[ÉDITORIAL] L’intelligence artificielle peut-elle nous aider à redresser le système de santé ?

[ÉDITORIAL] L’intelligence artificielle peut-elle nous aider à redresser le système de santé ?

Le réseau de la santé est mal en point au sortir de la pandémie. Il était déjà très fragile avant l’épisode Covid. A l’heure où le gouvernement du Québec se porte à son chevet avec sa grande réforme dévoilée il y a moins d’un mois, quel rôle peut jouer la technologie, et en particulier l’intelligence artificielle, dans cet effort de redressement national de 5,2 milliards sur 5 ans ?  

Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a présenté son “Plan Santé” le 22 mars dernier en évoquant la “nécessité d’assurer une gestion décentralisée, humaine et performante”. Ce plan de “redressement” du réseau de la santé qui s’étalera sur 5 ans, va bénéficier d’une cagnotte de 5,2 milliards de dollars, dont 1 milliard serait réservé pour “effectuer des changements importants au sein des établissements”.  

Quelle place va prendre l’innovation technologique, et en particulier celle utilisant l’intelligence artificielle, dans ce plan ? La réponse reste encore floue. Probablement que la prochaine SQRI (Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation), qui sera dévoilée dans quelques jours, y apportera de la clarté. 

C’est à souhaiter, car ce ne sont pas les solutions technologiques qui manquent. Il faut maintenant les déployer dans le réseau. 

L’IA POUR RÉORGANISER LE SYSTÈME DE SANTÉ

Améliorer le fonctionnement du système de santé grâce aux algorithmes est possible. C’est déjà prouvé. C’est le cas au CHUM avec la mise en oeuvre de la plateforme CITADEL, qui optimise et analyse la gestion de certaines activités hospitalières en réceptionnant dans un lac de données aussi bien les données cliniques, administratives que celles de la recherche. 

C’est également le cas avec l’application Zinc + développée par la firme Lumed qui propose un logiciel d’aide à la décision pour hôpitaux afin d’améliorer les soins de santé et prévenir les infections nosocomiales.  

« Rendre plus accessibles toutes ces technologies de pointe, qui restent souvent coûteuses, est un élément qui doit être considéré par les pouvoirs publics. » – Philippe Régnoux, Directeur de publication CScience IA

Mais améliorer le système de santé, dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre, c’est aussi mieux former le personnel soignant en tenant compte de ses réalités actuelles : grand roulement des effectifs et rareté absolue des praticiens dans certaines parties du territoire. 

Là encore, les solutions sont à l’oeuvre. On pourrait citer la plateforme Maestro Evolve, développée par CAE Santé, qui permet de former même à distance, et donc sur des territoires éloignés des centres, les personnels soignants sur un même simulateur par le biais de l’infonuagique et de jumeaux numériques. 

Les solutions technologiques ne manquent pas en la matière.

Mais les gestionnaires reconnaissent aussi que, algorithmes puissants ou pas, les enjeux organisationnels ne seront pas réglés d’ici demain, car la gestion du changement en santé est d’une redoutable complexité. La patience est donc de mise, alors que les attentes et les urgences son grandes. Ce facteur temps va être le plus compliqué à faire comprendre à la population. 

L’IA POUR OPTIMISER LE PARCOURS DU PATIENT

Si l’on veut donc redonner du lustre au réseau de la santé, il faudra repenser le parcours du patient. L’accès aux soins dans les établissements nécessite une meilleure gestion des flux. Là encore, les solutions technologiques accélérées par l’intelligence artificielle existent. 

Pensons notamment à celle de Gray Oncology Solution, qui propose un logiciel de simulation stratégique de la charge de patient en soins oncologiques. 

« Les gestionnaires reconnaissent aussi que, algorithmes puissants ou pas, les enjeux organisationnels ne seront pas réglés d’ici demain, car la gestion du changement en santé est d’une redoutable complexité. » – Philippe Régnoux, Directeur de publication CScience IA

Meilleure gestion des flux, donc, et médecine plus personnalisée pour décharger les établissements et éviter les attentes interminables. Des solutions comme celles proposées par AiFred Santé pour l’aide à la décision clinique en santé mentale, ou bien encore celle de My Intelligent Machines, qui permet de définir des thérapies ciblées et personnalisées grâce à des systèmes d’intelligence augmentée, offrent des mesures concrètes en ce sens.

Rendre plus accessibles toutes ces technologies de pointe, qui restent souvent coûteuses, est un élément qui doit être considéré par les pouvoirs publics. C’est une question de responsabilité collective.

De même, et ce n’est pas le moindre des défis, l’enjeu de l’accès aux données des patients pour accompagner le déploiement de toutes ces initiatives – enjeu sur lequel se penche le gouvernement québécois avec le projet de loi 19 depuis plusieurs mois – nécessitera toutes les garanties de sécurité et d’anonymisation si l’on souhaite rendre acceptable son partage massif aux yeux de la population.

UNE ÉMISSION SPÉCIALE 

Pour tâcher de mieux comprendre les enjeux actuels de la santé et le potentiel qu’offre l’intelligence artificielle en la matière, la rédaction de CScience IA, en collaboration avec Microsoft Canada propose une émission C+Clair spéciale disponible à la diffusion dès le 28 avril prochain.

L’événement en public, que j’aurai à nouveau le plaisir d’animer avec Marie-Paule Jeansonne, PDG de Forum IA Québec, et avec la journaliste Oriane Morriet mettra en lumière des chercheurs et des entrepreneurs québécois qui viendront illustrer les bénéfices potentiels de l’IA appliquée au secteur de la Santé. Pour l’occasion, la directrice du pôle d’innovation et d’IA en santé du CHUM, Kathy Malas, ainsi que le directeur données et intelligence artificielle chez Microsoft Canada, David Beauchemin, seront présent sur le plateau de l’émission et feront office d’observateur-témoins. Ils porteront un avis sur les solutions présentées.  

La discussion diffusée en exclusivité sur CScience IA pourra compter sur la présence d’un auditoire composé d’une trentaine de personnalités issues du milieu du numérique et de l’intelligence artificielle (IA) dans le domaine de la santé au Québec.

De quoi tenter de montrer que des traitements innovants bien réels appliqués efficacement au réseau de la santé permettront sans doute de réveiller un système médical actuellement sous respirateur artificiel. 

Philippe Régnoux
Directeur de publication, CScience IA
p.regnoux@galamedia.ca

Crédits photo image en Une : Istock