Une ville virtuelle pour former les enquêteurs de demain

Une ville virtuelle pour former les enquêteurs de demain

Un nouvel outil fournit à des étudiants de l’École de criminologie de l’Université de Montréal (UdeM) leur première expérience d’une enquête criminelle dans un environnement virtuel augmenté par l’intelligence artificielle (IA).

Depuis un an, la plateforme numérique nommée Périclès reproduit les caractéristiques du travail des enquêteurs en générant 22 000 personnages fictifs, tous dotés d’histoires, de relations et parfois d’antécédents médicaux et criminels imaginés par un ordinateur.

Une version digitale de la ville de Montréal avec des adresses, 850 compagnies simulées et des données de géolocalisation offre une trame de fond pour établir des scénarios éducatifs afin de former les élèves au certificat en enquête et renseignement.

« Ça nous permet de surmonter certains problèmes auxquels nous devions précédemment faire face dans le contexte de l’enseignement. On devait toujours refaire la roue et créer des scénarios, parfois à partir de cas réels et faire appel à des comédiens pour les simuler. Il y a aussi l’enjeu éthique de l’utilisation de photos et de renseignements personnels. Périclès nous donne l’opportunité de résoudre tout cela », souligne Francis Fortin, professeur à l’École de criminologie de la Faculté des arts et des sciences.

ÉVALUER EN TEMPS RÉEL

En effet, grâce à des banques de données garnies par des générateurs de portraits virtuels et des générateurs d’informations personnelles fictives, la vie privée d’aucun individu n’est mise en jeu.

Les étudiants doivent ainsi partir à la collecte de renseignements sur la plateforme de la même façon qu’ils le feraient lors d’une véritable enquête. Ceux-ci se font donner des informations parcellaires par leur formateur qui leur serviront de point de départ pour choisir les personnes à interroger.

La qualité des éléments recueillis est évaluée et les étudiants qui ont des difficultés d’apprentissage sont repérés en temps réel.

« Ils peuvent se rendre à une adresse pour interviewer un suspect, ou se diriger au palais de justice pour chercher ses antécédents judiciaires. Les dossiers d’assurances et médicaux et les proches des individus peuvent aussi leur fournir des informations », explique le professeur.

AJOUTER DU RÉALISME

L’étape de l’interrogatoire d’un suspect est cruciale dans chaque enquête, et c’est pour cela que les créateurs de Périclès ont choisi de faire appel à des outils en IA pour reproduire des conversations réalistes.

« Au début on a testé des scénarios à branche, qui nous donnaient des choix de questions-réponses, mais lorsque venait le moment d’interagir avec des suspects, le défi de simulation était trop grand. On s’est tourné vers l’outil Action de Google Assistant pour recréer des conversations », affirme le professeur Fortin.

Celui-ci aimerait collaborer avec des développeurs en IA dans le futur pour aller au-delà de ce que peut offrir l’outil conçu par Google.

« Dans une conversation réelle, il y a plusieurs sphères de sujet qui s’entrecroisent. Un « bot » de base peut être bon pour générer des dialogues dans une sphère, mais pas quand on les mélange », explique-t-il.

Pour gagner la confiance de leurs interlocuteurs, les enquêteurs doivent parfois discuter de sujets qui peuvent paraître inconséquents dans le cadre d’un interrogatoire du point de vue d’un algorithme, mais qui s’introduisent de façon parfaitement naturelle du point de vue humain. C’est une subtilité de la communication qui échappe encore aux machines.

Malgré cela, le professeur Fortin entrevoit tout de même la possibilité de faire appel à Périclès systématiquement dans le cheminement des étudiants dans un avenir prochain.

« Ça pourrait nous permettre de corriger des erreurs avant de passer aux scénarios joués avec des comédiens », insiste-t-il.