La révolution par l’IA dans les administrations n’est pas pour demain !

La révolution par l’IA dans les administrations n’est pas pour demain !

Quelles sont les implications du développement de l’IA dans les organisations publiques québécoises ? Une étude récente de l’Université de Laval, portant sur trois d’entre elles, montre que son introduction a connu des fortunes diverses…

L’étude « L’introduction de l’intelligence artificielle (IA) dans l’administration publique au Québec » réalisée auprès de trois organismes publics, dont le centre d’appels d’un ministère, montre que l’IA répond à des besoins distincts en fonction des entités scrutées.

UN TEMPS D’ADAPTATION NÉCESSAIRE

Crédit photo : Pexels / Pavel Danilyuk

Les deux auteurs de l’étude ont mené une vingtaine d’entrevues qualitatives auprès d’employés directement concernés par l’IA, gestionnaires, informaticiens, durant environ trois mois, l’an passé. Qu’ont-ils constaté ? Et puis, comment les employés se sont-ils appropriés ces outils ?

« Un enthousiasme a prévalu, dès le départ, témoigne Seima Souissi de l’Université de Laval, l’une des auteurs de l’étude. L’attrait de la nouveauté, sans doute, et puis aussi des craintes et de la méfiance sont apparues. Certains employés ne comprenaient pas l’outil et d’autres se disaient que si ce dernier parvenait à égaler la qualité du travail des humains, les emplois seraient peut-être menacés. »

« Néanmoins avec le temps, plus chacun comprend le fonctionnement [de l’IA] et ses limites et plus chacun est rassuré sur la pérennité de son emploi. » –  Seima Souissi, Professionnelle de recherche, Chaire de recherche sur l’administration publique à l’ère numérique, Université de Laval

L’IA SUPPLÉE L’AGENT DANS SES TÂCHES SIMPLES

Elle apporte parfois des solutions au manque d’effectifs, à l’augmentation du volume de travail, et d’autres fois aux objectifs de modernisation et d’amélioration de la performance. Au demeurant, certaines administrations n’ont pas attendu juin 2021 et le lancement de la Stratégie d’intégration de l’intelligence artificielle dans l’administration publique 2021-2026 pour utiliser des solutions d’IA.

« Parmi les organisations publiques analysées, l’une d’entre elles utilise l’IA depuis une dizaine d’années, indique Steve Jacob, autre auteur de l’étude et professeur de science politique à l’Université de Laval. L’IA est, ici, davantage orientée vers l’automatisation des tâches, voire l’aide à la décision. Tandis que pour les deux autres entités publiques étudiées, qui sont encore en phase d’exploration et de déploiement de l’outil, il s’agit plus simplement de solutions visant à soutenir des tâches spécifiques des employés. »

« Dans l’un des cas observés, l’IA traite entièrement les dossiers les plus simples et les plus routiniers, comme l’accessibilité des usagers à certains services. Ainsi, les agents peuvent se consacrer à des dossiers plus complexes. » – Steve Jacob, titulaire de la Chaire de recherche sur l’administration publique à l’ère numérique, Professeur de science politique, Faculté des sciences sociales de l’Université de Laval

SOLIDARITÉ AGENTS / MACHINE

Dans le cas du centre d’appels, l’IA aide à la retranscription de la voix pour faciliter le travail des agents qui, du coup, n’ont plus à écrire la demande à transmettre aux services concernés. Et, de temps en temps des coquilles apparaissent…

Crédit photo : Pexels / Yan Krukov

Le seul bémol, selon Seima Souissi : « Comme les autres services ne savent pas forcément que l’IA a opéré cette tâche, ils peuvent se méprendre sur les compétences rédactionnelles des agents affectés à la gestion des appels… »

Dans certaines unités, des employés en sont même venus à personnifier l’outil en lui donnant un nom. « Lorsque celui-ci commet une erreur, témoigne Steve Jacob, il est considéré comme un autre employé et personne ne va le désigner comme fautif. Comme si le rendre responsable d’une erreur était synonyme de discrédit jeté sur l’ensemble du service, aux yeux des agents. »

FREINS À L’IA DANS LES ORGANISATIONS

Toutefois, le déploiement de solutions d’IA dans les organismes publics mais aussi dans les entreprises privées ressemble à une gageure à certains égards.

Selon Steve Jacob, les freins à l’introduction de l’IA dans les administrations, sont de trois ordres : le recrutement d’experts est entravé par l’échelle de rémunération du public, qui n’est pas forcément compétitive sur le marché de l’emploi ; aussi la réglementation liée à l’attribution des marchés publics conduit à allonger les processus d’introduction de tels outils ; enfin, les normes appliquées en matière de sécurité des données sont plus exigeantes que dans le privé.

En outre, comme le précise sa collègue de l’Université de Laval, viennent s’ajouter des obstacles classiques liés à l’introduction de telles nouveautés organisationnelles ou technologiques dans toute structure qu’elle soit privée ou publique…

« Les freins communs, sont d’une part, les résistances au changement et, d’autre part, la non-disponibilité de données suffisantes et de qualité pour pouvoir utiliser l’IA efficacement. »

Pour en savoir plus, l’OBVIA organise une conférence le 2 février pour présenter cette étude.

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