[ÉDITORIAL] La protection de nos données, grande absente de la campagne électorale

[ÉDITORIAL] La protection de nos données, grande absente de la campagne électorale

L’exploitation de nos données personnelles est devenue un enjeu majeur de nos vies quotidiennes et de nos sociétés. L’actualité récente est venue nous rappeler combien l’usage abusif que peuvent en faire certaines organisations gruge inlassablement nos libertés. Or, à notre grand désarroi, ces enjeux n’apparaissent nulle part dans aucune plateforme de partis alors que la campagne au fédéral bat son plein.

Il y a quelques jours, des pirates – plutôt bien intentionnés, soit dit en passant – ont semé l’émoi et l’embarras au plus haut sommet de l’État en déjouant les barrières de sécurité de l’application VaxiCode verif, qui assure la traçabilité du passeport vaccinal contre la COVID-19, ici au Québec.

En réussissant à révéler (très facilement) au grand public les données personnelles de certaines personnalités et en démontrant la vulnérabilité d’applications jugées inattaquables, comme d’autres jadis clamaient le Titanic insubmersible, ces pirates ont démontré une fois encore les failles de sécurité entourant nos données personnelles.  

La semaine dernière, l’amende record imposée à Wattsapp par l’autorité numérique irlandaise pour avoir enfreint la réglementation européenne sur la protection des données personnelles, après celle imposée à Amazon en juillet au Luxembourg pour les mêmes motifs, est venue confirmer que nos données personnelles sont devenues, malgré nous, mais avec notre propre consentement, les virus modernes de nos libertés individuelles et collectives.

CES DONNÉES QUI NOUS VEULENT DU MAL

Au départ, l’utilisation et le partage de nos données personnelles censée faciliter et améliorer la connaissance de notre environnement et la précision de nos besoins présentaient des vertus indéniables. Leur potentiel pour une meilleure lecture prédictive en santé ou pour l’amélioration de démarches logistiques était et reste indéniable. Mais le détournement des données personnelles à des fins mercantiles ou pour des intérêts de pouvoir a perverti leur usage premier.

Dans un but émancipateur au départ, l’usage de nos données personnelles tend à devenir vecteur de servitude et de stigmatisation à mesure qu’il vise à mieux nous contrôler et orienter nos choix.

Des données qui peuvent aussi renforcer les inégalités et les injustices en perpétuant ou renforçant des biais algorithmiques, comme c’est encore le cas pour les Peuples des Premières Nations, ainsi que le rapportait notre journaliste Emmanuel Delacour il y a quelques jours.

Face aux appétits insatiables de certains intérêts privés, il est donc indispensable de renforcer notre arsenal de protection et de saine valorisation de nos données personnelles, à l’heure où leur mauvais usage bouleverse jusqu’au fondement même de nos démocraties. Notre intelligence collective doit être mobilisée pour trouver des solutions éthiques, et le bon sens autant que le courage politique le plus élémentaire imposerait d’en faire une priorité de l’heure.

UN ENJEU ABSENT DU DÉBAT ÉLECTORAL

Or, aucun des partis, aucun des candidats en lice pour les élections fédérales du 20 septembre prochain, ne se sont publiquement prononcés sur la question.

Nous avons donc décidé de les interroger sur ce point, et de connaître leur avis ainsi que leurs propositions en la matière. Nous attendons leurs réponses avec impatience et serons ravis de les partager avec vous dans quelques jours.

« Dans un but émancipateur au départ, l’usage de nos données personnelles tend à devenir vecteur de servitude et de stigmatisation à mesure qu’il vise à mieux nous contrôler et orienter nos choix. » Philippe Régnoux, Directeur de publication de CScience IA

En attendant, espérons que l’esprit de l’audacieux projet de loi C-11 , mort au feuilleton en raison du déclenchement des élections et qui visait la protection de la vie privée des consommateurs, résistera aux résultats du prochain scrutin. Ottawa promettait notamment la création d’une nouvelle commission de la sécurité numérique.  C’est une instance que nous appelons évidemment de nos vœux.

Notre OSBL CScience Le Lab, qui promeut l’intelligence artificielle responsable, fera office de vigie en ce sens dans les prochaines semaines, les prochains mois, pour que nous ne perdions de vue l’essentiel de ce qui justifie notre combat en faveur d’une innovation plus juste : l’amélioration des conditions de vie de nos communautés et le partage du progrès au plus grand nombre.  

 

Réécouter l’émission C+Clair du 26 janvier 2021 sur la souveraineté des données.

 

Crédits photo : Pexels_Christina Morillo, Septembre 2021