Quand l’IA fait son cinéma

Quand l’IA fait son cinéma

Lorsque la science entre dans les littératures de l’imaginaire, c’est tout un monde allégorique qui s’ouvre au public. Ce sont d’abord les œuvres de Jules Verne et René Barjavel qui anticipent les découvertes du XXè siècle. Un peu plus tard, le cinéma transpose les préoccupations contemporaines dans la science-fiction. Aux côtés des acteurs, l’Intelligence artificielle tient le premier rôle. Tandis que le monde s’impatiente devant de telles prouesses, certains auteurs émettent des doutes à l’égard du progrès. Alors prophéties ou simples illusions? Silence! Ça tourne…

PROLOGUE D’UN GENRE

Image: Resum’s Universal Robots

Dans l’Iliade et l’Odyssée, la femme d’or crée par Héphaïstos est un symbole avant-coureur des humanoïdes dans le monde de la littérature. Au début du XXè siècle, la robotique n’existe pas encore. La machine devient populaire à partir des années 20 dans la pièce de théâtre Rossum’s Universal Robot, conçue par Karel Čapek.

Roboti signifiant “travailler” en tchèque, le mot était né!

Via l’Expressionisme, les réalisateurs allemands engendrent bon nombre de créatures fantastiques telles que le Golem (Paul Wegener – 1920) ou les androïdes de Métropolis (Fritz Lang – 1927) voués à servir les humains. 

Au cinéma comme à télévision, L’IA apparaît dans une forme narrative, adulée par un public d’initiés: la science-fiction. Ce genre crée des allégories de la science ou de la culture en les transposant dans d’autres temps et divers lieux imaginaires. Il fait son entrée en 1929 dans la littérature d’Hugo Gernsback, auteur de la nouvelle Ralph 124C4.

Conscient que les robots performants peuvent représenter un danger pour l’espèce humaine, Isaac Asimov invente les trois lois “inviolables” de la robotique. L’auteur imagine des scénarios qui posent alors des réflexions morales, car étant bons, les robots sophistiqués contredisent la nature humaine. 

SUCCÈS AU BOX-OFFICE

La science-fiction représente donc un monde fantaisiste qui emprunte les voies de la réalité. Pendant la guerre froide, elle reflète l’inquiétude du nucléaire et la fascination pour l’espace. À cette période, l’attrait pour les étoiles trouve son reflet dans La Conquête de l’Espace (1955) et 2001: l’Odyssée de l’Espace (Stanley Kubrick-1968). Lorsque les réseaux informatiques font leur apparition, la science-fiction prend la direction du cyberpunk. Repris plus tard par Ridley Scott, le roman Blade Runner, Les androïdes rêvent-il de moutons électriques ? (Philip K. Dick – 1966) est de ceci. Dans un univers dystopique et déshumanisé, le chasseur de primes, sorte d’antihéros, questionne la nature des “répliquants” indésirables qu’il traque. Malgré les apparences, nous faisons face à des robots empreints de sentiments humains, prêts à tout pour survivre. 

Image: Film Wargames de Creative Analytics

Parallèlement, le grand public découvre les prémices de la vulgarisation du PC dans les foyers avec Wargames (John Badham – 1983). Une belle introduction au Deep Learning avec d’un côté un jeune geek, fan de programmation et de l’autre, un ordinateur qui fait joujou avec le département de l’armement américain. Un simple divertissement tourne au piratage avec un semblant de troisième guerre mondiale contre…l’U.R.S.S bien sûr.

Le cinéma anticipe ce que pourrait devenir la technologie du présent avec le questionnement du “moi” possible des machines. Souvent douée d’une conscience et même, capable du pire. Entre manipulation (Alien) et extermination (Terminator), la machine a souvent le mauvais rôle. Exception faite pour R2D2 qui reste l’ami fidèle des Jedis sur plusieurs générations.

