Série Cinéma #1: Flirter avec une IA?

Série Cinéma #1: Flirter avec une IA?

Vivre une expérience érotique avec un robot. Voici une éclaircie que les célibataires peuvent trouver pour tromper leur solitude. Le cinéma a déjà donné la réplique aux machines tantôt complices, voire “charmantes” avec les êtres humains. Cependant, notre quotidien prend la même tournure. Et pour preuve, Alexa (Amazone) et Charlie (Yamaha) prennent un air de famille avec un(e) amant(e) véritable. Combinés ensemble, l’isolement et le traitement naturel du langage entraînent un glissement vers l’érobotisme. De la fiction à la réalité 2.0, comment les industries donnent-elles corps aux fantasmes?

L’ASCENSION DES MODÈLES

Un charmant avant-goût

Image: Affiche du film Her

S’il existe bien un champ intarissable, c’est celui du sexe. Et si les agents conversationnels érotiques prennent de plus en plus de place dans les foyers, ce n’est pas un hasard. Mais revenons d’abord au regard des réalisateurs dans cette affaire. C’est le cas du film Her (Spike Jonze – 2013) qui montre la plus-value d’un système d’exploitation doté d’une haute capacité conversationnelle.

De jour en jour, la voix douce et sensuelle de Samantha entraîne le personnage dans une dépendance affective. Bercé d’illusions, il décide de “rompre” lorsqu’il comprend que leurs échanges ne sont pas exclusifs. Alors le scénario, visionnaire ou extravagant?

Avec le travail d’Alan Turing (1950), le traitement naturel du langage (Natural Language Processing ou NLP) en est à ses prémices. Depuis, les développeurs ont fait des bons fantastiques avec l’apprentissage automatique et les modèles de langage. C’est ainsi qu’Open Ai fait son entrée remarquable en 2020. Le dernier-né de l’entreprise californienne GPT-3 fait preuve de cohérence et de complexité à en tromper plus d’un! En seulement un an, ce modèle est passé de 1,5 milliard à 175 milliards de paramètres.

Un mimétisme troublant

Désormais, c’est entré dans la logique. Et pour cause, ces modèles linguistiques appelés aussi transformers imitent la complexité modulaire de la cognition humaine. Cette architecture est un exemple spectaculaire d’innovation en apprentissage profond. De fait, nous émettons une émotion face à un objet ou une personne. Conformément à l’Homme, le robot utilise les réseaux convolutifs, un mécanisme artificiel proche du mammifère qui analyse une image. En définition, une couche convolutive est basée comme son nom l’indique sur “le principe mathématique de convolution, et cherche à repérer la présence d’un motif”(source: Data Analytics Post).

Image: Alex Knight on Pexels

La période d’apprentissage consiste à montrer à la machine de multiples images d’un même objet jusqu’à ce qu’elle trouve des méthodes efficaces pour ajuster ces paramètres et agir de façon appropriée. Ces systèmes sont désormais plus que performants. Avec des méthodes de renforcement, la machine corrige elle-même ses erreurs et peut leurrer les utilisateurs.

OPÉRATION SÉDUCTION

Image: Dave Anctil – chercheur à l’Université de Laval

Ce film d’anticipation technologique de la dernière heure a d’abord éveillé les esprits à sa sortie. Car oui, se faire duper par une voix artificielle n’est-il pas pathétique? Et question éthique, s’abandonner à un robot… Dave Anctil, spécialiste de la robotique sociale a son idée là-dessus. Pour le chercheur sur les impacts de l’IA, les systèmes utilisés apportent du bien-être aux personnes qui vivent en situation de solitude involontaire. À l’instar des jouets sexuels, les agents conversationnels comblent les besoins humains en permettant de vivre certaines expériences érotiques. De plus, les androïdes ne rejettent pas leur propriétaire contrairement à la volonté humaine, plus destructrice.

«Les agents interactifs ne sont pas diaboliques; ils apportent plus de bénéfices à ceux qui vivent une période d’inactivité sexuelle». – Dave Anctil, chercheur affilié à l’Observatoire international sur les impacts sociétaux de l’IA

Nous n’avons pas de données sur les risques d’utilisation, rien n’indique d’effet dramatique dans ce domaine scientifique. La dépendance? Certes. Nous connaissons la dépendance aux jeux vidéo, mais pour Dave, le discours de crainte ou de menace technologique est ennuyeuse. Dans son émission OhDio, Radio Canada cite l’exemple de l’assistante virtuelle Xiaoice qui a bien sauvé la mise à de jeunes Chinois. La politique de l’enfant unique (1975 – 2015) entraînant une chute de la naissance de filles, les hommes sont touchés de plein fouet par le célibat. Si l’animisme est populaire en Asie, les compagnons virtuels eux, sont en plein essor. Et merci qui? La pandémie. 

Si on souhaite être écouté à 100%, la solution simple et efficace se situe aujourd’hui dans les algorithmes. Et si on maîtrise bien la technologie, elle ne représente aucune menace. Cependant, les défis restent considérables dans le traitement de la sémantique. Car on peut dire ce qu’on veut, la subtilité est le propre de l’Homme. D’autre part, les ambitions maléfiques des machines demeurent sur le grand écran. Pour le moment, les consommateurs ont affaire à des agents positifs…encore faut-il que la compagnie humaine ne devienne pas un souvenir sépia. 

Image du bandeau: Anna Shvets on Pexels