Les données de santé, un trésor convoité

Les données de santé, un trésor convoité

Récemment, l’annonce par le gouvernement d’une possible commercialisation des données médicales de la RAMQ à des entreprises pharmaceutiques a fait la Une de l’actualité. Cette éventualité a en effet été évoquée par le ministre de l’Économie et de l’Innovation en commission parlementaire il y a deux semaines. Ce sujet a soulevé de nombreuses interrogations. Cscience IA fait le point sur les enjeux de l’utilisation des données médicales des Québécois.

Les intelligences artificielles ont besoin d’énormément de données pour optimiser leur efficacité. S’il existe de nombreuses banques d’images ou de data à disposition des programmeurs, les données médicales sont plus difficiles à obtenir. Recueillir les données de santé de millions de patients serait ainsi “une mine d’or” selon certains experts, pour la recherche médicale. Combinées à l’expertise québécoise en intelligence artificielle, elles pourraient aider à créer des solutions encore plus innovantes et améliorer les diagnostics et le traitement des maladies.

Le carburant des solutions technologiques

C’est aussi une mine d’or pour ceux qui les vendent. La data est en effet considérée comme le “nouveau pétrole” de l’ère numérique. Or l’éventuel partage de ces données médicales à des entreprises privées suscite de nombreuses craintes et questions en matière de protection de la vie privée et des renseignements personnels.

Est-ce éthique de laisser l’industrie pharmaceutique exploiter nos données de santé ?

« Je pense que ce serait dommage de ne pas utiliser ces data-là en santé, pour tenter d’améliorer la santé de la population. Après tout est dans le comment ça se fait. Il ne faut pas oublier que le principal objectif d’un groupe pharmaceutique est de faire du profit. Celui du gouvernement devrait être le bien-être des Québécois. Les deux peuvent entrer en contradiction. Si le privé veut utiliser ces données dans un but purement marketing, c’est dommageable pour la population. Il faut garder en tête que les intérêts de ces entreprises ne sont pas vraiment alignés avec ceux des citoyens », analyse pour CScienceIA, Martin Gibert, chercheur en éthique de l’intelligence artificielle.

Que ce soit du côté des spécialistes de l’éthique ou d’autres experts, tous s’accordent à dire que cette exploitation des données massives pourrait être bénéfique si et seulement si, ces données restent anonymes, encadrées par des lois très strictes et au service de vrais bénéfices médicaux pour la population. Mais une loi serait-elle assez efficace pour protéger les intérêts des citoyens face aux géants pharmaceutiques ? 

Les données de la RAMQ déjà exploitées

Selon une enquête du Journal de Québec, la RAMQ exploite déjà nos données dans le cadre d’une « phase exploratoire ». La Régie assure toutefois que ces données sont nettoyées de tout renseignement personnel de nature confidentielle. Une direction de l’intelligence d’affaire de l’analytique a même été créée pour cela, elle compte actuellement 66 employés.

Son mandat: accumuler des millions de données sur les services de santé et sur les médicaments consommés par les Québécois. Ces informations sont à disposition du ministère de la Santé, des chercheurs du domaine médical et des services sociaux, ainsi que pour certaines demandes dites « externes ». La RAMQ affirme ne pas vendre de données brutes aux entreprises privées, mais dit facturer « un temps de production de documents statistiques ».

Dans une causerie virtuelle organisée par la CCMM le vendredi 31 août, Pierre Fitzgibbon a toutefois a souligné qu’il avait ouvert le débat. Il a tenu à préciser qu’“il fallait rassurer la population et développer un code d’éthique. Ça prend un cadre très clair. Il faut déterminer quels secteurs peuvent bénéficier de cet accès ».