Où vont aller les 443 millions de dollars de la Stratégie pancanadienne en IA phase 2?

Où vont aller les 443 millions de dollars de la Stratégie pancanadienne en IA phase 2?

Depuis cette semaine, la deuxième phase de la Stratégie pancanadienne en matière d’intelligence artificielle (IA) est enclenchée afin d’accélérer la recherche et la commercialisation de la technologie, de manière concrète et démocratisée au pays. Quels défis le Canada doit-il relever pour voir à la mise en marché et aux applications de son innovation?

Lancée en 2017, la stratégie nationale d’IA du Canada était la première au monde à voir le jour. Des partenaires issus de tout le Canada, dont CIRAF, l’ICRA, Amii, Mila et l’Institut Vector, collaborent depuis aux projets qu’elle a permis de développer, selon des objectifs clairs : transformer la recherche en applications commerciales, favoriser leur intégration au sein des entreprises, attirer les investissements et les talents, et mieux répartir les infrastructures entre les groupes de chercheurs.

Car si la réputation du Canada n’est plus à faire dans le domaine de l’utilisation responsable de l’IA, en matière de commercialisation et de démocratisation, des éléments échappent encore au savoir-faire canadien, et c’est à cette problématique que les acteurs de la Stratégie entendent répondre.

Un budget de 443 millions de dollars

Grâce à des investissements de 443 millions pour cette phase 2, le Canada compte « aider à bâtir une économie plus forte, des sources d’énergie plus propres, une meilleure santé publique et des innovations dans tous les domaines », a annoncé le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, le 22 juin dernier. Mais de quelle manière sera réparti ce budget, et pour tenir compte de quels enjeux?

« Lorsqu’on a annoncé la mise en marché du vaccin Moderna, on a vu qu’il y a eu énormément de soutien de la part du gouvernement du Québec. Mais s’il n’y avait pas eu la recherche fondamentale dans les universités sur l’Acide ribonucléique (ARN), il n’y aurait pas eu de Moderna. »

– Rémi Quirion, Scientifique en chef

1. La valorisation de la recherche universitaire

En tête des Fonds de recherche du Québec, le Scientifique en chef Rémi Quirion a rappellé, lors du lancement de la Stratégie québécoise de recherche et d’investissement en innovation 2022-2027 (SQRI ²), que le cycle de l’innovation requiert « énormément de collaboration de la part de tous les acteurs, allant de la recherche fondamentale à la recherche plus appliquée, jusqu’à l’innovation et la commercialisation ».

Rémi Quirion, scientifique en chef

Il a souligné « l’importance d’investir dans la recherche fondamentale, l’importance de la relève et du talent. Lorsqu’on a annoncé la mise en marché du vaccin Moderna, on a vu qu’il y a eu énormément de soutien de la part du gouvernement du Québec. Mais s’il n’y avait pas eu la recherche fondamentale dans les universités sur l’Acide ribonucléique (ARN), il n’y aurait pas eu de Moderna », d’illustrer M. Quirion.

La rectrice de l’Université Laval, Sophie D’Amours, ajoute quant à elle que « ce qu’on constate sur le terrain, dans nos universités, c’est qu’il y a beaucoup d’appétit et d’intérêt pour l’interaction. Les universitaires ont envie de parcourir le kilomètre supplémentaire qui va apporter des solutions nouvelles à la société, et en particulier aux entreprises. »

Sophie D’Amours, rectrice de l’Université Laval

C’est d’ailleurs pour assurer une meilleure fluidité de ce cycle de l’innovation que 160 millions (36 %) des investissements canadiens iront au CIFAR (Institut canadien de recherches avancées) pour le maintien des programmes visant à attirer, retenir et perfectionner les talents en recherche universitaire, ainsi que pour ceux visant à assurer le fonctionnement des centres de recherches, d’innovation et de formation situés dans les instituts nationaux d’IA au Canada. « On a besoin, au Québec, d’un trait d’union entre ce monde de la connaissance, du développement des idées nouvelles dans les cégeps, les collèges, les universités, les centres de transferts dans tout cet écosystème, vers les milieux prenants, les entreprises, les sociétés d’État, les centres communautaires, l’ensemble de la société, où on retrouve des personnes, des organisations, des entreprises qui ont envie d’être innovantes, car il y a tellement d’opportunités, actuellement, dans le monde, mais il faut que ces deux groupes se rencontrent. Ils ont besoin d’avoir accès aux ressources disponibles le plus facilement et rapidement possible », complète-t-elle.

