Départ annoncé de la PDG d’Hydro-Québec : une mission à poursuivre

Départ annoncé de la PDG d’Hydro-Québec : une mission à poursuivre

La présidente et directrice générale d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, vient d’annoncer qu’elle quittera ses fonctions le 11 avril prochain, deux ans avant la fin de son mandat, l’un des plus courts depuis les années 1970.

Mme Brochu était entrée en poste en avril 2020 en tant que première femme à la tête d’Hydro-Québec. Dans une lettre adressée à l’ensemble des employés de la société d’État, publiée sur ses canaux, elle décrit être « arrivée (…) alors que le Québec était frappé de plein fouet par la pandémie de COVID-19 : la situation économique et sociale était hautement préoccupante et je me suis sentie interpellée. J’ai humblement pensé que je pouvais servir le Québec, qui traversait alors une période de turbulence. Le tumulte lié à la pandémie est en grande partie derrière nous et Hydro-Québec se trouve aujourd’hui en bonne posture : nous nous sommes dotés d’un plan stratégique qui trace la voie de la transition énergétique du Québec et la situation financière de l’entreprise est excellente. »

Des divergences avec le gouvernement

Dans sa lettre d’au-revoir, Mme Brochu déclare que « Le moment est venu de passer le flambeau », sans préciser la raison exacte de son départ, laissant place à la spéculation quant à un désaccord sans issu avec le gouvernement.

« Le moment est venu de passer le flambeau. »

– Sophie Brochu, PDG d’Hydro-Québec

Notons qu’à peine un mois et demi avant cette nouvelle, le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, avait exprimé sa volonté d’atteindre une plus grande sobriété énergétique, après avoir mis de l’avant d’autres propositions : la tarification dynamique ou modulée et la réduction du chauffage au moment de la journée où les habitants d’un domicile ne sont pas à la maison.

À l’automne dernier, Mme Brochu avait laissé entendre qu’elle considérait déjà quitter son poste si le gouvernement imposait la mise en place de projets énergivores, puis s’était rétractée.

Sur les réseaux sociaux, le ministre a salué la contribution de la future ex-PDG d’Hydro : « Merci Sophie Brochu. Tu es une leader naturelle et dynamique, une inspiration pour plusieurs. Merci pour ta contribution au secteur public. Je suis certain que tu continueras d’influencer et de tracer la voie pour de nombreux décideurs de demain. »

Une transition qui passe par le virage numérique

En un court mandat, Sophie Brochu aura certainement laissé sa marque en martelant un message, défendant une stratégie énergétique axée sur la décarbonation de l’économie et les énergies vertes.

Dans le plan stratégique 2022-2026 d’Hydro-Québec, la PDG donnait sa vision d’une « décarbonation de notre économie (qui reposerait) en bonne partie sur notre capacité à faire évoluer notre système électrique, lequel fait déjà l’envie du monde parce qu’il est fortement intégré et que notre électricité est propre à plus de 99 %. Nous sommes en marche vers un système énergétique encore plus global. Un système capable de produire, de transporter et de distribuer davantage d’électricité renouvelable issue de sources diversifiées. Un système doté des technologies de pointe qui donneront notamment à chaque consommateur ou consommatrice le pouvoir d’agir pour faire une utilisation efficace de l’énergie. Un système dont les coûts demeureront parmi les plus compétitifs de l’Amérique du Nord. »

La stratégie ciblait trois axes : le remplacement progressif des énergies fossiles par des énergies renouvelables à faible empreinte carbone, le virage numérique, « qui met à profit les nouvelles technologies pour optimiser l’exploitation des réseaux électriques et la consommation d’énergie », et la décentralisation, « grâce à laquelle la clientèle peut jouer un plus grand rôle dans la production d’énergie renouvelable et la gestion de la consommation ».

Une mission à poursuivre

Mme Brochu quittera son poste en même temps que la présidente de son conseil d’administration, Jacynthe Côté, dont le mandat se terminera en mai 2023. Rappelons que la Loi sur Hydro-Québec prévoit que la nomination du PDG doit faire l’objet d’une décision du Conseil des ministres. Selon les informations communiquées par Hydro-Québec, son Conseil d’administration « a joué son rôle et est ainsi en mesure de recommander des candidats et candidates au gouvernement du Québec ». Qui sera son successeur ? Qui poursuivra cette mission laissée en héritage ? Quelle sera son approche pour faire face à la crise énergétique attendue ?

En octobre dernier, l’alliance du projet « Chemins de transition », formée par l’Université de Montréal et la fondation Espace pour la vie, publiait un rapport ainsi que plusieurs recommandations visant à faire converger la transition énergétique avec celle du numérique. L’un de ses porte-paroles, Martin Deron, avait fait valoir l’importance d’une discussion ouverte et active avec la population : « Avec de plus en plus de projets, de serveurs et de réseaux de communication, comment fait-on si on a une crise énergétique, même temporaire ? Ce qu’on dit, c’est qu’il faut entamer cette discussion publique avec toutes les parties prenantes de la société, pas juste au sein du gouvernement, parce qu’il faut que la population réalise que le numérique dépend de plein d’éléments dont la pérennité n’est pas garantie. »

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Crédit Image à la Une : Sophie Brochu, Hydro-Québec