Quand le numérique devient un appui thérapeutique

Quand le numérique devient un appui thérapeutique

Des chercheurs et innovateurs entrevoient dans les technologies de la réalité virtuelle et de l’intelligence artificielle (IA) de nouveaux outils pour aider les personnes neurodivergentes, ainsi que des thérapies qui diminueraient l’utilisation de médicaments dans certaines circonstances.

Les thérapeutiques numériques représentent un marché mondial de 2,2 milliards de dollars et sont appelées à croître jusqu’à 32 milliards de dollars d’ici à 2024, selon des chiffres avancés par Barbara Decelle, conseillère à la recherche en santé chez IVADO.

Un panel s’exprimant, le 19 janvier dernier, sur le potentiel des innovations du numérique et des jeux vidéo en santé mentale, dans le cadre d’un webinaire d’IVADO, a présenté des solutions et des traitements qui pourraient être déployés dans le milieu de la santé prochainement.

Cet événement était coanimé avec l’organisme MEDTEQ+. Voici quelques idées innovantes émanant des échanges qui, visiblement, tirent avantage du potentiel thérapeutique du numérique.

LABO INSPIRE

La professeure Danielle Levac est responsable du laboratoire d’Innovations Numériques, Polytechniques et Interactives en Réadaptation pour Enfants (Labo INSPIRE), situé au Technopôle en réadaptation pédiatrique du CHU Sainte-Justine.

Elle supervise le développement d’applications immersives et mobiles de réalité virtuelle. Ces outils permettent entre autres d’évaluer la coordination œil-main chez les enfants atteints d’hémiplégie ou encore d’explorer l’apprentissage moteur pour ceux frappés par la paralysie cérébrale, selon des études publiées par la chercheuse en sciences de la réadaptation.

« Nous faisons appel à la réalité virtuelle parce qu’elle permet notamment de motiver les jeunes à compléter leurs exercices de réadaptation », souligne Mme Levac.

En effet, cette dernière note que les mouvements répétitifs et parfois laborieux ralentissent parfois les efforts menés durant une thérapie. La « gamification » des thérapeutiques, un néologisme qui fait référence à l’intégration d’aspects ludiques dans les outils employés par les physiothérapeutes, ouvre la porte à de nombreuses avancées.

En plus d’améliorer les habiletés motrices des enfants, les casques de réalité virtuelle, ne sont plus limités aux salles de physiothérapie. Ils sont désormais disponibles sur le marché et donc dans les foyers…

« Les enfants peuvent les utiliser à la maison. C’est un avantage clair », indique Mme Levac.

PAPERPLANE THERAPEUTICS

Les simulations par réalité virtuelle peuvent aussi aider à la gestion de la douleur et de l’anxiété préopératoire.

C’est sur ce principe que Jean-Simon Fortin a développé Paperplane Therapeutics, une entreprise qui conçoit des jeux vidéo pour aider les patients, tant enfants qu’adultes, à se détendre avec une intervention médicale.

Lui-même médecin urgentologue de formation, le Dr Fortin a constaté que « 80 % des patients peinent à gérer la douleur et l’anxiété dans le contexte d’une procédure ».

« Les IRM [scanners avec imagerie par résonance magnétique] ont un haut taux d’échec chez les enfants, parce qu’ils ont tendance à bouger à l’intérieur de l’appareil », explique-t-il.

Une application ludique en réalité virtuelle, créée par son entreprise, aide ainsi les patients à se préparer avant l’intervention et peut aussi les distraire et les calmer durant celle-ci.

Un autre avantage : une diminution de la prescription de médicaments antidouleurs.

« Ça ne vient pas remplacer la médication, mais on peut réduire son utilisation et ainsi éviter les trop grosses doses. » -Jean-Simon Fortin, Président-fondateur, Paperplane Therapeutics

À la suite d’études cliniques au CHU Sainte-Justine, on a constaté une réduction d’anxiété de 80 % d’intensité chez 80 % des patients grâce aux applications de Paperplane, selon le médecin.

GROUPE NEURO SOLUTIONS

Issue de l’industrie du jeu vidéo, Annie Martineau s’est intéressée à l’utilisation du numérique au bénéfice des personnes neurodivergentes à la suite du diagnostic du trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) de son fils.

Après avoir étudié la question, elle a constaté que les symptômes du TDAH affectent davantage les enfants malades durant certaines périodes de la journée.

« Ces symptômes d’inattention sont plus sévères durant la routine du matin et pendant l’heure des devoirs, le soir », affirme Mme Martineau.

Elle décide donc de lancer Groupe Neuro Solutions, une entreprise qui développe des applications ludiques pour mieux encadrer les enfants présentant un syndrome d’Asperger et vivant avec un TDAH.

Kairos, est l’application qui résulte des efforts de conception de son équipe. Ce logiciel qui peut être téléchargé sur tablette et téléphone intelligent aide les enfants à effectuer leur tâches quotidiennes grâce à des défis ludiques, tout en permettant aux parents de suivre les progrès de leur progéniture.

« Un des principaux défis au cours d’une thérapie pour un parent, c’est de transmettre l’information aux professionnels de la santé à propos de l’évolution de ses enfants. C’est très important, parce que c’est ce qui va guider la thérapie », insiste la présidente et fondatrice de Groupe Neuro Solutions.

Cette difficulté est, cependant, atténuée par un outil mis à leur disposition : un tableau de bord qui enregistre les données pertinentes au progrès des jeunes utilisateurs.

« Ça permet de guider les efforts thérapeutiques et d’encourager le renforcement positif, qui est un aspect très important à nos yeux. »

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