L’année dernière nous a accordé un petit répit au Canada dans le secteur des médias. En effet, peu de médias ont fermé leurs portes en 2024, et les licenciements massifs de 2023 chez Bell Média et Québecor Média n’ont pas été répétés. « So far so good », comme on dit.
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Cette année de stabilisation est due à quelques facteurs. Tout d’abord, les 100 millions de dollars de redevances annuelles de Google vont commencer à percoler auprès des médias canadiens reconnus par le collectif médiatique qui gère le dossier. Juste pour Radio-Canada, ça voudra dire 7 millions de dollars de revenus de plus pour le secteur de l’information.
Deuxièmement, les crédits d’impôts sur la masse salariale des journalistes de la presse écrite au Canada et au Québec représentent une manne pour les médias numériques, excluant malheureusement la télé et la radio. En ce moment, c’est près du deux tiers du salaire d’un journaliste d’un média reconnu (selon les critères de Revenu Canada et du gouvernement du Québec) qui est déductible d’impôts. Pour La Presse et Le Devoir, ça représente une grande partie de leurs profits annuels.
Des défis persistants malgré la stabilisation
La mauvaise nouvelle? On me rapporte une baisse des revenus publicitaires des médias québécois depuis quelques mois, ce qui n’augure rien de bon en ces temps incertains sur les plans économique et géopolitique. Moins de revenus signifie moins de chances de passer à travers la crise permanente des médias. Dans le cas des coops de l’information par exemple (Le Soleil, Le Droit, Le Nouvelliste, La Tribune, La Voix de l’Est, Le Quotidien), une alliance se profile avec La Presse pour combiner les opérations administratives et éditoriales. Cette mise en commun pourrait être bénéfique, puisque personne ne veut la fermeture de ces six quotidiens numériques, qui ont abandonné le papier en décembre 2023.
81 % des revenus publicitaires numériques au pays ont été siphonnés par Google et Meta depuis le début de 2010.
Le bras de fer avec les GAFAM continue
En lien avec les GAFAM et la démocratie, le blocage des nouvelles au Canada par Meta sur les plateformes Facebook et Instagram demeure totalement inacceptable et contre-productif. Nous sommes le seul pays au monde où les contenus journalistiques généralistes, incluant les nouvelles internationales, sont bloqués. Il est vital que le gouvernement fédéral relance les discussions avec Meta pour tenter d’aller chercher un 60 millions de dollars par an récurrent en redevances ou compensations aux médias. Rappelons que 81 % des revenus publicitaires numériques au pays ont été siphonnés par Google et Meta depuis le début de 2010. Il n’y a pas eu de vol. Mais on ne joue pas à armes égales. En ce sens, les lois C-11, C-63 et C-18 avaient leur raison d’être, sans oublier la taxe fédérale de 3 % qui se prépare pour les géants du Web.
Les tentatives américaines pour démembrer Google, voire Meta éventuellement, auront sûrement des échos ici aussi en 2025. Et n’oublions pas l’Union européenne, qui a bien l’intention de serrer la vis plus que jamais aux Google, X, Meta, Amazon, Apple et Microsoft.
Perspectives pour 2025
Les deux dossiers à surveiller en 2025? Une fort probable élection du conservateur Pierre Poilievre pourrait faire très mal à CBC et Radio-Canada, et amener la fin de l’Initiative de journalisme local (IJL) du fédéral, et des crédits d’impôts fédéraux pour les médias écrits. Ça fera très mal à nos médias. Pendant ce temps, l’usage de l’IA s’étend dans les rédactions canadiennes, et on croise les doigts pour éviter des licenciements importants en 2025. Car en 2024, on a sauvé les meubles, et c’est bien ainsi.