Science des données : la communauté scientifique noire lance un appel à la relève issue de la diversité

Science des données : la communauté scientifique noire lance un appel à la relève issue de la diversité

La science des données revêt de plus en plus d’importance dans le développement de nos sociétés. Cette discipline très récente percole aujourd’hui dans de nombreux domaines professionnels et dans toutes les communautés du Québec. À l’occasion du Mois de l’Histoire des Noirs, HEC et l’Institut Ivado avaient réuni, ce 8 févier 2023, un panel de quatre scientifiques noirs, aux parcours très différents, qui ont relaté leur expérience et surtout, l’apport de la diversité dans cette discipline d’avenir.

« C’est un sujet qui s’impose à nous », lance Ekué Séssi Afanou. Diplômé de l’université McGill, ce financier qui a travaillé dans des institutions financières en France, occupe aujourd’hui le poste de directeur en analyse de données chez KPMG. Il y voit des opportunités pour les entreprises qu’il conseille, mais aussi un outil pour améliorer la vie des gens, comme l’amélioration du délai de diagnostic d’un cancer.

Fadjiah Jade Collin-Mazile, scientifique des données chez CoinList. (Photo : Nathalie Simon-Clerc)

« Les scientifiques de données doivent avoir la capacité d’apprendre, de désapprendre et de réapprendre »

– Fadjiah Jade Collin-Mazile, scientifique des données chez Shopify et CoinList

Parce que cette discipline est en perpétuel changement, Fadjiah Jade Collin-Mazile, scientifique des données chez Shopify puis chez CoinList, ajoute, un brin amusée : « On a tous complété nos compétences sur Google ». Elle estime que « Les scientifiques de données doivent avoir la capacité d’apprendre, de désapprendre et de réapprendre ».

« Être un scientifique de données exige une grande curiosité », selon Bonaventure Dossou, doctorant au Centre de recherche sur les machines intelligentes à l’université McGill. De la curiosité, le jeune scientifique n’en manque pas puisqu’il a étudié en Russie et en Allemagne, et a travaillé à l’Institut québécois d’intelligence artificielle (MILA), chez Google Research, chez Roche Canada et Modelis.

Ramatoulaye Sow est scientifique de données chez Cossette; elle a rencontré cette discipline presque par hasard; un artiste en herbe lui a demandé de prédire le nombre de vues sur YouTube. En 2021, elle fonde l’agence The Study, « pour aligner les innovations culturelles avec la stratégie et l’analyse des données ».

LE CONTINENT AFRICAIN, OUBLIÉ DES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES

Les panélistes ont également insisté sur l’importance de l’apport de la diversité dans les sciences des données.

C’est pour briser la barrière du langage avec sa mère au Bénin, que Bonaventure Dossou s’intéresse aux langues africaines; il travaille notamment sur des systèmes de traduction automatique multilingues (MMTAfrica), des systèmes de reconnaissance vocale multilingues (okugbe) et des modèles linguistiques (AfroLM) pour les langues africaines.

Car tous s’accordent à dire que l’Afrique est le continent oublié des innovations technologiques occidentales. Par exemple, Chat GPT n’est pas accessible dans certains pays d’Afrique, comme le Cameroun, meme si le célèbre robot conversationnel affirme le contraire.

« Plutôt que passer du temps à s’amuser, allez vous former sur ces plateformes », suggère M. Afanou. Pour développer leurs compétences, les jeunes Africains peuvent accéder à des plateformes telles que Kaggle, créer ou rejoindre des réseaux de scientifiques des données, tels que Zindi. Le directeur en analyse de données chez KPMG suggère de s’emparer de sujets proches qui les touchent, comme l’agriculture, la santé ou l’éducation.

Les panélistes ont toutefois souligné les obstacles qui se dressent devant les développeurs africains. « Ce sont souvent les opportunités qui manquent, avoir accès à des entreprises comme Mila ou KPMG », se désole Rama Sow. « Pour créer une startup, il faut avoir accès au capital, à l’entrepreneuriat, participer à des missions commerciales, ce qui est difficile en plein milieu de l’Afrique », renchérit Fadjiah Collin, avant d’ajouter : « Face à ça, des diplômés d’Harvard ou du MIT vont développer des solutions pour l’Afrique sans aucunes connaissances du terrain ».

FAIRE PARLER LA DIVERSITÉ AU QUÉBEC

Au Québec également, les scientifiques ont incité les jeunes à « occuper les espaces » pour faire parler la diversité. « On a besoin d’une diversité de perception, d’une diversité de pensées, (…) d’une intelligence qui se distingue du groupe majoritaire », milite Fadjiah Collin. Elle est impliqué sur plusieurs conseils d’administration et promeut la diversité en technologie pour réduire les biais dans les algorythmes. « Les jeunes de la diversité doivent s’intéresser à ce domaine et s’y former, car la science de données c’est le miroir de l’intelligence humaine »

« Les jeunes de la diversité doivent s’intéresser à ce domaine et s’y former, car la science de données c’est le miroir de l’intelligence humaine »

– Ekué Séssi Afanou, financier

Bonaventure Sossou est plus optimiste : « nos actions, nos succès vont parler d’eux-mêmes; les gens recherchent avant tout le profit ». Il insiste sur la nécessité de partager les mêmes valeurs que l’entreprise. M. Afanou nous met toutefois en garde : « il ne faut pas porter le poids de tous ces enjeux, et ne pas hésiter à fermer les portes » si les valeurs de l’entreprise diffèrent des vôtres.

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Crédit Image à la Une : Nathalie Simon-Clerc