Dans ma dernière chronique, j’ai abordé le thème des femmes, de l’intelligence artificielle et des algorithmes. Ce sujet reste extrêmement préoccupant. Cependant, il ne faut pas oublier qu’il existe de nombreux autres enjeux à surveiller face aux bouleversements engendrés par l’IA et le nouveau monde numérique, aujourd’hui et à l’avenir.
Pourquoi aborder ce sujet maintenant
Interpellée par le livre de Mark Esposito – avec qui j’ai l’honneur de collaborer – et ses co-auteurs, intitulé: « The Great Remobilization », paru en octobre dernier, je l’ai lu et relu avec attention et introspection, tout en me focalisant sur les analogies qu’il était possible de faire avec notre écosystème provincial.
« Nos travaux provinciaux sont-ils mobilisateurs, bien compris et adéquatement appréciés, pour et par toute la population? »
Les auteurs portent un regard sur le design d’un système d’exploitation plus intelligent, soutenable, prospère et innovant pour le monde entier, grâce à la venue de l’IA, tout en prenant compte des risques plus sérieux pour l’humain et la société.
Après une récente réflexion, je me suis penchée sur les travaux du Québec avec une trajectoire vers nos ramifications – positives et négatives -, ici dans la province, le reste du Canada et enfin le reste du monde.
Nos travaux provinciaux sont-ils mobilisateurs, bien compris et adéquatement appréciés, pour et par toute la population? Quelle sera notre contribution harmonieuse et pertinente hors de notre province, au fil du temps?
Clarté et pragmatisme, vers des buts communs réalistes et atteignables
Les soubresauts politiques entre le provincial et le fédéral, ont-ils un impact sur les travaux communs ou complémentaires de tout acabit reposant sur la discipline de l’IA? L’IA n’a pas de frontières géographiques. Idéalement, elle ne devrait pas en créer, d’un angle politique, et ce, surtout si le Canada tient à conserver sa place de choix sur l’échiquier mondial de l’IA.
Ces querelles de familles devraient être tenues en privé.
J’ai du mal avec cette situation, alors que nous avons de multiples crises en santé, en éducation, en logement, en environnement, etc.
Donnons-nous le bon exemple à nos contribuables? Ne devrions-nous pas privilégier des initiatives liées à la discipline de l’IA dans ces secteurs bien précis? La question se pose… Si nous disposons de moyens financiers et de ressources HUMAINES à la hauteur de nos ambitions, nous pouvons élargir le spectre des investissements par la suite, si tenté que les dollars soient disponibles…
Je lis et/ou écoute/visionne à peu près tout ce qui se fait/se dit/se publie sur ce qui se développe au Québec en IA pure, et nos initiatives en innovation plus macros, que ces dernières reposent ou non sur la discipline de l’IA. Mon regard posé sur l’Ontario se veut plus distant, par manque de temps, malheureusement.
Les sommes investies tant par les gouvernements Trudeau et Legault respectivement sont faramineuses, et je ne dis pas ici qu’il faut cesser ces investissements. Or, dans un contexte de déficits aux deux paliers de gouvernements, n’y aurait-il pas lieu de communiquer des redditions de comptes individuelles, régulièrement? Ensuite, ces chiffres seraient agglomérés et audités (quantitativement pour les dollars dépensés) pour tous les bénéficiaires de ces subventions valant des millions. S’ensuivrait une revue ou analyse qualitative, couvrant les descriptifs initiaux des projets et détails des initiatives concrètement exécutées et réalisées avec ces dollars, et les résultats obtenus aux jalons définis pour arriver en fin de marathon. Une bonne vieille gestion de portefeuille, avec des données objectives sur les retours sur investissements avant le rapport du bureau du vérificateur général.
Ces annonces sont faites avec tambour et trompette, et ensuite, il se passe quoi? Qui est imputable d’en faire le suivi? J’ai du mal à suivre, je l’admets.
Des mises à jour s’imposent
Le rapport Prêt pour l’IA du 5 février dernier évoquait cinq grands axes, soit encadrer, anticiper, former, propulser et positionner, reposant sur 12 recommandations.
[Analyse] Le rapport « Prêt pour l’IA » : une avancée majeure, malgré quelques angles morts
Où en sommes-nous, près de cinq mois plus tard? La question mérite d’être soulevée quant aux avancées de ces travaux.
Le CRIM (Le Centre de recherche informatique de Montréal) vient de lancer une formation dédiée aux PME québécoises, qui débute en septembre. C’est merveilleux, et je l’en félicite chaleureusement. Comment s’intègre-t-elle, avec ce qui est déjà offert par MILA, IVADO, le FRQ (Fonds de recherche du Québec), Obvia, le Conseil de l’innovation du Québec (CIQ) et d’autres joueurs importants de l’écosystème, incluant nos collèges et universités?
Y a-t-il duplication de contenus? Possible cannibalisation entre les fournisseurs privés de services de formation et de développement de contenus ou, pire encore, des sujets ou thématiques sont tout bonnement non abordés? Sommes nous cohérents dans nos curriculums, principalement sur les sujets d’éthique et de gouvernance? Quels messages transmettons-nous sur le volet législatif et réglementaire, ici au Québec, dans le reste du Canada, aux États-Unis et enfin en Europe – seul continent à faire preuve de clarté quant au volet législatif?
Et nos entreprises, financées à la fois par des capitaux privés, et des subventions ou prêts commerciaux aux entreprises par Investissement Québec et/ou la BDC, quels sont leurs apports sur ces grands axes, incluant le volet de la formation?
Plusieurs réponses requises pour une saine gestion des risques et des dollars, pendant que des Québécois souffrent d’insécurité alimentaire et peinent à s’offrir un toit sur la tête… Dissonance de priorité sociétale, à mon sens.
Visibilité, transparence et accessibilité
Dans The Great Remobilisation, on propose la création d’un sonar pour la cartographie des acteurs qui naviguent dans ce nouvel environnement.
À plus petite échelle, la Vitrine IA Québec, propulsée par le Conseil de l’innovation, est un excellent point de départ. Toutefois, elle repose sur du contenu statique. Pour l’utilisateur(trice) à l’extérieur de l’environnement, il devient difficile de naviguer, visualiser et comprendre les missions, rôles et liens interactifs et séquentiels entre les nombreux acteurs québécois.
La visualisation rapide et claire des interdépendances, dans la variété des offres de services et produits s’y rattachant, permettrait de répondre rapidement aux premières questions entre les besoins d’affaires de nos entreprises justifiant de les reposer sur la discipline de l’IA… sauf si c’est trop tôt?
Sous forme de cartographie géographique interactive pour la province, ce serait génial, à mon avis! On y ajoute par la suite les données qualitatives et quantitatives divulgables – mentionnées plus haut – pour les grands joueurs des secteurs publics, parapublics et à but non lucratif, subventionnés par les contribuables via les divers programmes gouvernementaux ou directement par les ministères.
Enfin, d’un angle géo-socio-politique, dans l’éventualité d’un retour du président Trump à la Maison Blanche dans quelques mois, ce sonar cartographique nous sera, d’un point de vue collectif, d’une aide très précieuse. Selon une classe de maître en sciences politiques, à laquelle je participais il y a quelques semaines, il y a malheureusement de très bonnes chances que cela se produise…
Nos données seront alors vitales…