Mieux apprendre grâce à l’IA

Mieux apprendre grâce à l’IA

L’intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail et par conséquent le secteur de l’enseignement. Mais au-delà de la popularité des programmes de formation en génie informatique, l’IA aura-t-elle un impact sur l’éducation en soi et la façon dont on pense le transfert du savoir? Selon certains experts, nous avons passé le cap de ce changement de paradigme.

« L’IA est déjà omniprésente en éducation! »

La question est sans équivoque pour Thierry Karsenti, Professeur titulaire à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal.

Ce dernier est titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les technologies de l’information et de la communication (TIC) en éducation et se spécialise sur les questions d’innovations en enseignement.

Selon lui, l’IA transforme subtilement depuis quelques années la façon dont la matière est acquise dans les salles de classe.

« Il suffit de penser aux logiciels de correction de texte, tels qu’Antidote, ou d’apprentissage de langues comme Duolingo, qui utilisent tous les deux des algorithmes d’IA dans leur fonctionnement. Plus d’un milliard de personnes utilisent Google translate autour du monde, une application qui est renforcée par l’IA. Ce programme a changé la façon dont on apprend et travaille », insiste M. Karsenti.

UN ÉVENTAIL D’OUTILS

Outre ces exemples bien connus, ce dernier rapporte le cas du tuteur intelligent (un « chatbot ») utilisé sur le site d’aide aux devoirs Alloprof, qui fonctionne grâce à de l’IA.

« Avant de parler à un tuteur réel, les élèves peuvent être aidés par un « robot » qui les oriente vers des vidéos explicatives sur le sujet demandé », explique le professeur.

Que ce soit les livres interactifs de la multinationale Pearson, le service de détection de plagiat de Turnitin ou l’application de résolution de problèmes mathématiques de Photomath, il semble que les outils pour aider les étudiants et les enseignants se multiplient chaque année.

D’un point de vue plus global, M. Karsenti cite l’exemple de Classcraft, un jeu de rôle sous forme d’application web qui permet aux professeurs d’améliorer les comportements de leurs élèves en classe.

« C’est un jeu qui récompense les bonnes conduites durant les cours, mais qui permet aussi de prédire les comportements négatifs », affirme-t-il.

Ce genre d’outil mérite un questionnement éthique, croit l’expert.

« Tout de suite, on a l’histoire de « Minority Report » qui nous vient en tête; un univers où l’on emprisonne les gens avant qu’ils ne commettent un crime. Ça peut paraître loufoque, mais il y a là une inquiétude légitime, à savoir si les professeurs pourraient punir leurs élèves à cause d’un algorithme prédictif », souligne-t-il.

Toutefois, si les anxiétés sur l’utilisation des données recueillies dans le milieu scolaire et académique ont leur raison d’être, M. Karsenti voit aussi dans l’IA une opportunité à ne pas manquer pour améliorer l’enseignement.

« Avec tous les bulletins, les rapports d’absentéisme et la panoplie d’informations qui sont collectées, on peut envisager qu’une centaine de données sont colligées chaque années par élève. Pourquoi ne pas les utiliser pour aider ceux-ci et créer un enseignement adapté à leurs besoins? », indique l’expert.

UN PÔLE DE l’IA DANS LES CÉGEPS ET UNIVERSITÉS

L’IA peut donc être un outil dans les classes, mais elle change aussi la matière qui y est promulguée.

Afin de réagir à la nouvelle tendance numérique, une coalition d’établissements postsecondaires s’est formée il y a deux ans de cela pour mettre sur pied le Pôle montréalais d’enseignement supérieur en intelligence artificielle (PIA).

« C’est une initiative des cégeps, qui rassemble aujourd’hui 19 collèges et universités. Le but premier était d’identifier un défi ou un enjeu commun en enseignement, et c’est l’IA qui a été ciblé à Montréal », explique Benoît Pagé, directeur du PIA.

Dans un premier temps, le PIA a permis de relever le nombre d’initiatives d’enseignement liées à l’IA dans les cégeps; un inventaire d’éléments de formation, pour savoir « qui fait quoi ». Un sondage effectué auprès de tous les établissements membres accuse un taux de réponse de 10 %, soit le pourcentage de cours ou d’activités reliées de près ou de loin à l’IA.

Le pôle élabore aussi des projets de formation, tels que des écoles d’été d’initiation au codage, ainsi que de la recherche concernant les compétences requises sur le marché du travail, afin de mieux cibler les besoins dans les cours.

« Si on attend après le ministère de l’Éducation pour changer les programmes de formation, ça risque d’être trop long pour de simples raisons administratives. C’est pour cela qu’on veut passer par des initiatives des professeurs, afin d’aller plus vite », souligne M. Pagé.

L’IA MONTRÉALAISE CHANGE LA FORMATION À L’INTERNATIONAL

Récemment établie à Montréal, l’école internationale de business Skema y a trouvé un terreau fertile pour repenser ses programmes.

« Il a une forte demande de la part de nos étudiants et de nos professeurs pour intégrer des éléments concernant l’IA dans nos cours. Ceux-ci veulent mieux répondre aux besoins du marché et comprendre comment ils peuvent penser leurs futurs modèles d’affaires grâce à l’IA et l’intelligence augmentée », indique Catherine Feuillet, directrice du développement à Skema Canada.

Depuis un an, l’école offre un volet complet en IA qu’elle lie avec quatre de ses programmes de cours donnés sur cinq continents.

« Grâce à la recherche que nous allons poursuivre à Montréal, nous structurerons notre offre dans ce domaine. Cela fait partie de notre approche hybride des savoirs. Nous voulons sortir les connaissances en IA des sphères des scientifiques et les rendre accessibles aux futurs décideurs en entreprise », souligne Mme Feuillet.

Crédit Photo: Pexels/Max Fischer