[Entrevue] : C’est un robot qui recrute mes candidats

[Entrevue] : C’est un robot qui recrute mes candidats

La pandémie de Covid 19 a accéléré la transformation numérique des entreprises, notamment dans les services des ressources humaines. Aujourd’hui le recrutement, le parcours et la formation des salariés, peuvent être initiés et gérés directement par des algorithmes.

Julie Hubert est la fondatrice de Workland. Depuis 10 ans elle développe des solutions pour automatiser le recrutement des entreprises. Une entrevue au coeur de cette transformation.

Comment fonctionnent les logiciels de recrutement que vous soumettez à vos clients ?

JH : Ce qui est le plus compliqué dans le recrutement ce n’est pas forcément de trouver les candidats, mais plutôt de faire un choix le plus rapidement possible une fois qu’on a tous les CV en mains. Nos solutions permettent de faire ce triage et d’automatiser le “match” entre plusieurs candidats et un employeur.

Lorsqu’un candidat veut appliquer, en plus de donner un CV, il va également répondre à des questionnaires de présélection. C’est un premier filtre qui permet à l’employeur de ne pas éplucher tous les CV et de se concentrer uniquement sur les CV présélectionnés par l’algorithme. Cela permet aussi aux autres candidats non retenus de vite passer à autre chose, plutôt que d’attendre plusieurs semaines pour avoir une réponse négative.

Plus le candidat va venir répondre à des questionnaires et plus les matchs vont s’affiner durant le processus de recrutement. Et tout cela se fait de manière totalement automatisée.

Quel est l’avantage d’un robot par rapport à un humain dans un recrutement ?

JH : Pour moi l’avantage de la robotique et de l’intelligence artificielle au sens large, c’est que cette portion du processus devienne totalement objective et automatisée, pour que chaque candidat ait la même chance. Avec un algorithme, aucun candidat ne sera écarté pour des raisons subjectives. Et c’est bien-sûr un gain de temps considérable pour l’employeur. 

Peut-on vraiment supprimer la subjectivité d’un humain pour choisir une nouvelle recrue ?

JH : Non, et honnêtement je ne préconise pas d’éliminer le rôle du professionnel. Les machines sont là aujourd’hui pour amener des données très précises au recruteur sur les candidats, et éviter les erreurs dans le triage des CV, mais c’est toujours une personne qui vient juger de tous les facteurs humains que la machine ne peut pas encore automatiser, et qui ne sera pas en mesure de le faire avant de nouvelles très grandes avancées technologiques !

Avec la pandémie de Covid 19, l’utilisation de ces outils s’est-elle accélérée ?

JH : En termes d’accélération de la transformation numérique des entreprises, c’est du jamais vu. Avant, beaucoup d’entreprises n’étaient pas du tout rendues là, mais la pandémie a tout changé. Que ce soit des PME, des grandes entreprises ou des organismes publics, on est dans une hyper accélération de la transformation numérique, en partie grâce au télétravail. Ce qui a changé également, c’est que cette demande vient désormais de la direction des entreprises, alors qu’auparavant c’est principalement les services des ressources humaines qui tentaient d’amorcer ce changement, et ils avaient en général du mal à convaincre leurs patrons.

Jusqu’ici on parle de recrutement, mais est-ce que l’intelligence artificielle a sa place dans dans le monde des ressources humaines ailleurs que dans le recrutement ?

JH : Au Québec ça commence à peine. Cela fait vraiment un an et demi qu’on aperçoit un début de transformation numérique dans les ressources humaines. Si l’intelligence artificielle a pris place dans le recrutement, en termes de gestion interne, c’est relativement nouveau.

« La prochaine étape ce sera donc d’utiliser des données dans l’entreprise notamment pour garder des salariés. Avoir par exemple des algorithmes intelligents capables de sonder le pouls des travailleurs, de sentir les insatisfactions des salariés. Tout cela sera automatisable grâce à la collecte de données qui ressort des interactions avec des employés.» – Julie Hubert

On devrait voir aussi des applications intelligentes pour la formation des salariés. On en voit déjà dans certaines entreprises, mais c’est le genre de choses qui va réellement se développer dans les années à venir.

Les salariés en ressources humaines ont-ils du souci à se faire ? Vont-ils disparaître au profit de logiciels intelligents ?

JH : Que ce soit dans les ressources humaines ou dans d’autres domaines, il y a des métiers qui vont complètement disparaître. Mais il va y avoir autant de nouveaux rôles qui vont émaner de cette transformation. Le défi, c’est donc de continuer à former les salariés, à les accompagner dans ce virage numérique. Parce que oui, les nouvelles technologies, c’est une bonne chose, mais on aura toujours besoin des humains qui les implantent ou qui amènent les révisions nécessaires. Dans le futur, les rôles en ressources humaines vont devenir beaucoup plus intéressants, stratégiques et créatifs.