Pourquoi a-t-on besoin de l’IA dans l’espace?

Pourquoi a-t-on besoin de l’IA dans l’espace?

Après la construction du  bras canadien Canadarm3 pilotée par MDA pour la station spatiale lunaire Gateway, la prochaine grande contribution canadienne aux futurs vols spatiaux habités risque fort de provenir du côté médical sous le leadership de l’Agence spatiale canadienne (ASC) et de ses partenaires.

Le premier événement dédié à l’IA appliquée au spatial, AIxSpace, organisé par Innovitech et Euroconsult, a permis un pas de plus vers le rapprochement entre les secteurs de l’intelligence artificielle et de l’aérospatiale sur des questions de santé et de sécurité.

LES ENJEUX DE SANTÉ

Artémis qui marquera le retour de l’humain sur la Lune, d’ici 2024, était sur toutes les lèvres. Le programme de la NASA est en fait la première étape d’une collaboration internationale qui enverra des astronautes explorer au-delà de l’orbite terrestre jusqu’à la planète Mars (1 000 fois plus loin de la Terre que ne l’est la Lune). Vers l’infini et plus loin encore! (dixit Buzz Lightyear 😉

Mais s’éloigner ainsi de la Terre entraine son lot de difficultés. Un aller-retour sur Mars prend près de trois ans. Durant ce temps, l’équipage devra composer avec peu ou pas de ravitaillement en oxygène, en eau, en nourriture et en fournitures médicales.

Les astronautes subiront les effets néfastes de l’apesanteur et d’un environnement plutôt hostile incluant des radiations cosmiques, le confinement et l’isolation sur des périodes inédites. La perte de densité musculaire et osseuse, les risques cardiovasculaires et de cancers sont accrus.

Les membres d’équipage seront donc plus à risque de développer des problèmes physiques, sociaux et mentaux.

EN ROUTE VERS L’AUTONOMIE

S’ajoutent à ces problèmes, les communications limitées dans le temps (8 heures par semaine sur Gateway) et les délais de transmission imposés par la vitesse de la lumière (jusqu’à 46 minutes de latence sur Mars). Ces contraintes réduiront considérablement la contribution du centre de contrôle terrestre sur des distances aussi éloignées.

Le temps d’évacuation passe aussi de quelques heures sur la Station spatiale internationale, à quelques jours en orbite lunaire, à peu probable sur Mars!… D’où le besoin de développer rapidement un système médical plus avancé et autosuffisant.

C’est Isabelle Tremblay qui assume la responsabilité de la participation canadienne des futures missions de vol habitées. La directrice de l’Agence spatiale canadienne – Astronautes, sciences de la vie et médecine spatiale, admet qu’il existe un grand rattrapage de connaissance à faire en santé humaine actuellement dans l’espace.

Isabelle Tremblay. directrice de l’Agence spatiale canadienne – Astronautes, sciences de la vie et médecine spatiale

« Le futur de la santé dans l’espace et celui de la terre est très similaire, nous cherchons des technologies ou des médicaments qui sont prédictifs, préemptifs, personnalisés et participatifs.» – Isabelle Tremblay – Agence spatiale canadienne

LES ENJEUX TECHNOLOGIQUES

Les types de solutions recherchées par l’ASC visent notamment à obtenir plus de données pour faire des bio-diagnostics, de la détection de radiation, de l’aide à la décision pour l’équipage, de la simulation et de l’entrainement avant et durant la mission. Cet objectif est limité par deux facteurs, selon Mme Tremblay.

Premièrement, le manque de données puisqu’il n’y a pas beaucoup d’astronautes ayant séjourné longtemps dans l’espace. Les données et les modèles terrestres seront donc en grande partie extrapolés aux conditions de l’espace.

Deuxièmement, le manque de place à bord des vaisseaux. Il faudra donc développer une forme d’intelligence artificielle autonome localement.

D’autres enjeux ont été soulevés concernant la présence de milliers de satellites dans l’espace. L’IA intégrée à bord des satellites pourrait résoudre des problèmes de congestion dans l’espace et diminuer les risques que représentent les débris pour la sécurité et pour l’environnement.

UN DÉFI COLLECTIF

Ces projets audacieux nécessitent une collaboration entre des partenaires commerciaux et internationaux. Si l’on veut relever les défis technologiques et profiter de l’expertise canadienne en IA, le Canada réalise, de plus en plus, qu’il faudra agrandir sa base industrielle et faire confiance au secteur privé afin d’arriver avec des solutions à la fois ultraperformantes et commercialisables.

L’ASC compte avant tout identifier des aires communes et trouver des solutions avec l’industrie aérospatiale qui réduiront les coûts de santé nationaux et apporteront un boost économique à une industrie malmenée par la pandémie.

« Les avancées technologiques liées à l’exploration de l’espace peuvent transformer la prestation des soins de santé à distance dans les régions éloignées ou pour les personnes âgées.» – Isabelle Tremblay – Agence spatiale canadienne

Elle donne l’exemple de projets pour améliorer la durée de conservation des médicaments ou encore du développement de tissus et d’organes sur des puces informatiques pour voir comment les cellules humaines réagissent au stress, aux médicaments et aux changements génétiques dans l’espace.

SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE

Les récents changements de président à la Maison-Blanche devraient diminuer la pression pour atteindre la Lune coûte que coûte et le plus tôt possible, selon plusieurs observateurs. Ceci permettra à des pays membres de l’Union européenne notamment d’entrer dans un mode plus participatif.

La contribution de l’Agence spatiale européenne est cruciale pour développer les modules de service du vaisseau spatial Orion qui transportera les astronautes vers la station de recherche lunaire Gateway. Ces modules transporteront de l’air, de l’azote et de l’eau et des systèmes d’alimentation et de propulsion dans l’espace.

Les Accords Artemis, présentés par la NASA en mai 2020, établissent 10 principes de gouvernance pour l’exploration civile de la Lune et de Mars. Et le Canada fait partie des 9 premiers pays ayant signé ces accords en octobre 2020 au côté de l’Australie, l’Italie, le Japon, le Luxembourg, l’Ukraine, Les Émirats arabes et des États-Unis.

En terminant, saviez-vous qu’une consultation publique des Canadiens est en cours jusqu’au 31 mars 2021 sur les activités d’exploration spatiale ?