[ÉLECTIONS] La vision du Parti Québécois en matière d’innovation technologique

[ÉLECTIONS] La vision du Parti Québécois en matière d’innovation technologique

Dans le cadre de la campagne menant aux élections générales du 3 octobre, CScience interroge les différents partis politique pour connaître leur vision en matière d’innovation technologique responsable, valorisée, propulsée et démocratisée, en cinq questions. Pour y répondre, le Parti Québécois, ayant Paul St-Pierre Plamondon pour chef, a désigné Yves Bérubé-Lauzière, candidat dans Sherbrooke.

1. Qu’est-ce qui fait la force et le positionnement du Québec en matière d’innovation selon vous?

Le Québec a un réseau universitaire très solide dans lequel la recherche est de grande qualité. L’excellente formation dans ce réseau au niveau de la maîtrise et du doctorat de personnel hautement qualifié est un atout prêt à servir l’innovation. Voici quelques exemples non exhaustifs. On a l’optique et la photonique à Québec: on forme beaucoup à l’Université Laval et la région a su développer un réseau d’entreprises dans ce domaine, notamment sous l’impulsion de l’Institut national d’optique (INO). L’INO est un centre de recherche appliquée privé à but non lucratif dont le mandat est d’augmenter la compétitivité des entreprises en offrant des solutions photoniques là où il y a des besoins. L’INO a par ailleurs un programme de recherche interne sous forme de contrat avec les gouvernements du Québec et du Canada dont l’objectif est d’identifier des secteurs économiques où la photonique peut apporter des solutions et de développer les technologies photoniques associées. Le but est de transférer ces technologies à l’industrie ou bien d’essaimer des entreprises qui vont valoriser ces technologies. C’est un modèle qui fait ses preuves et qui a mené à l’essaimage de plus de 35 entreprises, dont plusieurs font partie du réseau d’entreprises évoqué ci-haut. Un autre exemple est le domaine de l’intelligence artificielle (IA) à Montréal né autour de la recherche universitaire, notamment à l’Université de Montréal. De nombreuses entreprises ont été créées à Montréal dans divers champs d’application de l’IA. Cela a aussi attiré de très grandes entreprises comme Google. Comme troisième exemple, il y a le développement des technologies quantiques autour de l’Institut quantique (IQ) de l’Université de Sherbrooke. Cela a mené à la première zone d’innovation au Québec. Des entreprises ont été essaimées de l’IQ et d’autres sont venues de l’extérieur pour tirer profit du personnel hautement qualifié qu’on retrouve à Sherbrooke. La création du poste d’Innovateur en chef et du Conseil de l’innovation pour conseiller le gouvernement sont de bonnes initiatives pour mieux positionner le Québec en matière d’innovation.

2. Comment pourrions-nous valoriser l’innovation québécoise davantage?

Il faut davantage développer un réseau de centres de recherche appliquée de la forme de l’INO centrés autour des forces présentes au Québec dans les domaines plus matures aux applications, la photonique en est un, l’intelligence artificielle aussi. Créer un réseau de centres de recherche appliquée serait une prochaine étape, à la manière du réseau des instituts Fraunhofer en Allemagne. Il faut répertorier nos forces au Québec et d’abord se concentrer sur celles-ci, le Québec ne peut tirer dans toutes les directions; cela ne serait pas productif. Des choix stratégiques doivent être faits. On se doit aussi de poursuivre les efforts pour intéresser à l’entrepreneuriat les étudiantes et étudiants formés à la maîtrise et au doctorat dans tous les domaines. L’entrepreneuriat n’est pas seulement pour développer de la richesse économique, mais c’est aussi un domaine dans lequel l’humain se développe et est amené à réfléchir sur ce qui est vraiment utile pour la société. Il faut aussi développer une culture de la patience dans le développement technologique et l’innovation. Trop souvent, les investisseurs sont pressés à avoir des résultats. Bien que l’obtention de résultats soit essentielle, l’important est que des progrès constants soient réalisés en route vers l’objectif final. Développer une technologie demande du temps et il faut donner les moyens au développeur de technologie et se concentrer là-dessus d’abord avant de viser des profits.

