Prévenir les échecs et prédire la réussite des élèves avec DALIA

Prévenir les échecs et prédire la réussite des élèves avec DALIA

DALIA, une nouvelle application intelligente, vient à la rescousse des professionnels en pédagogie pour mieux guider les étudiants dans leur parcours. Entre inquiétude et fascination, comment appréhender les effets de cet outil en milieu académique ?

L’apparition de ce nouvel instrument pédagogique dans les cégeps québécois suscite effectivement son lot d’inquiétudes. Et bien qu’elles soient, pour la plupart, justifiées, ces craintes concernent à la fois les étudiants, soucieux du respect de leur vie privée, et les professionnels, qui redoutent d’être remplacés par l’IA.

D’un côté, DALIA semble n’être qu’une technologie de plus qui contribue à renforcer l’aspect de surveillance lié à l’intelligence artificielle. De l’autre, l’outil fascine par son efficacité et sa rapidité d’exécution, qui rendent les prévisions plus probantes que jamais.

Un outil pour accélérer des processus déjà existants

La compagnie québécoise Optania a conçu l’application DALIA sous forme d’Interface de Suivi Académique (ISA). Puis, en partenariat avec la société Skytech, qui a développé la plateforme Omnivox, présente dans de nombreux établissements scolaires du Québec, Optania a implanté DALIA et entrepris son prototypage, entre autres, au Collège Ahuntsic.

« En tant que professeur et concepteur du logiciel, j’ai à cœur la réussite des étudiants, c’est ma vocation! »

Louis-Raphael Tremblay, président d’Optania

En continuité avec les procédés déjà utilisés par les aides pédagogiques individuelles (API) dans les cégeps du Québec, « DALIA n’utilise pas de nouvelles données pour son analyse, précise en entrevue Louis Dugal, conseiller en gouvernance au Collège Rosemont. DALIA accélère seulement des processus déjà existants. »

« Ce n’est que le prolongement d’une stratégie qui est appliquée depuis 15 ans, affirme quant à lui Louis-Raphael Tremblay, président d’Optania, également rencontré en entrevue par CScience. DALIA ne fait que lever le drapeau plus rapidement qu’avant et de manière plus précise », ajoute-t-il.

Les procédés de DALIA

Lilian Lopez. (Photo : LinkedIn)

La moyenne des étudiants est utilisée comme indicateur principal dans l’analyse prédictive des risques d’échec ou d’abandon. « Un procédé déjà suivi par les API », précise Louis Dugal, mais qui sera automatisé par DALIA, pour augmenter l’efficacité des prédictions.

L’application émet 2 prédictions distinctes : (1) le risque d’abandon d’un élève, et (2) le risque d’échec d’un élève.

Elle permet alors de prédire les probabilités de « quitter le collège », d’ « échouer à un cours » ou encore d’ « échouer à toute une session », qui sont reliées à un élève. Le but est « d’améliorer la persévérance afin que chaque élève réussisse ses cours », déclare Lilian Lopez, conseillère au développement du Regroupement des Cégeps de Montréal (RCM), en entretien avec CScience.

Les craintes de stigmatisation

L’objectif principal de DALIA est de prévenir le décrochage scolaire. Mais cette pieuse mission entraîne également des craintes de stigmatisation de la part des étudiants interrogés dans un atelier de délibération mené en partenariat avec l’équipe d’Algora-Lab. En effet, quelques étudiants volontaires du Collège Rosemont ont exprimé leurs inquiétudes devant des failles possibles du système.

« Que fait-on des programmes qui évoluent ? L’application tient-elle compte des cours désuets ? Va-t-il y avoir des fossés entre les différents programmes ? », se demandent les étudiants. Ils s’interrogent, entre autres, sur la contextualisation des données. « Comment reconnaître les stages, les programmes sport-études et les équivalences de diplômes entre pays ? »

Les défis de DALIA

Les données privées et la surveillance

Mme Lopez nous confie ses espoirs face à l’implantation de cette nouvelle application. Elle précise que l’utilisation de DALIA dans les Cégeps a été approuvée par un Comité d’éthique ayant signé la Déclaration de Montréal et par le Comité de la réussite scolaire. Le projet a été entériné par des avocats et respecte la Loi 25 et le Projet de Loi 64 sur la protection des données.

« DALIA poursuit le désir de suivre la réussite scolaire, en offrant une aide plus rapidement. »

Lilian Lopez, Conseillère au RCM

En vue de bien protéger les renseignements personnels utilisés par DALIA, les données utilisées sont anonymisées. L’anonymisation est un procédé de protection des données qui a ses limites, mais qui reste actuellement préconisé par les institutions gouvernementales afin de brouiller les pistes et de détacher les données de leur identité initiale, ici l’élève. Par ailleurs, « les données sont détruites après le parcours de l’élève », précise Mme Lopez.

Les lacunes du système et le problème de la mise en contexte

Afin d’assurer au mieux la validité des prévisions, les données utilisées par des applications intelligentes doivent être soigneusement recueillies, identifiées et catégorisées. Car, des erreurs peuvent se produire dans l’étiquetage des données vers des indicateurs de performance. Non seulement les données, mais les attributions peuvent être biaisées. Ainsi, un travail minutieux doit être fait pour éviter les erreurs ou les lacunes.

« DALIA prend-il en considération les activités parascolaires de l’élève, ses efforts d’amélioration, après que la prédiction ait été faite ? »

Élève du Collège Rosemont lors d’un atelier de délibération

Le président d’Optania nous affirme que « le logiciel n’est pas malveillant ». Mais, comme les humains, les machines sont malveillantes parfois par ignorance. DALIA pourrait se tromper par manque de mise en contexte, comme l’ont mentionné les étudiants du Collège Rosemont.

Ces derniers évoquent alors la diversité liée « aux étudiants possédant des diplômes étrangers, aux étudiants avec des troubles d’apprentissage, à ceux qui rencontrent des problèmes à la maison », et la liste est longue ! Une diversité qui ne serait pas prise en compte par des probabilités simplement liées aux moyennes, et qui ne seraient pas suffisamment contextualisées.

Le remplacement des emplois par l’IA

Pour Louis-Raphael Tremblay, ce nouvel outil pédagogique « permettra aux intervenants d’avoir davantage de temps de qualité pour intervenir auprès des jeunes. En se débarrassant de l’entrée de données sur de nombreux fichiers Excel, l’automatisation des analyses va libérer les professionnels des tâches administratives, et leur permettre d’améliorer leurs interventions pédagogiques auprès des étudiants. »

Par ailleurs, l’outil « ne va pas jusqu’à la prescription automatisée. C’est l’API qui donnera le jugement », ajoute le président d’Optania.

Aussi pédagogique et fascinante en soit sa mission, DALIA inquiète, tout de même, les principaux concernés. Bien que les étudiants interrogés aient exprimé des réticences à son égard, l’application DALIA semble rencontrer les objectifs d’aide à la réussite. Puisque les lois l’autorisent, ce sera donc à la société et aux apprenants de juger de ses biens-fondés, durant le prototypage.

DALIA se fera ainsi présente, peu à peu, dans la plupart des cégeps du Québec, et sera mise à l’essai cet hiver.

À lire également :

CScience Le Mag

Crédit Image à la Une : fauxels, Pexels