Yann Le Cun et Étienne Klein : débat philosophique sur l’IA

Yann Le Cun et Étienne Klein : débat philosophique sur l’IA

Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), organisme public de recherche français a publié, le 28 janvier, un communiqué dans lequel Yann Le Cun, lauréat du prix Turing 2018, et Étienne Klein, philosophe des sciences échangent leurs points de vue sur l’Intelligence artificielle (IA). Extraits.

En propos liminaire au débat, Yann Le Cun, vice-président et Chief AI Scientist de Facebook, évoque non pas l’IA mais « l’intelligence des machines ». Selon lui, celles-ci, ne possèdent pas de « sens commun et ne relient pas ce qu’elles font à la réalité du monde ».

L’AVANCE HUMAINE SUR LA MACHINE

« Par exemple, énonce-t-il, si je vous dis : “Pierre prend son sac et sort de la salle”, vous êtes capable de visualiser la séquence – il tend le bras pour prendre son sac, s’en saisit, marche vers la porte, ouvre la porte et sort ; les machines, non ! Elles n’ont aucune connaissance du monde réel mais elles en disposeront un jour. Nous arriverons à ce qu’on appelle l’Artificial General Intelligence, c’est-à-dire des machines égales à l’homme, aussi intelligentes que lui.

À titre d’exemple, il évoque l’utilisation de grandes quantités de données, pour dégager des modèles phénoménologiques, « en chimie pour prédire les propriétés de certaines molécules ou en physique pour simuler les premiers mois de l’Univers », mais les machines « ne se substituent en rien à la théorie, qui reste un pilier de la science ».

Pour le philosophe Étienne Klein,  l’intelligence humaine possède « quelques longueurs d’avance sur celle des machines qui, à ce jour, n’ont pas créé le moindre concept ni émis le moindre avis critique sur leur propre production… »

Pour autant, devant le degré de performance atteint par certaines de nos technologies, « pourrions-nous être tentés d’abandonner notre idéal d’autonomie en déléguant une partie de nos choix à des machines toujours plus performantes, qui pourraient choisir et décider à notre place ? » s’interroge-t-il.

MACHINES EMPATHIQUES OU MENAÇANTES ?

Étienne Klein formule, néanmoins, des réserves quant à la capacité du robot à acquérir une « conscience de soi »,  ni même « une conscience des autres ». Or, poursuit-il, « sans conscience de soi, les notions d’émotion, de douleur, de joie n’ont plus guère de sens. Mais un robot pourra sans doute imiter et détecter nos propres émotions, et peut-être préférerons-nous alors nous entourer de robots sympathiques et prévenants plutôt que de personnes désagréables ? »

« N’ayons pas peur du Terminator !» – Yann Le Cun, prix Turing 2018, vice-président et Chief AI Scientist de Facebook

« N’ayons pas peur du Terminator !» assène, pour sa part, Yann Le Cun.  D’expliquer son point de vue : « Les systèmes IA n’étant pas confrontés à l’épreuve de la sélection naturelle, ils n’auront pas besoin d’élaborer de stratégie de survie. Et comme intelligence et survie ne sont pas liées, l’intelligence se concentrera sur les objectifs que nous lui aurons assignés. »

Le philosophe est plus nuancé car chacun « est en droit de se poser la question de savoir dans quelle mesure l’intelligence humaine conservera toujours le contrôle. Un système informatique ne comprend pas le sens de ses actions ni la portée de ses décisions », argumente-t-il. 

De conclure : « L’intelligence artificielle n’est pas elle-même programmée : ce qui va advenir d’elle dépend pour partie de ce que nous allons en faire. »

Source : CEA

Crédit photo : Pexels / Lenine Estrada

N.A.