Les Pandora Papers : “L’équipe de journalistes de l’ICIJ utilise l’IA”

Les Pandora Papers : “L’équipe de journalistes de l’ICIJ utilise l’IA”

Avec les Pandora Papers, enquête publiée le 03 octobre, le Consortium international des journalistes d’investigation, ICIJ, continue sa croisade contre les évasions fiscales. Tony Blair, Dominique Strauss-Kahn, Shakira et, selon Radio-Canada qui est partenaire, Jacques Villeneuve ou encore Elvis Stojko figurent parmi les noms cités. Cette investigation menée par près de 600 journalistes n’aurait pas été possible sans l’apport de l’intelligence artificielle. L’un de ces journalistes s’est confié à CScience.

Dans le cas des Pandora Papers, 11,9 millions de documents ont pu être scrutés grâce, d’une part, et surtout à des centaines de journalistes scrupuleux et volontaires et, d’autre part,  à l’IA. Ici, l’intelligence artificielle s’est entièrement mise au service de l’investigation journalistique.

L’IA DERRIÈRE LES PANDORA PAPERS

Will Fitzgibbon, journaliste, travaille à New York pour l’ICIJ depuis plusieurs années. Il témoigne : « Nous en sommes à notre 6e ou 7e enquête et durant ces sept années, nombreux sont les journalistes qui ont utilisé l’intelligence artificielle pour mener leurs investigations. L’ICIJ l’utilise. »

Bien entendu, pour être totalement honnête, puisque les sources de ces journalistes d’investigation – celles qui ont transmis environ 60 millions de documents confidentiels depuis les débuts de l’ICIJ – sont non identifiées, nul ne connaît l’usage que ces dernières font de l’IA…

« Nous avons pu étudier environ 12 millions documents pour les Pandora Papers grâce à l’IA. Pour autant de documents nous aurions eu besoin de beaucoup plus de temps, si nous avions fait sans. » – Will Fitzgibbon, journaliste, salarié de l’ICIJ

crédit photo : ICIJ

L’IA : AU SERVICE DE L’INVESTIGATION JOURNALISTIQUE

« Nous utilisons l’IA, par exemple, pour extraire une expression, des phrases ou une occurrence d’un document et ensuite nous confrontons tous les documents dont nous disposons et dans toutes les langues pour ressortir seulement les documents dans lesquels se trouvent ces éléments… »

Will explique : « Lorsque nous avons enquêté sur une entreprise située aux Seychelles, nous avons extrait des 12 millions de documents une phrase qui provient spécifiquement de la Loi Seychelloise et celle-ci nous a mis sur la piste de nombreux dossiers. » Tous les documents, ainsi recueillis dans de nombreuses langues ont permis de « retracer » certains clients.

« Avec l’IA, nous gagnons du temps et les résultats sont précis, même si évidemment, nous devons tout relire pour voir si les recoupements et rapprochements sont judicieux. Incontestablement, le bénéfice est important même si l’humain reste derrière pour vérifier. » – Will Fitzgibbon, journaliste, salarié de l’ICIJ

L’ICIJ étant une structure décentralisée, l’équipe technique de l’ICIJ, composée d’environ huit spécialistes des données, est située à Paris tandis que le siège est à Washington.

Will détaille aussi la façon dont les opérations sont conduites : « Dans les faits, lorsque nous trouvons un angle d’attaque nous l’utilisons jusqu’au bout. Par exemple, pour les Pandora Papers, si le nom d’une personnalité ou d’un homme politique ne figurait pas sur les documents, qui ont fuité des quatorze cabinets de placements et institutions financières, nous avons utilisé son pseudonyme. Car il est fréquent que la personnalité utilise le nom d’un de ses proches, de son chauffeur ou de son coiffeur… Alors, nous avons aussi effectué des recherches dans ce sens-là. »

DES RÉVÉLATIONS UNIQUES

35 chefs d’État, plus de 330 hommes ou femmes politiques de 91 pays et territoires figurent parmi les noms révélés.

Ce sont, au total, plus de 11,9 millions de documents financiers confidentiels qui ont “fuité” de quatorze sociétés de douze pays. 500 citoyens ou résidents canadiens sont aussi ciblés par l’enquête.

Par ailleurs, les activités financières de plus de 130 milliardaires venant de 45 pays ont été tracées dans les paradis fiscaux. En 2021, 100 de ces milliardaires avaient une fortune collective de 760 milliards de dollars.

L’objectif de l’ICIJ est double selon Will : «Nous voulons que notre travail soit publié largement et nous recherchons aussi la transparence… »

Crédit photo : Pexels / Ketut Subiyanto