[OPINION] Entrepreneuriat au féminin et accompagnement : des obstacles dans plusieurs secteurs

[OPINION] Entrepreneuriat au féminin et accompagnement : des obstacles dans plusieurs secteurs

La proportion de femmes qui se lancent en affaires au Canada ne cesse de croître depuis plusieurs décennies et leur apport au tissu économique et social demeure important. Or, le réseau du Portail de connaissances pour les femmes en entrepreneuriat (PCFE) reconnaît que les entrepreneures doivent encore surmonter de multiples obstacles au sein de l’écosystème et font toujours face à de grandes inégalités de genre.

Par exemple, on a observé que la pandémie avait entraîné des répercussions disproportionnées sur les femmes et les secteurs d’activités où ces dernières sont très présentes. Celles-ci font aussi l’objet de stéréotypes et de préjugés, ancrés et systémiques, liés à l’entrepreneuriat, qui influencent l’orientation des politiques, des programmes de financement et d’accompagnement et les perceptions individuelles des capacités et des possibilités.

« (…) tout comme leurs homologues canadiennes, les Françaises en affaires sont beaucoup moins nombreuses que les hommes à œuvrer dans les secteurs d’activité de la construction, de la technologie et de l’industrie (réparation et installation de machines et d’équipements), entre autres. »

L’analyse comparative France-Canada

Des secteurs loin de la parité

Le constat est sensiblement le même en France; d’après le baromètre Infogreffe, le pourcentage d’entreprises ayant été créées par des femmes en 2021 s’élève à 32,3 %. C’est encore loin de la parité, et tout comme leurs homologues canadiennes, les Françaises en affaires sont beaucoup moins nombreuses que les hommes à œuvrer dans les secteurs d’activité de la construction, de la technologie et de l’industrie (réparation et installation de machines et d’équipements), entre autres. La féminisation de l’entrepreneuriat est contrée par un cumul de freins observables des deux côtés de l’Atlantique : capital-investissement masculin, possibilités de réseautage limitées, manque de modèles à imiter et de visibilité publique et médiatique, etc.

L’accompagnement

Heureusement, les écueils à l’entrepreneuriat féminin sont de plus en plus connus et les dispositifs d’accompagnement (mentorat, coaching, incubation et accélération, maillage, financement) dédiés aux femmes en affaires se font plus nombreux. Au Canada, l’organisation caritative Le Forum se donne comme mission de permettre aux femmes de réussir et de prospérer en facilitant leur accès aux ressources dont elles ont besoin, incluant le capital financier, humain et social. Depuis sa fondation en 2002, cette organisation, qui a soutenu plus de 10 000 entrepreneures, s’est engagée à mieux outiller les femmes entrepreneures
pour donner vie à leurs ambitions.

Le Forum propose une offre variée de service, allant des ressources gratuites comme un balado, des rencontres virtuelles hebdomadaires et des cours en ligne, aux programmes variés de mentorat et d’éducation en affaires. À la lumière de l’état des lieux en matière d’accès au financement pour les entrepreneures, l’organisme de bienfaisance canadien s’affaire aussi à
favoriser des changements pour mettre un frein aux préjugés systémiques qui demeurent saillants. Son programme de certification « AFIA DEI », notamment, vise à identifier les biais dans les modèles de financements actuels et encourager les bailleurs de fonds à mener des actions concrètes afin d’inspirer une croissance accélérée pour les entrepreneures, en particulier pour les femmes noires ou autochtones, les femmes racisées et les membres des communautés 2SLGBTQ+.

Du côté de l’Hexagone, WILLA est un acteur clé de la féminisation de l’innovation en France. Cette ambition s’articule autour de deux axes : la première porte sur l’incubation d’entreprises ayant au moins une femme fondatrice ou cofondatrice et offre une quinzaine de programmes d’accompagnement et de formation, la deuxième concerne la sensibilisation du public sur
l’importance de la diversité chez les personnes entrepreneures (âge, origine, orientation sexuelle, genre, etc.). Chaque année, WILLA accompagne plus de 500 femmes et 120 jeunes pousses issues de tous les secteurs technologiques et sensibilise des milliers de personnes durant ses événements et ses interventions publiques.

WILLA et Le Forum poursuivent des objectifs similaires, dans leurs contextes socioéconomiques respectifs. L’implication d’une communauté large et active est un enjeu essentiel pour ces organisations car seul un soutien public solide peut garantir leur existence et leur développement à long terme.

Bien du travail reste à abattre pour renverser les lourdes tendances aux inégalités de genre dans les écosystèmes entrepreneuriaux. Le Forum et WILLA recommandent la mise en place de forums d’échanges homogènes où les femmes se sentent en sécurité et en confiance, et dans lesquels elles oseront s’exprimer librement, tout en obtenant des outils concrets pour
faire croître leur entreprise. En outre, il demeure essentiel d’éduquer les publics sur l’unicité des besoins et des réalités des femmes entrepreneures, notamment au regard de leurs responsabilitésfamiliales généralement plus grandes, ou des biaisinsidieux auxquels ellesfont face. Enfin, l’accès au capital qui s’aligne avec les valeurs et leur vision de la croissance est
souvent le talon d’Achille des projets entrepreneuriaux portés par les femmes ; il est donc essentiel d’offrir des programmes d’accompagnement à très faibles coûts et d’accroître le soutien financier qui leur est spécifiquement destiné, idéalement par le biais de programmes pérennes et de partenariats avec des organismes de financement.


Cette tribune corédigée par Mélodie Gingras, directrice des programmes et de communauté de Le Forum, Paulina Cameron, PDG de Le Forum et Flore Egnell, déléguée générale de WILLA, s’intègre dans le cadre du rapport ABEONA publié par La French Tech Toronto, La French Tech Grand Paris et la CCI Française au Canada avec le soutien de l’Ambassade de France au Canada,
TD, Willa, Zenika Canada, Crédit Mutuel Equity, Mitacs, Makila AI, Toronto Region Board of Trade (chambre de commerce de la région de Toronto) et Zone franche.

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https://www.cscience.ca/2023/03/08/lancement-dabeona-network-pour-linclusion-des-femmes-en-innovation/

Crédit Image à la Une : ThisIsEngineering