Des étudiants qui vont « jusqu’au ciel » pour apprendre les sciences

Des étudiants qui vont « jusqu’au ciel » pour apprendre les sciences

Concevoir, construire et lancer à 200 mètres d’altitude une fusée sans briser l’œuf qui se trouve à l’intérieur ? C’est le défi peu orthodoxe que propose le cours « Rocket Science » du Collégial Sainte-Anne de Lachine. Mené pour une deuxième session par les enseignants Khash Afshar et Lee Zentner, le cours marie l’utile à l’agréable pour créer un enseignement plutôt hors norme.

« Nous souhaitions créer un cours que nous aurions nous-même aimé suivre, et qui touche à des aspects qui ne sont pas dans le reste du programme », lance d’entrée de jeu le professeur Khash Afshar. Passionné de pédagogie et de biochimie, il a créé avec le professeur Lee Zentner « Rocket Science », un cours intensif de huit semaines qui inclut des notions de génie, biologie, chimie, mathématiques et programmation.

Khash Afshar et Lee Zentner. (Photo : Collégial Sainte-Anne)

La pratique au cœur des apprentissages

Si le cours enseigne des notions théoriques, il s’articule surtout autour du côté pratique : « L’enseignement magistral fonctionne pour certaines personnes, mais pas pour tout le monde. Je trouve que dès que l’on se sert de nos mains, en science, ça devient tout de suite plus intéressant : les réactions des élèves sont instantanées et leurs connaissances quant à l’objet étudié évoluent beaucoup plus rapidement », croit M. Zentner.

La pertinence de l’enseignement pratique n’est plus à démontrer. Ce type d’enseignement offre aux étudiants « un sentiment d’accomplissement lorsque la tâche sera terminée et (leur permet) de transférer cette expérience plus facilement dans d’autres situations d’apprentissage. » Les informations transmises par la pratique ont également plus de chances d’être retenues puisque les étudiants prennent part au processus d’apprentissage plutôt que d’être des spectateurs passifs.

Un article du Journal of Laser Applications avance également l’idée que « la façon dont des élèves arrivent à acquérir une connaissance est aussi importante que les informations qu’ils apprennent. Les activités dans lesquelles ils s’engagent détermineront la profondeur de l’apprentissage qu’ils retiendront. »

« Le travail manuel et appliqué te donne vraiment une autre perspective sur ce que peut être l’école et nous donne aussi des outils pour le marché du travail. »

– Tommy Brissette, étudiant en sciences pures et appliquées

L’inclusion d’une approche pratique apparaissait avantageuse pour les enseignants et pour leurs étudiants. « On apprend mieux quand on s’amuse et qu’on vit des émotions. Oui, on peut parfois donner plus de détails en enseignant la théorie, mais, au final, qu’est-ce que les élèves vont retenir d’ici 10 ans ? Pour moi, ce n’est pas la théorie qui favorise un apprentissage (à long terme) », rapporte M. Afshar, qui exprime l’envie que ses étudiants aient du plaisir dans son cours.

Ce souhait s’avère exaucé selon Tommy Brissette, étudiant en sciences pures et appliquées qui a suivi le cours Rocket Science cet hiver : « Pour être honnête, je n’ai – et n’ai entendu – que des commentaires positifs sur le cours. C’est le cours le plus fun de notre curriculum. On allait même travailler pendant nos temps libres sur notre fusée. Le travail manuel et appliqué te donne vraiment une autre perspective sur ce que peut être l’école et nous donne aussi des outils pour le marché du travail », raconte l’étudiant.

Les étudiants manipulent des outils et du matériel qui rendent l’expérience d’apprentissage plus concrète. (Photo : Collégial Sainte-Anne)

Apprendre de ses erreurs

Faire décoller et atterrir une fusée contenant un œuf est en soi un projet ambitieux. Prendre en considération l’aérodynamisme de la fusée, l’ouverture d’un parachute, le fonctionnement d’un circuit électrique et la conception des pièces, entre autres, est une tâche complexe, surtout quand la météo ajoute des défis supplémentaires. Le jour du lancement des fusées, le froid et la pluie ont causé de nombreux problèmes, dont le bris de circuit électrique et de batteries.

« (…) Le but du cours n’est pas d’avoir la parfaite fusée dès la première journée. Si chaque essai te permet de comprendre quelque chose de plus, pour nous, en tant que professeurs, c’est la meilleure chose possible. »

– Lee Zentner, enseignant au Collégial Sainte-Anne

Ces embûches, aussi involontaires soient-elles, ont rendu la journée mémorable pour les étudiants, se remémore Tommy Brissette : « C’est dommage qu’il plût, mais maintenant que je peux regarder en arrière, il y a une certaine fierté d’avoir réussi à faire décoller nos fusées lors d’une journée misérable plutôt que lors d’une belle journée. »

Pour les enseignants, les différents échecs et défis que rencontrent les étudiants sont une partie cruciale du processus d’apprentissage. « C’est l’une des premières choses que nous avons mentionné au début de la session : le but du cours n’est pas d’avoir la parfaite fusée dès la première journée. Si chaque essai te permet de comprendre quelque chose de plus, pour nous, en tant que professeurs, c’est la meilleure chose possible », explique M. Zentner.

Des outils pour le futur

Alors qu’une majorité des étudiants du programme de sciences pures et appliquées du collégial comptent se diriger vers le monde du génie, avoir la possibilité de suivre un cours qui laisse place à leur aspect créatif lié à ce domaine est une opportunité d’apprentissage pour eux. M. Zentner affirme que « ce cours entraine une grosse émotion de créativité. On le sait, la science, le génie et la technologie évoluent à une vitesse folle. Un cours comme celui-ci te permet d’utiliser ta créativité et de la nourrir pour trouver des réponses un peu plus en dehors de la boite. »

« Notre école est très généreuse de nous laisser la liberté de faire ce qu’on veut avec nos cours et de nous faire confiance. Mon souhait est de garder ce privilège, cette liberté pour les années prochaines et de pouvoir réaliser les cours que j’ai en tête. »

– Khash Afshar, enseignant au Collégial Sainte-Anne

En plus de travailler ce côté d’inventivité, Rocket Science valorise le travail d’équipe et l’entraide. « Dans certains autres cours en laboratoire, tu ne veux pas nécessairement que les autres étudiants voient ton résultat. Avec Rocket Science, c’était vraiment un environnement différent des autres cours qu’on a eus et où la coopération était la bienvenue », rapporte Tommy Brissette. Cette approche collaborative se révèle être essentielle pour le futur des étudiants : « Travailler dans une équipe et avec d’autres équipes, dans leurs carrières futures en science, c’est une des compétences les plus importantes », note M. Zentner, qui souligne vouloir éventuellement faire grandir le cours en y ajoutant des notions d’économie et de données.

Le Collégial Sainte-Anne se veut novateur, stimulant et avant-garde, un terrain de jeu de choix pour des professeurs innovants : « Notre école est très généreuse de nous laisser la liberté de faire ce qu’on veut avec nos cours et de nous faire confiance. Mon souhait est de garder ce privilège, cette liberté pour les années prochaines et de pouvoir réaliser les cours que j’ai en tête », exprime M. Afshar. Parce qu’avec des cours de ce genre, « sky’s the limit (pas de limite jusqu’au ciel) », estiment les enseignants.

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CScience Le Mag

Crédit Image à la Une : Collégial Sainte-Anne