[EDITORIAL] Relancer l’économie québécoise par l’entrepreneuriat innovant

[EDITORIAL] Relancer l’économie québécoise par l’entrepreneuriat innovant

Les dernières semaines ont vu s’intensifier les annonces de programmes de financement de la part du gouvernement québécois à l’intention des entreprises innovantes. Le Québec a du potentiel mais il doit rattraper un retard en la matière.

La semaine dernière, l’organisme voué au renforcement de l’écosystème de l’intelligence artificielle au Québec, Forum IA Québec, révélait les résultats de l’étude menée par la firme britannique Tortoise Média qui place le Québec au 7ème rang des nations les plus performantes au monde en matière d’IA.

Un sujet de satisfaction et de fierté qui a le mérite de contextualiser, de manière objective, nos efforts et notre dynamique d’innovation à l’échelle internationale. Un constat positif qu’aura sans doute observé la délégation ministérielle en déplacement la semaine dernière en Israël pour nouer des rapprochements stratégiques dans le domaine de la recherche et de l’innovation. Les nombreuses ententes signées soulignent un vent porteur en ce sens.

UN REGARD LUCIDE

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le gouvernement ne reste pas les bras croisés et ne s’assoit pas sur ses lauriers lorsqu’il s’agit de mesurer le fruit de ses investissements des dernières années. Mieux, au diapason des propos tenus la semaine dernière par la PDG de Forum IA Québec qui tempérait les brillants résultats de l’étude par une saine vigilance, le gouvernement fait preuve de lucidité et de transparence lorsqu’il s’agit de constater la situation du Québec en matière d’entrepreneuriat et d’innovation.

« Si nos jeunes chercheurs ne manquent pas de volonté, c’est d’un environnement propice à l’envol qui leur manque. Un environnement qui permettrait, par le fait même, d’attirer plus d’argent, de capitaux, dans notre province» – Philippe Régnoux, Directeur de publication CScience IA

Il en a donné la preuve il y a quelques jours encore lors du dévoilement du nouveau programme d’investissement en préamorçage d’entreprises basées sur des brevets de recherche, le Fonds Eurêka.

Le ministre de l’Economie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, s’y était ainsi livré à un vibrant plaidoyer en faveur de la création d’entreprises innovantes constatant certes la performance du Québec en recherche publique, mais reconnaissant aussi la défaillance de notre province en matière de recherche privée et en mise en marché des résultats de la recherche issue de nos universités. 

UN RETARD À RATTRAPER

Selon les classements disponibles les plus récents, le Québec performerait en effet moins bien que les autres pays de l’OCDE dans la valorisation commerciale des produits de la recherche.

Les modèles de réussite affichés sont Singapour, La Corée du Sud, et Israël… visité donc la semaine dernière par le ministre Fitzgibbon et sa cohorte. Qu’ont ces pays de plus que nous ? Plus de capitaux ? Plus de chercheurs ? Plus d’entrepreneurs ? Plus d’organismes d’accompagnement ? 

« Le Québec doit cultiver plus qu’il ne le fait déjà le goût d’entreprendre auprès des jeunes chercheurs  » – Philippe Régnoux, Directeur de publication CScience IA

Pas forcément plus que le Québec sur ces différents points (surtout en matière d’organismes d’accompagnement). Mais un élément sans doute les distingue de nous autres : la volonté collective et la fierté de servir bien plus que le simple profit à retirer d’une démarche commerciale.

Ce qu’ils font : afficher de manière patriotique les résultats combinés des réussites de tout leur écosystème d’innovation pour créer un effet d’appel positif en direction des investisseurs et des partenaires d’affaires. Un véritable label d’innovation qu’ils utilisent comme une véritable arme de soft power. 

C’est là principalement que le Québec affiche un retard indiscutable : il lui faut en priorité combler les carences de la chaîne de déploiement des capitaux. 

UN PATRIOTISME D’OUVERTURE

Et, entendons-nous bien. Il ne s’agit pas de faire claquer les talons et hausser le menton en affirmant cela : on ne parle pas de nationalisme étriqué, mais bien de patriotisme d’ouverture. De faire briller notre pays par son savoir-faire et son inventivité aux quatre coins de la planète en créant des entreprises de haute-technologie.

Il s’agit donc avant tout de culture entrepreneuriale. Là encore, notre retard est sans doute avant tout imputable à une approche collective qui, de manière générale, reste encore trop renfermée sur elle-même et voit le monde extérieur autant que l’innovation comme une menace bien plus que comme une source de progrès collectif.

L‘étude révélée par Forum IA Québec la semaine dernière le confirme : le Québec se classe avant-dernier des 63 pays interrogés pour la confiance qu’accorde la population à l’IA, et de manière générale à l’égard de l’innovation dans son ensemble.  

Il faudra transformer nos mentalités si nous voulons que la valorisation de la recherche publique permette véritablement de créer plus d’entreprises de haute-technologie au Québec. 

TRANSFORMER L’ENVIE D’ENTREPRENDRE EN CRÉATION D’ENTREPRISES

Dans la perspective de doubler le nombre d’entreprises issues de la recherche publique au Québec afin de rattraper les chiffres de nos voisins, aux Etats-Unis, ainsi que ceux du reste du Canada, le Québec doit cultiver plus qu’il ne le fait déjà le goût d’entreprendre auprès des jeunes chercheurs. Des jeunes chercheurs qui veulent changer le monde, qui semblent habités par la volonté d’entreprendre, mais qui sont encore trop peu à passer à l’action. 

« Notre retard est sans doute avant tout imputable à une approche collective qui, de manière générale, reste encore trop renfermée sur elle-même et voit le monde extérieur autant que l’innovation comme une menace bien plus que comme une source de progrès collectif» – Philippe Régnoux, Directeur de publication CScience IA

Si nos jeunes chercheurs ne manquent pas de volonté, c’est d’un environnement propice à l’envol qui leur manque. Un environnement qui permettrait, par le fait même, d’attirer au Québec plus d’argent, de capitaux, dans les secteurs des sciences et technologies.  

Or, créer de nouvelles entreprises est une nécessité pour ne pas perdre l’opportunité d’exploiter des brevets qui “dorment sur les tablettes”, pour reprendre les propres mots de Paule de Blois, PDG d’Axelys, l’organisme créé l’an dernier par Québec pour accélérer justement l’entrepreneuriat issu de la recherche publique. Ne pas le faire serait “une honte”, selon elle.

Nous sommes impatients de découvrir la prochaine mouture de la Stratégie québécoise de recherche et innovation (SQRI) qui devrait être dévoilée le mois prochain, pour savoir si et comment le gouvernement compte intégrer ce changement de culture aux vœux pieux exprimés. 

Bref, pour savoir si les bottines suivront les babines. 

Philippe Régnoux
Directeur de publication, CScience IA
p.regnoux@galamedia.ca

Crédits photo : Pexels