[LES GRANDES ENTREVUES DE L’ÉTÉ] IA, bonheur et urbanisme : rencontre avec Marc-André Carignan

[LES GRANDES ENTREVUES DE L’ÉTÉ] IA, bonheur et urbanisme : rencontre avec Marc-André Carignan

L’IA est de plus en plus utilisée en urbanisme, que ce soit dans la conception ou l’aménagement urbain. Pour en parler, CScience est allé à la rencontre de Marc-André Carignan, animateur de l’émission Au Pays du Bonheur, auteur et chroniqueur en politique municipale et développement urbain.

Qu’est-ce qui vous inspire dans l’IA ?

Bien utilisée, l’IA peut contribuer à améliorer la vie urbaine et à maximiser l’argent qu’une ville va investir dans ses infrastructures et ses services. Par exemple, on peut voir l’achalandage dans les transports en temps réel. Ultimement, ça veut dire qu’on peut bonifier des circuits en conséquence; c’est donc mieux investir l’argent et mieux répondre à nos citoyens. Moi, je trouve ça fantastique! C’est inspirant de voir que grâce à toute cette technologie on est capable d’améliorer les services.

Est-ce que l’IA peut avoir un impact sur le bonheur ?

Oui! Je suis convaincu que ça peut améliorer la qualité de vie des gens, notamment via le développement des villes. Depuis quelques années, plusieurs ont misé sur le concept de smart city, de villes intelligentes. Si on améliore notre qualité de vie et nos milieux de vie, on contribue au bien-être et au bonheur.

Des exemples d’application de l’IA dans les villes intelligentes?

C’est à géométrie variable puisque d’une ville à l’autre, on a des visions qui diffèrent. Les objectifs ou les ressources ne sont pas nécessairement les mêmes! Ça peut prendre, par exemple, la forme de capteurs intelligents qui envoient des séries de données à la ville sur les niveaux d’eau dans les forêts ou les jardins. Ça permet d’éviter de perdre des arbres or, on sait qu’ils contribuent à la qualité de l’air et donc à la qualité de vie des citoyens.
On peut aussi mesurer le niveau de pollution dans l’air grâce à des capteurs placés un peu partout dans la ville. En activant des alertes auprès de la population, on réduit les risques pour les citoyens qui possèdent des problèmes respiratoires!

Crédit photo : TV5 Canada / Émission AU PAYS DU BONHEUR

Vous avez fait le tour du monde dans le cadre de l’émission « Au pays du bonheur ». Est-ce qu’il y a une ville qui vous a particulièrement marqué?

Dans l’édition 2019 du rapport mondial sur le bonheur, qui est affilié à l’ONU et sur lequel on s’est fondé pour l’émission, le concept de smart city est abordé et une ville est clairement citée : Melbourne, en Australie. En allant la visiter, on a été confrontés aux questions du lien entre l’intelligence artificielle et les villes intelligentes. Ils ont créé des laboratoires d’innovation avec le milieu universitaire et ont beaucoup misé sur l’open data (les données libres) par souci de transparence auprès de la population. Ça devient aussi une façon de stimuler l’innovation en offrant les données à la population, entre autres à travers des applications, et ça peut engendrer des retombées économiques, sociales et environnementales extrêmement intéressantes. C’est vraiment une ville à suivre en termes de smart city.


Des exemples d’innovations concrètes à Melbourne?

J’ai rencontré un expert là-bas qui me disait avoir travaillé sur un projet en lien avec les immigrants. Grâce aux données de localisation, on fournit à ces derniers les ressources susceptibles de les aider dans leur quartier à leur arrivée. Ce sont des retombées très concrètes sur la vie des gens.
Ce qui est aussi fascinant avec Melbourne, c’est qu’ils doivent entretenir annuellement 70 000 arbres. Pour se faire, chacun de ces 70 000 arbres a un nom ou un numéro et on peut aller sur une carte interactive pour identifier l’arbre et envoyer un commentaire à la ville. Les citoyens peuvent aider la ville à maintenir sa canopée grâce à l’IA. On sait que la végétation contribue directement à la réduction du stress, aux îlots de chaleur et donc à la qualité de vie… Ça amène un certain confort dans la ville. Il y a beaucoup de bénéfices !

Crédit photo : TV5 Canada / Émission AU PAYS DU BONHEUR

Avez-vous des craintes ou des peurs en lien avec l’IA ?

Oui, c’est sûr! Le concept de smart city, c’est un buzz word. Les politiciens se l’approprient de différentes façons et ça peut devenir un programme électoral. C’est facile de se perdre dans l’intelligence artificielle! On la met où cette I.A. dans la ville? À quel moment? Pour quel projet? On investit combien là-dedans? Il faut que ça soit très bien géré, faire des choix judicieux et non pas s’en aller à l’aveuglette selon les lobbys qui cognent à la porte. Je pense que lorsque l’IA est utilisée stratégiquement, elle peut être utile pour les villes : pour améliorer la gestion de l’argent, des ressources, des infrastructures. Mais il va toujours y avoir des gens avec de mauvaises intentions, comme pour n’importe quelle technologie. Il y a aussi toute la question du droit à la vie privée qui entre en compte là-dedans, et qui est de plus en plus d’actualité. Donc oui, ça peut être inquiétant d’un point de vue financier, mais aussi d’un point de vue humain.

L’IA idéale du futur, elle ferait quoi?

On a toutes sortes de problèmes et d’enjeux sociaux qui s’aggravent partout sur la planète. Alors il faut qu’on ait des technologies qui permettent de répondre aux besoins de base des populations! Que ce soit pour la mixité des quartiers, l’accès au logement, l’accès à l’emploi, pour favoriser des connexions sociales, gagner du temps… Mais en termes de ressources aussi ! Permettre une meilleure mobilité, le partage de voiture pour en réduire le nombre et réduire les gaz à effet de serre, éviter le gaspillage alimentaire… Si L’I.A. peut nous aider à développer les villes de façon plus inclusive et plus intelligente, ça sera ça de gagné!