FIFA 2022 : une Coupe du monde de soccer sous haute surveillance technologique

FIFA 2022 : une Coupe du monde de soccer sous haute surveillance technologique

Les innovations technologiques ont fait une incursion sans précédent dans un tournoi international de soccer, la FIFA World Cup 2022 au Qatar. Arbitrage assisté par vidéo amélioré, hors-jeu modélisé, puce électronique dans le ballon pour détecter son impact avec le joueur, collecte de données sur les performances des joueurs… la modélisation du football est en marche.

Ce 1er décembre, à la 51ème minute du match Japon-Espagne, le japonais Kaoru Mitoma redresse un ballon qui semblait sortir, centre en retrait pour son coéquipier Ao Tanaka qui marque. L’Espagne est battue et l’Allemagne (3ème du groupe E) est éliminée.

Sans une puce cachée dans le ballon et des dizaines de caméras, le sort de la « Mannschaft » aurait été tout autre. Mais voilà, la VAR (video assistant referee c.a.d. assistance vidéo à l’arbitrage) veille sur les 64 matchs de cette Coupe du monde 2022. Les arbitres ont conclu que le ballon n’avait pas entièrement franchi la ligne et qu’il restait donc en jeu.

Sur twitter, la FIFA justifie la décision, vidéo à l’appui : « D’autres caméras peuvent montrer des images trompeuses mais d’après les preuves disponibles, le ballon n’était pas entièrement sorti du jeu ». En effet, le ballon doit entièrement franchir la ligne pour sortir du jeu (circonférence incluse).

LA VAR, MECQUE DE L’ARBITRAGE VIDEO

La VAR, dont la première utilisation remonte à 2018, ressemble à une salle de régie de télévision. Ses multiples écrans dissèquent le jeu, sous la supervision d’un arbitre officiel de la FIFA et de trois arbitres assistants.

C’est la compagnie britannique, Hawk-Eye Innovations Limited, appartenant à Sony Sports Innovations Group, en affaires depuis 2001, qui a été mandatée pour ce dispositif à Doha.

Cette année, la VAR est complétée par « Al Rihla », le ballon officiel de la Coupe du Monde 2022, dont le capteur de mouvements géospatial de 500 Hz, niché en son cœur, envoie 500 fois par seconde des données à la VAR pour détecter précisément sa position et l’instant où le joueur touche le ballon.

29 points du corps du joueur sont géolocalisés dans l’espace ainsi que le ballon, grâce à son capteur interne (crédit: FIFA)

Voir la vidéo sur le site de la FIFA

Pas moins de 42 caméras scrutent le jeu, dont huit en « super slow motion » et quatre en « ultra slow motion » pour percevoir l’intensité de la faute.

Douze caméras détectent, combinées au ballon connecté, les hors-jeux de manière semi-automatisée. La technologie, assistée par l’IA, analyse 50 fois par seconde 29 points du corps du joueur et détecte si l’une d’elle se trouve hors-jeux. L’information est disponible instantanément, la VAR n’a plus qu’à transmettre à l’arbitre de champs.

Quatorze caméras rapides sont capables d’indiquer à l’arbitre en une seconde, si le ballon a franchi complètement la ligne de but (goal-line technology en pratique depuis 2014); dans ce cas, l’arbitre reçoit l’indication « goal » sur sa montre connectée.

Le dispositif de 42 caméras autour des terrains de soccer durant la FIFA World Cup 2022 au Qatar (crédit: FIFA)

Des opérateurs vidéo assistent l’équipe arbitrale de la VAR pour fournir les meilleurs angles des images. Les données de ces caméras sont utilisées pour créer des animations en 3D que les téléspectateurs peuvent visualiser sur leur télévision et les supporters sur les écrans du stade, après la décision de l’arbitre.

L’arbitre canadien Drew Fischer fut l’un des plus actifs Officiels de la VAR lors de cette Coupe du monde.

LA VAR INCONTESTABLE ?

La « main de Dieu » de Maradona n’aurait jamais pu qualifier l’Argentine contre l’Angleterre en 1986 avec ce dispositif (Diego Maradona marque le 2e but de l’Argentine avec la main, l’arbitre ne l’a pas vu et pense qu’il marque de la tête).

Pourtant, les détracteurs de la VAR, dont l’ancien numéro 10 français Michel Platini, l’accuse de dénaturer le jeu et de nuire à sa continuité, mais concède qu’on ne reviendra pas en arrière.