3. On dit parfois que le crédit d’impôt, couvrant jusqu’à 37,5 % du salaire des travailleurs dans le secteur du multimédia, profite surtout aux entreprises comme Ubisoft et Google, dont le siège social n’est pas au Québec. Comment permettre aux entreprises québécoises du jeu vidéo et de la technologie de rivaliser?

Les entreprises québécoises ont aussi accès à ce crédit d’impôt. Pour permettre aux entreprises québécoises de rivaliser, il faut donner le goût et la fierté à ceux et celles que nous formons ici de travailler pour des entreprises québécoises et aussi d’en créer. En cela, avoir obtenu une formation en entrepreneuriat est essentiel. C’est en se formant en entrepreneuriat et en le vivant qu’on se conscientise à l’importance de créer des entreprises et à la fierté associée. Il faut notamment rêver nous aussi d’avoir de grandes entreprises, et travailler à ce que ça se réalise; c’est possible. Pour cela, il faut éviter de vendre nos entreprises une fois une technologie développée. Garder nos entreprises contribue à la construction d’une fierté. Nous avons des exemples précurseurs, notamment Bombardier.

4. Dans quel type de projets et de technologies faut-il impérativement investir?

En conséquence de ce qui a été mentionné précédemment, il faut d’abord investir dans les domaines pour lesquels le Québec a développé des forces manifestes. Ceci n’exclut pas d’autres domaines qu’il faut continuer de construire, mais il faut d’abord cueillir là où les fruits sont mûrs et rentabiliser nos investissements, ne pas le faire ne serait pas opportun. Il y a toute une planification et une stratégie de maturation derrière cela, parce que les technologies qui ne sont pas mûres aujourd’hui le deviendront plus tard.

5. Le Québec a-t-il un rôle à jouer dans le secteur de l’innovation et des technologies pour répondre aux urgences et préoccupations d’enjeu mondial? Par exemple, le réchauffement climatique, la crise sanitaire, les conflits politiques…

Ces grands enjeux mondiaux nécessitent du travail interdisciplinaire. Par la force de notre réseau universitaire, nous avons au Québec les outils pour contribuer à ces enjeux. Notre défi est d’amener des gens de divers domaines à se rencontrer et à travailler ensemble. Des efforts devront être consentis pour créer des environnements favorables afin que ces rencontres interdisciplinaires se produisent. L’informatique, qui est une force au Québec, est appelée à jouer un grand rôle dans ces enjeux dû à leur complexité qui nécessite la manipulation de masses de données. La présence d’informaticiens dans les équipes se consacrant à ces enjeux mondiaux apparaît essentielle.

Plus spécifiquement en matière de réchauffement climatique, le Québec a tout ce qu’il faut pour développer de nouvelles technologies pour l’efficacité énergétique, notamment en se basant sur l’IA et Hydro-Québec qui sont deux forces au Québec. La production d’énergie propre est aussi un enjeu où le Québec peut contribuer par son expertise en nanotechnologies pour la fabrication de cellules solaires. Cette expertise devra être convertie en produits qui pourront être testés en situation réelle dans des parcs solaires expérimentaux, tel qu’on en retrouve à Sherbrooke. Pour les crises sanitaires, développer des outils de prédiction de l’état d’une crise en se basant sur divers types de données (état dans les autres pays, situation à l’intérieur d’un pays, etc.) nous aidera sûrement à affronter une prochaine crise. En ce sens, il serait opportun de profiter des données accumulées pendant la crise de la COVID pour développer de tels outils prédictifs.

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Crédit Image à la Une : Yves Bérubé-Lauzière, Parti Québécois