Les questions environnementales sont un sujet hautement épineux, au point où certaines sphères politiques et médiatiques en sont à remettre en question le changement climatique. Et même pour ceux qui sont convaincus que nous devons modifier nos comportements et nos façons de faire, il est complexe d’être vigilant sur tous les fronts: alimentation, consommation électrique, etc. Et comme la plupart d’entre nous, je suis souvent perdu dans ce paradoxe complexe à naviguer entre confort et culpabilité. Entre le besoin de culpabiliser un peu mon entourage pour qu’ils, elles et iels fassent mieux et se rappellent que chacun fait selon ses moyens.
Pour lire la chronique telle que parue initialement dans la revue animée et interactive LES CONNECTEURS :
Alors, comment ajouter nos enjeux numériques à cette question environnementale? Parce qu’évidemment que notre culture du streaming et du cloud a fait augmenter notre empreinte, entre l’électricité qu’il faut générer et l’extraction des terres rares nécessaires à la fabrication de nos objets connectés.
Revenir d’abord aux bases
Comme d’habitude, je vous invite à revenir à des fondamentaux. Et le premier est de changer certaines façons de voir les impacts. On pourrait ensemble rentrer dans des calculs d’apothicaire pour parler de quels usages consomment plus d’énergie que d’autres, sachant que l’empreinte carbone ne sera pas la même au Québec (où notre électricité vient de l’hydroélectrique) que dans des régions qui produisent leur énergie avec du pétrole ou du charbon! Mais de manière ultime, on aurait beaucoup de mal à trouver des solutions ayant un impact majeur dans le fait de regarder moins de vidéos sur YouTube à une échelle personnelle, ou à les regarder sur son téléphone plutôt que sur sa TV parce que, selon l’association The shift Project, nos cellulaires sont beaucoup plus efficaces énergétiquement que nos téléviseurs.
« On pourra mettre autant d’effort sur notre solution logicielle pour l’optimisation de son empreinte carbone, et y associer toutes les certifications « Tech for good » existantes, si l’utilisation principale de l’application est de soutenir le développement d’activités hautement polluantes, l’effort, bien que louable, sera plus esthétique qu’autre chose… »
Cependant, il y a des projets internationaux comme l’Open Compute Project, qui s’intéressent à ces échelles de grandeurs pour, par exemple, repérer les portions des centres de données qui consomment de l’énergie mais ne sont pas utilisées, et les prioriser face à l’installation de nouveaux serveurs.
Il faut aussi bien réaliser la nature transversale de la technologie. On pourra mettre autant d’effort sur notre solution logicielle pour l’optimisation de son empreinte carbone, et y associer toutes les certifications « Tech for good » existantes, si l’utilisation principale de l’application est de soutenir le développement d’activités hautement polluantes, l’effort, bien que louable, sera plus esthétique qu’autre chose… Il va donc falloir questionner nos usages en profondeur, et cela nous ramène plus souvent vers l’idée de décroissance que vers les modèles productivistes traditionnels.
Un autre fondamental important n’est pas numérique: pour bien envisager ce mélange d’impuissance et de culpabilité qui nous mine, il faut connaître et comprendre le triangle de l’inaction. L’idée est simple: notre sentiment d’impuissance naît de notre réalisation que d’autres organisations doivent agir pour obtenir des résultats concrets (pour le climat, les trois pointes sont: les citoyens, les entreprises et le gouvernement). Et ces grands ensembles semblent tellement difficiles à mobiliser qu’on se laisse aller à ne pas faire notre part non plus, quelle que soit la pointe du triangle que l’on occupe. Pour en sortir, il faut impérativement faire communauté ; de nombreux ateliers sont organisés pour réfléchir ensemble aux solutions.
Trouver les solutions en communauté
Et il y a des gens engagés, tout autour de nous, qui cherchent des solutions. Depuis quelques mois au Québec, le collectif du numérique responsable et soutenable s’est formé pour parler à notre écosystème technologique et réfléchir ensemble.
Ses premières activités vont viser à créer, comme d’autres le font, une échelle d’impact carbone pour les entreprises québécoises, afin de leur permettre de mieux comprendre comment améliorer leur impact. Mais au-delà de ces audits, Pierre-Yves Misme, qui siège sur leur conseil d’administration, parle de la possibilité d’ajouter une mention spéciale pour les organisations qui, au-delà de surveiller leur empreinte carbone, cherchent à avoir un impact culturel sur les pratiques durables dans leur écosystème. Il prend d’ailleurs l’exemple des ateliers de fresque du climat organisés par la coopérative Sens Climat, qui propose aux organisations de se questionner sur leurs topographies et leurs impacts dans 5 à 10 ans, afin de créer de nouveaux narratifs.
Et c’est peut-être ça, le fil rouge de ces chroniques, où j’avoue être « complètement perdu », et je vous partage mes petites réflexions: nous pousser à nous questionner un peu plus, à partir des conversations, à refaire le monde ensemble. Sauf que cette fois-ci, je suis allé parler avec quelques experts!