[ÉDITORIAL] : Donnons la parole aux artistes québécois en matière d’intelligence artificielle

[ÉDITORIAL] : Donnons la parole aux artistes québécois en matière d’intelligence artificielle

Les artistes québécois, et en particulier les artistes francophones, ont de la difficulté à trouver leur public sur les plateformes numériques de diffusion des contenus. La faute aux algorithmes qui orientent la consommation de contenus culturels selon des critères qui ne favorisent pas forcément la découvrabilité multilingue. Il faut repenser l’intelligence artificielle en ce sens, et donner la parole aux artistes. C’est ce que nous allons faire ce 22 juin. 

Ce mercredi 22 juin, nous allons terminer la saison des émissions C+Clair en beauté. En offrant deux heures de direct sur une antenne radio grand public, à une heure de grande écoute – le fameux “retour à la maison”, entre 16h et 18h – la rédaction de CScience IA souhaite partager sur les ondes de CIBL 101.5 FM la parole des artistes avec celle des chercheurs mais aussi avec celle des citoyens en matière de découvrabilité des contenus culturels. 

Pour des données au service de la découvrabilité 

La batailles des données numériques en Culture a déjà commencé depuis près d’une dizaine d’années. A ce jeu-là, les artistes québécois francophones sont présentement perdants.

Comme j’avais pris soin de le rappeler dans un article publié il y a quelques mois sur le sujet, selon l’État des lieux de la “découvrabilité” et de l’accès aux contenus culturels francophones sur Internet, publié par les chercheurs Christian Agboli et Destiny Tchéouali pour l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), seulement 6,8% des contenus numériques en ligne de la planète sont francophones. Ils occupent la 4e place derrière l’anglais, le chinois et l’espagnol.

« C’est une question d’autant plus importante que nos sociétés actuelles souffrent d’une perte de repères et d’un besoin d’innovation sociale que les artistes sont en mesure d’assurer. » – Philippe Régnoux, Directeur de publication CScience IA

Mais, réalité bien plus inquiétante, toujours selon ce rapport des deux chercheurs, les algorithmes des GAFAM ne recommanderaient les contenus francophones qu’à hauteur de 13% des requêtes.

Comme le rappelait plus récemment encore notre journaliste Chloé-Anne Touma dans un article consacré à la start-up Hitlab, favoriser la découvrabilité des artistes émergents en proposant un contenu qui diffère de ce que poussent les gros noms est, même avec la meilleure des innovations, difficile lorsqu’on se bute aux ententes commerciales et au monopole des gros labels.

Bref, il est plus que difficile pour les artistes québécois francophones de se tailler une place au soleil dans le monde impitoyable de la diffusion numérique.

Alors il reste l’arsenal réglementaire. Le projet de loi C-11, qui vise à rafraîchir la Loi sur la radiodiffusion canadienne qui date déjà des années 90, et après l’échec du dépôt de la loi C-10 mort au feuilleton lors du déclenchement des dernières élections fédérales, nourrit l’attention – et autant dire les attentes – du milieu artistique québécois dans son intégralité.

Vers une meilleure redistribution des revenus

Car l’enjeu, outre la question de la visibilité et de la rencontre avec le public, reste pour les artistes de pouvoir vivre de leur art. La Presse révélait il y a près d’un mois un sondage commandé par l’ADISQ à la firme Léger Marketing dans lequel on apprenait que 73 % des Québécois sont d’accord pour que « les gouvernements mettent en place une législation faisant en sorte que les plateformes de musique en ligne contribuent au financement de la musique comme le font les radios traditionnelles ».

« Il est plus que difficile pour les artistes québécois francophones de se tailler une place au soleil dans le monde impitoyable de la diffusion numérique. » – Philippe Régnoux, Directeur de publication CScience IA

Les artistes québécois vont devoir espérer trouver leur planche de salut au Fédéral, dans la mesure où la nouvelle loi 35 sur la réforme du statut de l’artiste adoptée le 3 juin dernier par l’Assemble nationale ne donne pas vraiment de consignes claires ni d’avancées significatives en la matière. 

Il y a pourtant urgence à agir quand on sait, selon ce que rapporte l’organisme qui gère le droit d’exécution des oeuvres musicales au Canada, la SOCAN, que le tiers de toutes les redevances perçues par les artistes canadiens provient désormais de source numérique.

 Un artiste en lien avec son public

Enfin, en non le moindre des enjeux, il y a la relation de l’artiste à son public et à la société qui se voit repensée par l’irruption du numérique depuis plusieurs années.

Les algorithmes sont aujourd’hui surtout mobilisés pour assurer la découvrabilité des contenus, mais qu’en est-il de la promotion du statut d’artiste comme relais d’opinion et vecteur de changement dans la société ?

C’est une question d’autant plus importante que nos sociétés actuelles souffrent d’une perte de repères et d’un besoin d’innovation sociale que les artistes sont en mesure d’assurer. Ne pas intégrer cette dimension-là dans la réflexion sur le lien qu’entretiennent les technologies avec le monde artistique serait une erreur magistrale. 

Surtout quand on sait que 75% des milléniaux souhaitent aujourd’hui se connecter à des artistes qui publient des contenus non pas seulement artistiques mais plus personnels. Le comportement des artistes, leurs idées, leurs opinions, peuvent donc, plus que jamais, influencer des pans entiers de la société.     

Une émission spéciale le 22 juin

Pour tâcher de mieux comprendre en quoi l’intelligence artificielle permet de répondre à ces différents enjeux au service des artistes québécois, la rédaction de CScience IA, en collaboration avec le Conseil de l’innovation du Québec et les Fonds de Recherche du Québec propose une émission C+Clair spéciale en direct sur les ondes de CIBL 101.5 le 22 juin, de 16h à 18h.

L’événement en public, que j’aurai le plaisir d’animer depuis les studios de CIBL, rue Ste-Catherine, avec l’artiste et doctorante en psychologie, Florence K, et avec la journaliste Chloé-Anne Touma, mettra en lumière des chercheurs et des entrepreneurs québécois qui viendront présenter leurs solutions technologiques pour répondre aux défis des artistes. Pour l’occasion, un grand nombre d’artistes et de personnalités du monde des arts viendront analyser en direct les solutions présentées.  

La discussion diffusée en radio sur CIBL sur Facebook Live vous permettra de réagir en direct.

Pour sortir des sentiers battus et aller à la rencontre des artistes, avec ou sans l’aide des algorithmes.  

Philippe Régnoux
Directeur de publication, CScience IA
p.regnoux@galamedia.ca

Crédits photo image en Une : Unsplash / Techivation