analyse de la peau. Lancé en 2015, le premier outil se nomme MoleScope. Cet accessoire permet d’obtenir une vue détaillée et à haute résolution grâce à un grossissement et un éclairage spécialisé. Il suffit juste de le placer devant la caméra d’un téléphone intelligent. Les photos sont ensuite transmises à un dermatologue, qui évaluera si le patient a besoin d’une consultation.

Le deuxième outil se nomme DermEngine. Destiné aux professionnels de la santé, il travaille de concert avec le MoleScope. En effet, grâce à l’IA, cette plateforme documente et analyse les images obtenues.

Les algorithmes peuvent utiliser des photographies du corps afin de détecter les lésions et les représenter sur une « carte du corps » en 3D. Au fil du temps, l’IA peut également évaluer s’il y a eu un changement dans leur apparence. Grâce à des caractéristiques visuelles telles que la couleur, la forme et l’aspect, DermEngine peut proposer au dermatologue des lésions similaires, provenant d’une base de données de milliers d’images de partout dans le monde. Elles sont accompagnées de statistiques sur les principaux diagnostics et sur la malignité. 

Il est important de souligner qu’un diagnostic ne peut reposer que sur cette technologie. Elle ne sert qu’à guider le médecin spécialiste dans sa décision. 

ET LE QUÉBEC DANS TOUT ÇA ? 

La technologie existe et elle est même conçue dans notre propre pays. Alors, pourquoi le Québec ne l’utilise-t-il pas ? « Ce qui nous est demandé pour l’implanter, c’est de faire une analyse complète, » mentionne Mme Faure. Accompagnée par des dermatologues et des cliniciens, elle a testé cette solution intelligente au Québec il y a quelques années.

Le gouvernement réclame en effet une étude afin d’évaluer la valeur ajoutée de cette pratique. Il désire également estimer sa faisabilité en matière de coût et de résultat. Les protocoles et les lettres des parties prenantes voulant participer sont d’ailleurs déjà écrits. « On a toutes les ressources qu’il faut. Ce qu’il nous manque, ce sont les budgets pour le faire, » souligne Mme Faure.

L’analyse servira aussi à valider le continuum de soins suivi par le patient. Plusieurs professionnels de la santé seront effectivement impliqués dans ce processus, tels que les pharmaciens, les médecins de famille, les dermatologues, les pathologistes et les oncologues. Il est donc important de s’assurer que ce parcours soit adapté et efficace avant d’en faire l’implantation au Québec.

POUSSÉE PAR LA COVID

Pour Marie-Pierre Faure, la pandémie mondiale aidera leur cause. « Sachant que les technologies ne sont plus à développer, que les savoir-faire sont là, maintenant c’est plutôt de la mettre en place et de l’implémenter dans le système de santé, » conclut-elle.