L’intelligence artificielle pour lutter contre la maladie d’Alzheimer et améliorer la qualité de vie des aînés

L’intelligence artificielle pour lutter contre la maladie d’Alzheimer et améliorer la qualité de vie des aînés

On le sait, la population du Québec est vieillissante. Le système de santé est fragilisé et sous pression depuis des années, et n’a plus les ressources pour garantir à tous les soins qui devraient normalement leur être acquis. Et que dire de l’hécatombe de la première vague de COVID, qui nous rappelle la vulnérabilité des personnes du 4e âge, un enjeu qui promet d’être soulevé au cours de la campagne électorale… Devant le chaos, comment la technologie et l’intelligence artificielle (IA) peuvent-elle intervenir pour améliorer le sort des patients âgés et soutenir le réseau de la santé?

Dans son dernier rapport, la Société Alzheimer du Haut-Richelieu (SAHR) indique qu’en 2035, la proportion de personnes aînées représentera plus de 20% de la population. Elle ajoute que « D’ici 2050, au Québec, le nombre de personnes atteintes sera le double d’aujourd’hui, soit près de 300 000 personnes. Nous allons être amenés à côtoyer de près ou de loin des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’un trouble neurocognitif », pointe l’organisation.

« D’ici 2050, au Québec, le nombre de personnes atteintes sera le double d’aujourd’hui, soit près de 300 000 personnes. »

–  Société Alzheimer du Haut-Richelieu

Au Québec, ce sont déjà plus de 150 000 personnes qui vivent avec un trouble neurocognitif majeur (TNCM), et la maladie d’Alzheimer en est la forme la plus fréquente. « C’est un enjeu grandissant qui a de lourdes conséquences humaines et financières. Il est temps que la prévention de la maladie d’Alzheimer soit une priorité de santé publique », insiste Marc-André Chagnon, président de l’entreprise québécoise Lucilab, qui a lui-même perdu sa grand-mère, Lucie Chagnon, des suites de la maladie.

Des solutions

1. « Web Luci » pour la prévention

Application Luci

Dans l’attente de la découverte d’un traitement curatif, les possibilités en matière de prévention constituent présentement les pistes de solution explorées par les chercheurs. « En effet, selon des données scientifiques récentes, jusqu’à 40 % des cas de la maladie d’Alzheimer et autres TNCM seraient attribuables à des facteurs de risque modifiables(4), dont une large partie sont liés au mode de vie », explique-t-on chez Lucilab.

L’entreprise a lancé Luci, une application qui, selon une approche préventive, et grâce à l’IA, propose aux adultes de 45 à 70 ans de se faire accompagner gratuitement dans l’adoption d’habitudes de vie jugées saines pour « leur effet protecteur sur le cerveau, soit l’activité physique, la saine alimentation et la stimulation intellectuelle ».

Pour l’utiliser, il suffit de télécharger l’application sur un téléphone intelligent, une tablette ou un ordinateur, et d’être connecté à internet. Au début de votre utilisation, Luci vous posera des questions sur vos habitudes actuelles pour bien cerner votre profil. Ensuite, elle produira un bilan détaillé visant à établir vos besoins et à orienter les recommandations.

L’application vous met ensuite en relation avec des conseillers, nutritionnistes, psychologues et kinésiologues, qui vous offriront des conseils pour améliorer votre activité physique, votre alimentation, et vous donneront des méthodes de stimulation intellectuelle, grâce au portrait que Luci aura dressé de vos habitudes.

« Le programme de Luci se fonde sur des techniques de changement de comportement éprouvées. Les conseillers qui accompagnent les participants ne se contentent pas de fournir un plan d’entraînement et un menu de 7 jours. Ils explorent en profondeur les motivations et les barrières de chaque individu afin de bâtir un plan d’action personnalisé, avec des objectifs concrets », décrit Isabelle Lussier, docteure en neuropsychologie et directrice de la recherche chez Lucilab.

L’application aurait montré des résultats encourageants au cours du processus de validation scientifique piloté par la Dre Lussier et la Dre Sylvie Belleville, pour lequel plus de 2 500 participants volontaires se sont manifestés. « En plus de cet engouement lors du recrutement, les premiers résultats montrent un taux de rétention des participants de plus de 90 % et un taux d’assiduité aux rendez-vous de près de 85 %. Cela témoigne de l’engagement exceptionnel des participants à prendre leur santé cognitive en main », se réjouit la Dre Lussier.

