[ÉDITORIAL] : Pas le droit à l’erreur pour la SQRI ²

[ÉDITORIAL] : Pas le droit à l’erreur pour la SQRI ²

La SQRI ² a été dévoilée ce jeudi 19 mai à la Scena de Montréal devant un parterre d’environ 250 personnalités du milieu de la Recherche et de l’Innovation québécois. Un financement record de près de 7.5 milliards de dollars est programmé pour soutenir cette stratégie sur 5 ans. Après la SQRI 1 qui n’a pas comblé toutes les attentes, cette nouvelle mouture n’a pas vraiment droit à l’erreur. 

Ce sont des chiffres qui font tourner les têtes. Et les centaines de têtes présentes ce jeudi matin à la Scena de Montréal pour assister au dévoilement de la SQRI ², autrement dit de la nouvelle Stratégie québécoise de la recherche, et d’investissement en innovation (ce qui explique le “i” au carré), étaient emplies de beaucoup d’attentes devant une telle valse de milliards.

Il faut dire que la première version de la SQRI, lancée il y a 5 ans au prix là encore de quelques milliards déjà investis et consommés, n’a pas comblé toutes les attentes du milieu. Loin s’en faut.   

Une logique de rupture

C’est sans doute la raison pour laquelle cette nouvelle SQRI ² s’inscrit d’emblée dans une logique de “rupture avec le passé”. C’est du moins ainsi qu’elle a été présentée. 

Rupture dans doute avec le bilan décevant de la maigre création de start-ups dans notre province (nous sommes celle au Canada qui en produit le moins). Rupture certainement aussi avec le degré trop bas de recherche privée en entreprise (le Québec est classé 24ème au sein de l’OCDE sur ce plan). Rupture possiblement avec le faible taux d’adoption de l’innovation, et en particulier de l’IA, dans la majeure partie des organisations et des secteurs d’activité. Rupture enfin avec un taux de formation, d’attractivité et de rétention de talents encore trop bas pour nous hisser réellement au rang de “start-up nation“.

Le retard accumulé n’est pas dramatique, mais il sonne suffisamment le rappel des troupes pour accélérer le mouvement. 

Accélérer le mouvement

Il faut accélérer, donc pour passer des idées au marché. “Innover en innovation”, comme osait même l’affirmer ce matin le ministre de l’Economie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon. Ainsi l’idée de rajouter le volet investissement au volet recherche et innovation est une maudite bonne idée. Nous étions sans doute plusieurs à nous dire dans la salle : “mais pourquoi cela n’a-t-il pas été pensé plus tôt ?”.

« Alors que la défiance envers la science, les chercheurs et l’innovation en général ne font qu’augmenter depuis des années, il faut plus que jamais des outils pour regagner la confiance du public et des utilisateurs. » – Philippe Régnoux, Directeur de publication CScience IA

Mieux vaut tard que jamais pour aller chercher des gains de productivité supplémentaires et réduire de moitié l’écart accumulé en la matière avec notre voisin ontarien. C’est en tout cas le but affiché de la manoeuvre.

Histoire de sortir le Québec de ce que certains nomment déjà la “Vallée de la mort” entre la recherche et l’investissement. Et qui de mieux pour jouer le pompier de service dans ce désert entrepreneurial qu’Investissement Québec, appelé en renfort pour soutenir les entreprises prometteuses et surtout atténuer les risques liés à l’innovation, aux premiers moments de la recherche.

Rassembler l’écosystème

L’écosystème québécois de la recherche et de l’innovation est donc en quête d’un second souffle, lui qui s’est largement manifesté dans les consultations qui ont conduit à cette nouvelle SQRI (plus de 230 mémoires ont été reçus). Il est aussi appelé à jouer un rôle majeur dans cet exercice d’optimisation et d’efficacité.   

Exercice de rassemblement donc, autour des Fonds de Recherche du Québec, des RSRI et des CCTT, pour le volet Recherche, et du Conseil de l’Innovation du Québec et d’Axelys, pour le volet commercialisation. Le standard téléphonique de certains d’entre eux doit sérieusement commencer à chauffer depuis ce matin…

« Le retard accumulé n’est pas dramatique, mais il sonne suffisamment le rappel des troupes pour accélérer le mouvement.  » – Philippe Régnoux, Directeur de publication CScience IA

Une démarche d’ensemble qui ne peut se faire sans l’interventionnisme du gouvernement pour stimuler cette dynamique, surtout quand on sait que 3 des 7.5 milliards de cette SQRI ² se matérialiseront en incitatifs fiscaux, autrement dit en crédits d’impôts. Il va sans dire que le bar ouvert serait malvenu et que les recommandations, si ce n’est le droit de regard gouvernemental, seront plus que nécessaires en la matière pour éviter abus et nouvelles déceptions.

Rendre des comptes aux Québécois

Car s’il faut bien remercier quelqu’un, c’est le contribuable québécois. C’est lui qui met la main à la poche pour financer cette belle stratégie, comme il le fait depuis des années pour financer la recherche et l’innovation.

Alors que la défiance envers la science, les chercheurs et l’innovation en général ne font qu’augmenter depuis des années, il faut plus que jamais des outils pour regagner la confiance du public et des utilisateurs.

Une  reddition de comptes rigoureuse des actions menées sera un impératif absolu. A ce titre, la création du Baromètre de l’innovation est une formule très intéressante proposée par cette nouvelle stratégie. A voir comment il évoluera dans la pratique.

Mais il faut aussi continuer à informer et à éclairer les québécoises et les québécois sur les bienfaits de la recherche et de l’innovation pour nos communautés. En cela, des médias comme CScience IA ont un rôle capital à jouer pour rapprocher le monde de la recherche et de l’Innovation du grand public. Nous sommes conscients de cette énorme responsabilité, et nous devons accroître notre rôle de relais au service de l’écosystème.

Pour “démocratiser l’innovation”, comme l’a savamment rappelé le ministre Fitzgibbon ce matin.

La francophonie : le grand absent

Enfin, et c’est sans doute ce qui brille le plus par son absence dans cette SQRI ², la vision internationale de notre déploiement et en particulier celle à destination de la francophonie n’apparaît nulle part dans les 90 pages que compte le document. 

Alors que notre Scientifique en chef, Rémi Quirion, vantait à juste titre ce matin l’importance du talent et de l’attractivité des talents en recherche au Québec, pourquoi ne pas consacrer un pan non-négligeable de cette nouvelle stratégie à la création de passerelles encore plus solides avec le monde académique et entrepreneurial européen, et surtout, africain.

Penser le développement de la croissance en innovation au Québec en 2022 sans tenir compte de cette opportunité et de ce champ des possibles serait une erreur magistrale. Surtout à l’heure d’une compétition de talents féroces et d’une rareté de main-d’oeuvre grandissante dans des nations vieillissantes comme l’est le Québec.

« Cette nouvelle SQRI ² s’inscrit d’emblée dans une logique de “rupture avec le passé”. C’est du moins ainsi qu’elle a été présentée. » – Philippe Régnoux, Directeur de publication CScience IA

Devant la montée des périls et des attentes ô combien élevées de nos organisations, nos prises de décisions stratégiques sont plus que jamais cruciales.

Nous n’avons pas d’autre choix que de réussir.

Philippe Régnoux
Directeur de publication, CScience IA
p.regnoux@galamedia.ca

Crédits photo image en Une : GALA MEDIA