[ANALYSE] Le discours de victoire de François Legault sous l’angle de l’innovation technologique

[ANALYSE] Le discours de victoire de François Legault sous l’angle de l’innovation technologique

C’est au Théâtre Capitole de Québec que François Legault a pris la parole pour remercier les 175 militants réunis devant lui pour l’acclamer. Le discours de victoire du premier ministre, après le renouvellement de confiance des Québécois envers son gouvernement, a donné le ton pour un mandat qui sera axé, si l’on en croit les promesses électorales, sur l’innovation technologique de manière transversale.

Lorsqu’on décortique les volets prioritaires sur lesquels M. Legault a insisté lors de la soirée électorale, et que l’on s’en remet à la plateforme présentée par la Coalition Avenir Québec (CAQ) en guise de référence, on constate que l’innovation technologique s’impose à tous les niveaux de sa stratégie.

Valoriser l’éducation

« On va continuer de s’occuper de l’éducation parce que l’avenir, ce sont nos enfants! », a d’emblée prononcé le premier ministre réélu, rappelant ses intentions d’investir en la jeunesse et de valoriser l’éducation pour assurer un meilleur avenir pour le Québec, une aspiration qui est aussi celle de la communauté des affaires, de l’innovation et de la recherche.

Car comme l’indiquait le ministre Pierre Fitzgibbon, aussi réélu dans sa circonscription, en entrevue avec CScience, « Il faut démocratiser la science et l’innovation, et en faire la valorisation en éducation. Les jeunes sont un peu sceptiques quant aux bénéfices de la recherche pour la société. Il faut qu’ils aient de bons professeurs et de bonnes écoles. »

« On a une opportunité exceptionnelle de transformer notre économie pour faire du Québec un des leaders au monde en économie verte. C’est vraiment possible, ce n’est pas seulement un discours. On peut s’enrichir et réduire nos GES (…) »

– François Legault, premier ministre du Québec

1. Collaborer avec les enseignants au développement de l’EdTech

Pour le gouvernement, cette valorisation passe notamment par l’EdTech (nouvelles technologies permettant de faciliter l’enseignement et l’apprentissage), puisque des millions de dollars ont été investis dans le secteur afin de propulser les solutions développées en partenariat avec des fleurons québécois en matière d’intelligence artificielle (IA). Pensons à l’Institut québécois d’intelligence artificielle (Mila), l’Institut de valorisation des données (IVADO), l’Observatoire international sur les impacts sociétaux de l’intelligence artificielle et du numérique (OBVIA), ou encore la GRICS, une entreprise de technologie de l’information spécialisée en éducation au Québec. La CAQ entend d’ailleurs poursuivre sur cette voie et tenir sa promesse de créer la plateforme Clic École, un nouvel outil numérique centralisant les opérations telles que la gestion des absences, calendriers, documents et bulletins.

À long terme, le premier défi sera de renforcer l’intérêt des jeunes pour la science et la technologie, et de positionner les enseignants au centre du développement de l’EdTech, afin que les professeurs soient plus impliqués dans le processus, et puissent mieux orienter les objectifs de ces innovations. Comme le remarque Caroline Brais, enseignante de mathématiques à l’École La Graduation, plus de technologie ne veut pas toujours dire moins de travail, ni meilleur enseignement : « Lorsqu’on veut attaquer les problèmes des élèves, on a tendance à moins s’attarder aux besoins des enseignants, qui devraient pourtant être au centre des préoccupations. Répondre aux besoins du professeur, c’est répondre à ceux de ses élèves. Demandez-nous ce qu’on en pense, demandez aux enseignants s’ils se sentent bien quant aux nouvelles façons d’enseigner. Car même si la dernière trouvaille en matière d’EdTech est recommandée pour enseigner à l’ère du numérique, ultimement, si elle ne convient pas au professeur qui devra l’intégrer, ça ira mal. »

2. Former et mobiliser stratégiquement la relève

L’enjeu sera aussi d’inciter les étudiants à s’orienter vers des domaines qui manquent de relève : pensons à l’informatique et à la cybersécurité, ou encore à des secteurs où le manque de main-d’œuvre qualifiée nuit à la croissance et à l’innovation des entreprises. Investir dans le développement de technologies de l’IA qui proposent d’automatiser certaines tâches, tantôt administratives, tantôt répétitives, tout en démocratisant ces solutions auprès d’un plus large bassin de PME et d’organismes, pourrait, selon plusieurs experts de la donnée, contribuer à cet essor.

Rappelons que l’une des promesses de la CAQ est de moderniser et valoriser la formation professionnelle en investissant 348 M$ au cours de ce nouveau mandat, pour former 30 000 diplômés supplémentaires en formation professionnelle dans les secteurs névralgiques de l’économie.

Reposer sur une économie verte

Au chapitre de l’économie responsable, M. Legault ne s’est pas gardé de souligner le potentiel du Québec en matière d’innovation verte : « L’enjeu le plus pressant pour les Québécois, c’est la situation économique (…) Il faut continuer de créer de la richesse au Québec (…) On a une opportunité exceptionnelle de transformer notre économie pour faire du Québec un des leaders au monde en économie verte. C’est vraiment possible, ce n’est pas seulement un discours. On peut s’enrichir et réduire nos GES, et on a un devoir de les réduire et éventuellement, de les éliminer, parce qu’il faut contribuer à l’effort qui doit être fait partout sur la planète pour lutter contre les changements climatiques. On doit cela, justement, à nos enfants. Et pour réussir cet immense projet économique et écologique, on va avoir besoin de tous les bras, de tous les cerveaux, et j’entends le message des jeunes. Je veux travailler avec toutes les générations pour réussir ce projet, qui va marquer l’histoire du Québec. »

La CAQ a d’ailleurs pour objectif d’investir dans ce qu’elle qualifie de « zones d’innovation », soit d’expertise : la filière de la batterie avec Alstom, la filière de l’hydrogène, les centres de recherche et l’aluminium vert.

Humaniser la santé

Pour son autre « grande priorité » et non la moindre, la santé, M. Legault a déclaré dans son discours qu’il voulait en « humaniser » le réseau. La CAQ compte investir 900 M$ pour donner « un important coup de barre dans les soins et services à domicile », répondre au souhait des personnes âgées de demeurer le plus autonomes possible chez elles, et le plus longtemps possible.

Pour ce faire, la CAQ entend bonifier les soins et encourager les innovations visant à créer des environnements sécuritaires, solution pour laquelle le milieu de la recherche a développé une expertise au Québec, multipliant les projets en intelligence artificielle. Pensons au projet de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal, ou encore à celui que pilote le consortium de recherche Conscio Alliance, impliquant l’usage de capteurs intelligents placés dans l’environnement des personnes âgées ayant des troubles cognitifs, pour renforcer leur sécurité par la reconnaissance du mouvement, d’objets et d’actions, la détection de chutes ou encore d’incendies.

Crédit Image à la Une : François Legault, Twitter