[ZOOM]: Comment Alloprof va-t-il utiliser l’IA pour aider les élèves en difficulté?

[ZOOM]: Comment Alloprof va-t-il utiliser l’IA pour aider les élèves en difficulté?

L’organisme Alloprof, qui offre des services d’aide gratuits aux élèves allant du primaire au secondaire, vient d’intégrer deux nouvelles fonctionnalités liées à l’intelligence artificielle (IA). L’objectif? Mieux répondre aux besoins des jeunes Québécois en difficulté.

C’est par l’intermédiaire de son partenaire, l’Institut de valorisation des données (IVADO), qu’Alloprof a soumis son projet à des finissants de Polytechnique Montréal et de l’École de technologie supérieure (ETS), qui ont développé deux outils pour la plateforme et ses utilisateurs, soit un moteur de recommandations et un système de synthèse vocale.

1. Un moteur de recommandations

« Il y a un an, nous avons créé une zone d’entraide, qui se veut un forum d’échange où les élèves sont invités tantôt à y poser des questions, tantôt à y offrir des réponses. Le tout est supervisé par les enseignants d’Alloprof, qui valident les pistes de solutions et leur exactitude, relate en entrevue le Directeur de la stratégie et des relations extérieures chez Alloprof, Marc-Antoine Tanguay. Le problème, c’est que pour y obtenir une réponse, il peut y avoir un délai inconvenant, comme c’est le cas lorsqu’un élève révise pour son examen du lendemain. »

Marc-Antoine Tanguay

C’est pour remédier à cet irritant qu’une nouvelle fonctionnalité a été implantée il y a un mois, pour suggérer rapidement aux utilisateurs des pistes de réponses à leurs questions. « L’objectif est d’accélérer le processus. L’élève pose sa question, et l’outil détecte les mots-clés dans la question afin de lui recommander des réponses. Les réponses ont déjà été entrées dans la base de données par des êtres humains, que ce soit dans la zone d’entraide ou dans la bibliothèque virtuelle, mais l’IA se charge de les filtrer et de choisir celles qui devraient répondre au mieux aux interrogations de l’utilisateur. C’est instantané. »

1.1. Des limites à repousser

Mais les réponses sont-elles vraiment satisfaisantes? « Ce n’est pas toujours parfait, reconnaît M. Tanguay, mais ça dépanne en attendant d’avoir la réponse humaine et personnalisée à sa question. » Selon le Directeur de la stratégie, plus la base de données comptera de pistes de solutions, plus l’IA pourra se perfectionner selon le principe de l’apprentissage machine, et faire des propositions encore plus adaptées aux utilisateurs. « C’est comparable à un répartiteur, qui connaîtrait tous les départements en activité au sein d’une entreprise. Là, en l’occurrence, c’est l’IA qui doit pouvoir s’y retrouver dans le contenu de notre site. »

1.2. Un taux de succès actuel de 40 %

Depuis sa livraison à la mi-avril, le projet connaît un taux de succès de 40 %, qui se mesure aux taux de clics enregistrés sur les recommandations faites par l’outil. « Ce sont 10 000 explications qui ont été demandées en un mois. Donc, dans 40 % des 10 000 cas, les élèves jugent que les recommandations sont pertinentes, et ce pourcentage devrait augmenter avec l’amélioration de l’outil, qui deviendra de plus en plus précis puisque la base de données sera de plus en plus nourrie. »

1.3. Éviter l’échec et le décrochage

À l’heure d’une pénurie de personnel au sein d’un réseau de l’éducation qui est déjà sous pression, le besoin de ressources supplémentaires se veut criant pour soutenir les élèves dans leurs apprentissages. Un récent rapport du ministère de l’Éducation a révélé une augmentation du nombre d’absences d’élèves du réseau scolaire, non motivées par la COVID, attribuable à une démotivation scolaire. En janvier, on comptait 57 400 de ces absences, un chiffre qui a atteint les 101 300 élèves absents à la mi-avril. On parle alors d’un taux d’absences non attribuables à la COVID ayant bondi de 76 % au Québec, mettant plutôt la démotivation scolaire en cause.

Une enseignante d’Alloprof.

