Adapter la technologie pour les performances artistiques

Adapter la technologie pour les performances artistiques

Alors que l’IA s’implante dans notre quotidien et parvient progressivement à décharger le système de santé, les chercheurs s’imprègnent de ses quelques qualités pour faire évoluer la culture du sport et des performances humaines. Comment l’IA apporte-t-elle sa contribution dans la recherche et l’amélioration des pratiques sportives ?

Dans le cadre de la rencontre de l’écosystème de la santé au Centre de Recherche de l’Informatique de Montréal (CRIM) le 2 octobre dernier, plusieurs panélistes se sont rassemblés pour discuter des avancées de l’IA et des défis qui façonnent leur champ de recherche dans le sport de haut niveau, mais aussi dans les performances humaines relatives aux arts du cirque.

Réadapter les modèles d’estimation de pose en fonction des performances

Marion Cossin, ingénieure de recherche en arts du cirque CRITAC, évoque plusieurs projets de son centre de recherche, notamment la vision par ordinateur qui permet de détecter les mouvements d’une personne à partir d’une vidéo. Ces modèles d’estimation de pose sont ainsi utilisés pour faire des analyses biomécaniques, de blessures, de réadaptation ou servent même d’outils de coach pour optimiser les mouvements. 

Ce que la panéliste souligne dans ce projet, c’est le manque de modèle d’estimation de pose spécifiquement adapté pour les performances du cirque. 

« On essaye d’entraîner nos modèles avec des données de cirque et c’est là qu’on dépasse un peu un mur, c’est qu’on essaye de générer de la donnée parce qu’on en a pas tant. »

– Marion Cossin, Ingénieure de recherche en arts du cirque CRITAC

La difficulté dans la recherche, telle que le décrit Marion Cossin, s’apparente au fait que le cirque montre une variété de disciplines avec des compétences larges ne possédant aucune métrique qui arrive à définir la quantité d’effort fourni.

Le défi réside d’autant plus dans le fait de devoir utiliser les capteurs en étant conscient que les normes diffèrent en fonction des qualités physiques des artistes. 

« C’est un défi d’analyse parce que l’on doit créer nos propres modèles et on travaille dessus avec des compagnies pour faire cela. »

– David Forget, Chargé de projet – Services de performance humaine et gestion des professions au Cirque du Soleil

Les défis qui façonnent le champ de recherche

Selon les panélistes, plusieurs défis se mettent sur le chemin de la recherche. Parmi eux, le manque de données qui souligne quelques enjeux. L’ingénieure du CRITAC évoque notamment la population assez réduite des artistes de cirque de haut niveau, qui expliquerait un jeu de données faiblement fourni.

Afin de remédier à cela, les chercheurs du CRITAC s’efforcent de créer et de modifier des données en ciblant les objectifs des différentes populations, tout en tenant compte des spécificités propres à chaque discipline.

David Forget, Chargé de projet – Services de performance humaine et gestion des professions au Cirque du Soleil, souligne l’étendue de données « qui ne sont pas toutes très précises et pas forcément consistantes dans le temps. » Il soutient notamment qu’un travail interdisciplinaire avec les experts en amont est nécessaire afin de cibler les données pertinentes pour la recherche.

Les intervenants soulignent également la difficulté de trouver des fonds pour financer des projets dans la durée, en lien avec des jeux de données « où il y a beaucoup de trous », selon François Bieuzen, Directeur, Sciences du Sport, Institut National du Sport du Québec.

« Il y a un travail d’engagement des athlètes et coachs dans le partage, l’utilisation et l’intérêt à utiliser les données. » – François Bieuzen, Directeur, Sciences du Sport, Institut National du Sport du Québec.

Un élément qui est aussi mis de l’avant par Richard Lepage, Directeur principal de la performance humaine au Cirque du Soleil, qui parle lui, d’un « réel challenge » pour trouver des financements et bénéfices sur plusieurs années. 

Selon Richard Lepage, de nombreux arguments relatifs au vieillissement de la population expliquent le besoin de toucher du financement. Il interroge quant à la façon de changer la culture de l’entraînement afin qu’il soit spécifique au vieillissement des athlètes. Pour lui, il est ainsi important de concevoir des projets visant à réduire les blessures, qui ont un coût à la fois financier et social.

Marion Cossin, souligne quant à elle, l’utilité des outils de performance des algorithmes développés pour aider les coach à prendre des décisions éclairées. Elle évoque notamment l’influence de l’aspect psychologique qui ne serait pas assez pris en compte selon elle.

« Il faut déterminer les limites de ce genre de modèles et des données auxquelles on a accès. (…) Il faut avoir conscience des limites de ce qu’on n’a pas et du manque à gagner. »

– Marion Cossin, Ingénieure de recherche en arts du cirque CRITAC

Acceptabilité sociale en matière d’IA

Si sport de haut niveau rime souvent avec performance de haut niveau, les intervenants pointent du doigt d’autres valeurs qui poussent les athlètes et artistes à concevoir leur pratique sportive autrement. Plusieurs facteurs incitent les artistes à non plus simplement performer mais aussi à atteindre un idéal esthétique visuellement. Il semblerait d’ailleurs que les athlètes cherchent à s’épanouir davantage dans leur parcours de performance plutôt que de seulement viser l’atteinte d’un résultat. 

Pour Richard Lepage, l’IA va ainsi contribuer à faire prendre conscience des possibilités pour pratiquer le sport de manière sereine. François Bieuzen soutient que l’intérêt de l’IA repose sur l’ensemble des différents facteurs psychologiques et physiologiques qui permettent d’appréhender la complexité de l’athlète avec plus de proximité. Il souligne également l’objectif d’individualisation de la performance grâce à l’IA, pour prévoir des trajectoires et performances selon des individus uniques.

Cependant, les panélistes accentuent le besoin de maîtriser la fonctionnalité des outils afin qu’ils représentent uniquement une aide supplémentaire, sans remplacer le ressenti de l’athlète.

« Il ne faut pas qu’avec la multitude de données etc, que l’artiste ou le coach se fient entièrement aux données, il faut que ce soit vraiment un outil d’aide pour les pousser plus loin dans la relation. »

– Marion Cossin, Ingénieure de recherche en arts du cirque CRITAC

Interrogés sur l’IA générative, les intervenants évoquent également le gain de temps en termes de conception de plans de récupération générés par l’IA. Ils soulignent notamment le potentiel en lien avec la répartition des sexes et des âges en fonction des disciplines pour mettre en place des analyses et des plans d’entraînement rapide.

Crédit Image à la Une : Crédit Image à la Une : Panel Performance Humaine et IA au CRIM. (Photo : Sacha Israël)