« Mon conseiller m’a fait prendre conscience qu’on peut encore apprendre, même à 56 ans. Il m’a permis d’élargir mes horizons et de croire en mes capacités », témoigne l’une des participantes, Johanne Kennedy.

2. Des capteurs pour préserver l’autonomie à domicile

Au-delà de la prévention, les chercheurs et innovateurs du Québec mènent plusieurs projets d’actualité qui consistent, grâce à l’IA et à des capteurs placés dans l’environnement des personnes en perte d’autonomie, ou sur elles-mêmes, de les maintenir à domicile plutôt qu’en institution.

Le catalyseur d’écosystèmes technologiques Numana, qui représente la grappe des technologies de l’information et des communications du Québec, concentrée dans le Grand Montréal, s’intéresse notamment à l’impact des technologies émergentes sur les humains et la société, selon quatre volets impliquant des technologies émergentes : la santé, les bâtiments, le quantique et les données spatiales. « On a ouvert un laboratoire vivant au quartier des générations à l’issu du projet Bien vivre chez vous. On a planché sur la question à savoir comment on peut faire pour améliorer le confort des personnes âgées, en leur permettant de rester chez elles plutôt qu’au CLSC, entame, en entrevue avec CScience, Florian Saugues, directeur de projets chez Numana. Le projet a impliqué des capteurs, qui ne devaient pas être trop intrusifs et devaient être peu demandants pour les utilisateurs, parce que les personnes âgées ne sont pas toutes des technophiles. Toujours dans le cadre du projet, une université a conçu une cuisinière contenant 19 capteurs, pouvant détecter un début de feu et déterminer si quelqu’un a fait une chute. »

« Le projet a impliqué des capteurs, qui ne devaient pas être trop intrusifs et devaient être peu demandants pour les utilisateurs, parce que les personnes âgées ne sont pas toutes des technophiles. »

– Florian Saugues, directeur de projets chez Numana

Permettre aux personnes âgées en perte d’autonomie de vivre chez elles le plus longtemps possible, grâce à des capteurs intelligents, c’est aussi ce que propose Nathalie Bier, ergothérapeute et chercheuse de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal. Son équipe a démontré qu’en équipant de capteurs intelligents l’appartement d’un usager, on peut en effet recueillir et générer des données fiables quant à son quotidien, et les transmettre aux services sociaux afin que ces derniers puissent mieux cibler les besoins de leur clientèle, et permettre aux personnes seules, en perte d’autonomie et présentant des troubles cognitifs, de rester le plus longtemps possible à leur domicile.

« Plus de 40 % des personnes âgées rapportent avoir des besoins non comblés en termes de services à domicile », observe Mme Bier. C’est par souci de favoriser le vieillissement chez soi plutôt qu’en institution qu’elle a mené un projet pilote en plusieurs phases, sollicitant un type d’IA bien précis, soit la reconnaissance d’activités.

Avec les capteurs installés à même l’appartement d’une personne vivant seule et présentant des troubles cognitifs, il s’agira d’adapter et d’offrir des soins plus spécialisés. « On peut détecter une activité humaine sur la base d’informations reçues. On peut prédire une activité en fonction des comportements ou situations quotidiennement étudiées. Le système procède par la reconnaissance du mouvement, d’objets et d’actions. Cela peut inclure des caméras vidéo, des capteurs fixés sur les objets ou sur les personnes (…) On peut demander a un algorithme de nous trouver le meilleur chemin pour obtenir un résultat ou le moyen de réaliser une activité, tel que se préparer un café. »

L’information sera traitée, ingérée par le système et analysée, puis accessible sur une plateforme Web sécurisée, à laquelle les intervenants en soutien à domicile pourront se connecter. Un projet pilote a été réalisé en deux phases auprès de 34 usagers. La troisième phase est en cours de réalisation. « Lors de la phase 1, on a déployé 682 capteurs, pour 35 millions de données et 34 installations. Ça a été utilisé en majorité par des ergothérapeutes et des travailleurs sociaux. » Les usagers étaient en majorité des femmes, et présentaient des troubles cognitifs comme la maladie d’Alzheimer.

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Crédit Image à la Une : Danie Franco, Unsplash