À l’inverse, le célèbre arbitre italien Pierluigi Collina, considéré comme le meilleur arbitre du monde, salue ces avancées technologiques:

« Nous savons que, parfois, le processus de vérification d’un éventuel hors-jeu prend trop de temps, surtout lorsque cela se joue à quelques centimètres. C’est là que la technologie semi-automatisée de détection du hors-jeu s’avère cruciale : pour permettre des décisions plus rapides et plus précises. »

– Pierluigi Collina – Président de la commission des arbitres de la FIFA

La FIFA précise que la VAR « soutient le processus de décision » de l’arbitre de champ et « vérifie constamment les erreurs claires et évidentes » qui pourraient changer le match : fautes pouvant mener à un but, fautes pouvant engendrer un pénalty, incident direct engendrant un carton rouge. Rien de plus… D’ailleurs, lors du match France-Angleterre, l’arbitre ne siffle ni penalty, ni coup-franc suite à une faute du Français Upamecano sur l’avant-centre anglais Kane. Pourtant, la faute est évidente, mais commise en dehors de la surface de réparation.

L’arbitre de champ, équipé d’un casque et d’un micro communique en permanence par radio avec la VAR; il dispose d’un écran vidéo au bord du terrain qui lui permet de visualiser l’action litigieuse et de rendre sa décision. Il reste le décideur final.

Néanmoins, même si les joueurs s’agglutinent moins autour de l’arbitre pour contester une décision, les recours des fédérations pourraient être plus nombreuses: la Fédération française de football (FFF) a contesté auprès de la FIFA, l’annulation du but égalisateur inscrit par Antoine Griezmann contre la Tunisie et invalidé par la VAR après le coup de sifflet final.

Aujourd’hui la Fédération marocaine a annoncé, dans un communiqué, avoir adressé « une correspondance à l’instance compétente dans laquelle elle revient sur les situations arbitrales ayant privé la sélection marocaine de deux penalties incontestables de l’avis de plusieurs spécialistes de l’arbitrage », dans son match de demi-finale contre la France.

MODELISER LA PERFORMANCE DES JOUEURS

Mais les innovations technologiques ne s’arrêtent pas à l’arbitrage. Durant cette Coupe du Monde 2022, la FIFA collecte et partage les « données de performance et indicateurs les plus modernes de l’histoire de la compétition avec les téléspectateurs du monde entier », ainsi qu’avec les joueurs et les équipes nationales.

Ce projet, intitulé « intelligence augmentée dans le football », est piloté par le Français Arsène Wenger, Directeur du Développement du Football Mondial de la FIFA, mythique entraîneur d’Arsenal FC durant 22 ans, mais aussi de l’AS Monaco.

L’application mise à disposition des joueurs à leur arrivée au Qatar pour analyser leur performance. (crédit: FIFA)

À leur arrivée au Qatar, les joueurs ont reçu un code QR unique leur permettant de se connecter à l’application FIFA Player, utilisée pour la première fois lors de cette coupe du monde.

Chaque joueur peut ainsi accéder à ses données de performance individuelles quelques minutes après le match. Selon la FIFA, l’application a été adoptée par 400 joueurs. Le capitaine croate Luka Modric a plébiscité l’application : « Elle permet de prendre conscience des maladresses qu’on a pu commettre pendant le match (…) À l’aide de cette appli, je peux examiner l’erreur que j’ai commise à un moment précis et essayer de la corriger à la prochaine occasion. »

Selon la FIFA, « Les informations recueillies comprennent des données footballistiques avancées, par exemple la nature des mouvements réalisés par un joueur en vue de recevoir le ballon, des données de performance physique collectées via un système de suivi très précis, et des données avancées d’intelligence footballistique compilées par l’équipe Analyse des Performances et Tendances de la FIFA. »

« Le concept d’intelligence augmentée dans le football définira l’approche avec laquelle nous analyserons dorénavant le football. »

– Arsène Wenger – Directeur du Développement du Football Mondial de la FIFA

Lors de cette Coupe du Monde, onze nouveaux indicateurs viendront enrichir la base de données de la FIFA : · Possession, Temps de récupération du ballon, Lignes cassées, Hauteur de la ligne défensive et longueur du bloc équipe, Incursions dans les 30 derniers mètres, Pertes de balle forcées, Pression sur le ballon, Expected goals (buts attendus), Positionnement des équipes, Réceptions du ballon derrière le milieu de terrain et la défense, Phases de jeu.

« Nous souhaitons partager notre vision, basée sur l’analyse des données du football et sur leur interprétation par des spécialistes techniques, pour créer une compréhension du jeu inédite et ainsi permettre à chacun de mieux appréhender le football », a justifié Arsène Wenger.

De quoi faire de chaque supporter un sélectionneur en puissance…

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Crédit Image à la Une : La VAR de la Coupe du Monde 2022, FIFA