Si l’une des visées implicites du projet d’Alloprof est justement de compenser le manque de disponibilité des enseignants, il n’a pas pour objectif d’automatiser tous les services. « L’innovation n’a clairement pas été développée pour remplacer l’être humain. Or, des humains, il en manque. Les élèves en difficulté auront quand même besoin d’être accompagnés par une personne qui leur expliquera de manière détaillée les notions incomprises. Mais l’idée est vraiment de réserver ce type d’accompagnement, offert par les professeurs, aux élèves moins autonomes. On a une pénurie de main-d’œuvre dans le réseau de l’éducation. Heureusement, pas chez Alloprof, puisqu’on a doublé notre équipe et que l’on compte maintenant 200 enseignants. Mais l’outil permet de libérer du temps à nos professeurs pour répondre le plus rapidement possible aux besoins croissants des élèves en plus grande difficulté », explique M. Tanguay.

2. La synthèse vocale

La deuxième offre d’Alloprof liée à l’IA est une fonctionnalité de synthèse vocale intégrée, qui se consacre à la lecture audio du contenu de la plateforme. « Nous avons déterminé qu’il y avait un intérêt pour de la synthèse vocale chez 5 % de nos utilisateurs, et avons voulu leur proposer une solution qui s’adresse vraiment aux élèves éprouvant des difficultés en lecture. Au lieu de consulter une fiche de 300 mots pour y repérer l’information clé, ils peuvent désormais s’en remettre à l’offre de synthèse vocale sur le site d’Alloprof. »

« (…) il y avait un intérêt pour de la synthèse vocale chez 5 % de nos utilisateurs (…) »

– Marc-Antoin Tanguay, Directeur de la stratégie et des relations extérieures chez Alloprof

2.1. Une lecture adaptée aux élèves

Depuis de nombreuses années, des outils et logiciels similaires existent notamment pour les personnes ayant un handicap visuel. Pensons par exemple à JAWS (Job Access With Speech), le logiciel de revue d’écran qui offre un accès vocal complet à l’environnement Windows et aux applications logicielles. « Certes, mais l’outil de synthèse vocale d’Alloprof s’en distingue en ce qu’il offre une lecture pédagogique, dont le débit se veut adapté aux enfants, et dont les pauses sont faites au bon moment. Le contenu à lire est varié et parfois plus compliqué à déchiffrer et à vulgariser que du simple texte. Il est aussi important pour nous de développer notre propre outil car nous comptons le faire évoluer avec le temps. C’est tout le principe d’avoir recours à l’IA et à l’apprentissage machine », insiste M. Tanguay.

2.2. Du progrès à faire

Si l’outil en est toujours au début de son implantation, Alloprof entend l’améliorer afin qu’il puisse lire de manière claire le contenu mathématique et scientifique, incluant formules, schémas et géométrie, « qui sont plus difficiles pour la synthèse vocale à comprendre et à vulgariser. Par ailleurs, nous voulons aussi rendre la voix moins robotique et plus chaleureuse. »

3. Le virage numérique en éducation

Jean-François Roberge

Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, s’est quant à lui félicité de soutenir Alloprof, rappelant que ce sont plus d’un million d’élèves qui ont pu bénéficier de ses services. « La pandémie a été dure pour tous, et c’est pourquoi nous avons conclu une entente permettant à Alloprof d’augmenter son offre de services durant cette épreuve. Élèves et parents ont été nombreux à bénéficier de ce coup de pouce supplémentaire. »

M. Roberge estime qu’ « il est primordial pour notre gouvernement de mettre en place tous les moyens possibles pour aider les élèves du Québec à mieux vivre la période des examens. Alloprof a été un acteur clé pendant la pandémie pour développer différents moyens innovants de favoriser la réussite scolaire. Nous sommes heureux de soutenir le développement des nouvelles ressources et fonctionnalités de l’organisme, qui sont en ligne droite avec le virage numérique sans précédent qu’entreprend le ministère de l’Éducation et le réseau scolaire pour les prochaines années. Mettre à profit les plus récentes technologies pour aider les élèves vivant des difficultés scolaires est une avenue prometteuse que nous souhaitons encourager », a-t-il ajouté.

Rappelons qu’en mars dernier, le ministre a annoncé un investissement de plus de 10 millions de dollars afin d’amorcer un virage numérique « sans précédent » au sein du ministère de l’Éducation et du réseau scolaire, en adéquation avec la Stratégie de transformation numérique gouvernementale et la Stratégie d’intégration de l’intelligence artificielle dans l’administration publique pour 2021-2026.

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Crédit Image à la Une : Alloprof