SORTIR DE LA PELLICULE

Des plus banales au plus complexes, nous avons tous fantasmé d’avoir accès aux technologies de nos héros. Visiophones, écrans tactiles, conversation avec un appareil intelligent…ça c’est fait! Mais quand est-il des voitures autonomes et des sabres laser? Les constructeurs de voitures comme Tesla ont compris le fort potentiel commercial d’une assistante à la conduite. Les algorithmes appelés Autopilot ne permettent pas d’atteindre le niveau maximal, à savoir faire un trajet seule, sans volant et dans n’importe quelles conditions. Très ambitieux, Elon Musk ne tient pourtant pas ses promesses. L’encadrement juridique et les progrès technologiques présentent encore des carences. En phase d’expérimentation, la voiture n’est donc pas encore prête à rouler seule…rassurant non?

Image: Nike Mag de Designboom

Le design des sneackers de Marty dans Retour vers le Futur II (Robert Zemeckis – 1989) a élevé les standards de la marque Nike au rang d’emblématique. À tel point que la série limitée autolaçante (89 paires dans le monde) sont parties aux enchères pour la bagatelle de 100 000 euros minimum. Un collector des plus accessibles! Pour les vêtements qui sèchent instantanément, nous verrons cela plus tard…

Avec un budget plus humble, les Montréalais peuvent revivre les combats épiques de La Guerre des Étoiles à la Force Academy. Avec tout le matériel fourni, il est enfin possible de trouver la force. Par contre, pour ce qui est de l’arme célèbre, nous devons oublier l’idée du laser. Selon Roland Lehoucq, astrophysicien au commissariat à l’énergie atomique de Saclay, les sabres de Starwars émettent quelques contradictions. Il confie dans le magazine Futura Sciences qu’un “faisceau laser habituel se propage en ligne droite tant qu’il ne rencontre pas d’obstacle qui le réfléchit, le réfracte ou l’absorbe”. Lors d’un combat en intérieur, les protagonistes découperaient alors le vaisseau en morceau et seraient donc aspirés par le vide. Donc pas de laser pour les participants de ce bas monde, mais du fun quand même!

SPÉCULATIONS INFINIES

Les œuvres cinématographiques s’imprègnent des réflexions technologiques comme l’intelligence artificielle et parfois, vice versa. Cependant, la trame négative qui poursuit la machine fait naître la crainte de dérives irrémédiables. Imaginez un Droid 209 comme dans RoboCop (Paul Verhoeven – 1987) dont le système de reconnaissance visuel est mal ajusté? Bavure à coup sûr. Damien Cludel, en charge des Architectes Cloud Data & IA chez Microsoft France, parle de simples mythes.

Ainsi, il partage une vision modérée dans l’entretien qu’il donne à Microsoft Experiences: “les IA sont à la traîne”. À propos de conscience, la machine obéit seulement aux instructions qu’on lui donne. Si elle peut nous faire penser à une pensée humaine, c’est grâce aux intégrations de données. Il est facile de dévoiler un algorithme dans certains cas. Ce que l’humain associe naturellement comme absurde, L’IA ne le saisit pas toujours. Par ailleurs, un robot est incapable de se retourner contre nous car il ne différencie pas le bien du mal. C’est plutôt la personne qui le programme qui détient un sens moral…L’apparition d’une publicité du Canon 5D alors qu’on vient de parler photos intrigue. Oui, Netflix, Spotify et Youtube en savent long sur nos goûts. Juste une question de probabilité. Leur puissance de calculs analyse nos choix précédents et reproduit un modèle qui nous ressemble.

Intrinsèquement, la technologie ne doit pas inquiéter le commun des mortels. Le réalisme de sa puissance est nettement moins extravagant. Seuls les développeurs d’algorithmes et les chasseurs de datas restent dans la ligne de mire, car à chaque ligne de code, ils savent parfaitement ce qu’ils font. À nous d’apprendre à cohabiter avec l’IA en perçant la vision des entreprises.