2. Soutenir les PME et la mise en marché

Alexandre Teodoresco, des 7 doigts

125 millions (28 %) seront aussi consacrés aux grappes d’innovation mondiales du Canada, dans le but d’accélérer la commercialisation de l’IA en soutenant les petites et moyennes entreprises canadiennes, en attirant les investissements privés issus d’autres sources publiques et privées, et en développant des solutions d’IA sur la scène locale.

Lors de l’événement E-AI, auquel assistait CScience à Montréal il y a deux semaines, Alexandre Teodoresco, du collectif Les 7 Doigts, a rappelé l’importance de considérer les opportunités qu’amène l’international, comme celles qui accompagnent le Métavers.

« Le développement économique est important pour nous. Le Métavers, par exemple, représente toute une opportunité en ce qu’il créera beaucoup d’emplois, et il faut s’assurer d’investir en ce sens sur le plan local. Facebook a annoncé un investissement de 10 milliards en Europe, et la création de 10 000 emplois. Pourquoi n’annonce-t-on pas la même chose au Québec? », s’interrogeait M. Teodoresco.

3. Augmenter le pouvoir d’achat des entreprises

Toujours lors de l’événement E-AI, l’Australien Matt Shearing, PDG de OneQode, a mentionné l’importance de « se doter d’innovations mises en marché en tant que consommateur, de s’associer aux universités, de recruter des talents d’ailleurs, et d’investir dans les entreprises en IA ».

C’est dans cette optique que 60 millions de dollars seront versés aux instituts nationaux d’IA du Canada (l’Amii à Edmonton, le Mila à Montréal et l’Institut Vecteur à Toronto), pour transformer la recherche en IA en applications commerciales et aider les entreprises à acquérir la capacité d’adopter ces nouvelles technologies.

4. L’enjeu de la sous-représentation

Matt Shearing, PDG de Oneqode

Avant de parler de l’accessibilité aux technologies selon une perspective de commercialisation en entreprise, il faut d’abord s’attarder à démocratiser la recherche et ses infrastructures auprès des groupes de chercheurs, dont plusieurs sont sous-représentés, tant sur le plan de l’investissement qu’en termes de diversité. C’est pourquoi la Stratégie prévoit allouer 40 millions de dollars au soutien pour les chercheurs en IA, issus des quatre coins du pays, pour leur permettre d’utiliser des capacités informatiques réservées.

M Shearing relève d’ailleurs plusieurs solutions concrètes que les industries peuvent mettre en pratique pour valoriser les talents et favoriser le développement des compétences, dont la formation de partenariats avec les entreprises, le développement d’une niche locale de talents, et le fait de faire affaire avec des sous-traitants en IA issus de divers horizons.

M. Quirion souligne la nécessité de travailler étroitement avec les universités, dans le secteur privé, pour attirer davantage de jeunes et de femmes en science et en recherche.

Notons que depuis 2017, plus de 100 chercheurs de haut niveau ont été recrutés au Canada pour occuper un poste de chaire de recherche en intelligence artificielle au CIFAR. De ce nombre, la moitié sont des chercheurs étrangers, ayant été invités à venir travailler au Canada dans le cadre de la stratégie et de ses investissements. Les instituts nationaux d’IA ont formé plus de 1 500 étudiants de cycle supérieur et boursiers de recherches postdoctorales, dont plusieurs sont des étudiants étrangers venus au Canada en raison des forces reconnues propres à chaque institut.

5. La mise à jour des programmes

Finalement, 48 millions de dollars iront au CIFAR pour le renouvellement et la modernisation de ses programmes de recherche avancée, de formation et de mobilisation des connaissances, tandis que 8,6 millions seront consacrés au Conseil canadien des normes, pour stimuler le développement et l’adoption, notamment, d’un programme d’évaluation de la conformité en lien avec l’IA.

Crédit Image à la Une : Mila