En 2024, un sondage a révélé que plus de 39% des Américains pensent que l’intelligence artificielle (IA) sera principalement utilisée à des fins néfastes lors des campagnes présidentielles, tandis que seulement 5 % croient qu’elle servira à des fins positives. Bien que ce sondage soit américain, il reflète des préoccupations qui sont également partagées par de nombreux Canadiens. En 2024, une majorité des Canadiens attribut la désinformation à une rhétorique ou à une posture politique. Si l’IA promet des campagnes politiques mieux ciblées et plus efficaces, elle ouvre aussi la porte à des dérives inquiétantes. À travers des exemples concrets, nous explorons comment l’IA façonne les élections modernes et souligne l’importance d’une éducation du public canadiens face à ces enjeux.
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Au Canada, l’utilisation de l’IA dans le cadre des élections reste limitée et généralement encadrée par des principes éthiques. Le gouvernement mise sur la transparence pour éviter les abus technologiques. La Loi sur la transparence des communications publicitaires numériques oblige les plateformes à identifier les commanditaires des publicités politiques, rendant les campagnes plus visibles et responsables. Aussi, le Canada se distingue par ses efforts pour contrer la désinformation. En collaborant avec des plateformes numériques, des universités, dont l’Université d’Ottawa, et des centres de recherche tels que le CRIM, le gouvernement travaille activement à limiter la propagation de contenus faux ou manipulés par des bots et des algorithmes. En 2019, lors des élections fédérales, certains partis ont utilisé des outils de big data et d’IA pour comprendre les préoccupations des électeurs dans des circonscriptions clés. Ces outils ont permis de personnaliser les publicités et les messages diffusés sur des réseaux sociaux. Bien que cette pratique reste mesurée et transparente, elle soulève des questions : jusqu’où peut-on aller dans la collecte de données sans compromettre la vie privée des citoyens ?
L’IA a parfois été utilisée de manière controversée pour influencer les élections dans le monde, mettant en lumière ses dérives potentielles. Un exemple marquant est l’élection présidentielle américaine de 2016. Les algorithmes de plateformes comme Facebook et Twitter ont joué un rôle clé en amplifiant la diffusion de fausses informations et de contenus polarisants. L’affaire Cambridge Analytica a révélé comment l’IA a permis d’exploiter les données psychométriques de plus de 87 millions d’utilisateurs. Ces données ont été utilisées pour créer des profils psychologiques précis et diffuser des messages politiques ciblés qui jouaient sur les craintes, les espoirs et les préjugés des électeurs.
En Russie et en Chine, l’IA est un outil clé pour manipuler les opinions politiques. Des bots automatisés amplifient les discours polarisants et diffusent de la propagande sur les réseaux sociaux. En Chine, des systèmes de surveillance avancés, permettent de surveiller les comportements des citoyens ainsi que de restreindre l’accès à des informations jugées sensibles avant des élections ou des événements politiques majeurs.
Il est aussi connu qu’à Trinité-et-Tobago, une campagne de désinformation nommée Do So avait été financé par un parti politique pour décourager une population cible de voter. Diffusée sur les réseaux sociaux, elle visait les jeunes, en particulier ceux issus de la communauté noire, et présentait l’abstention au vote comme un acte de rébellion. Cette stratégie d’abstention ciblée a eu pour conséquence d’affaiblir l’opposition.
L’utilisation de l’IA dans les élections offre des avantages indéniables, mais soulève également des enjeux éthiques et sociétaux majeurs. L’IA aide à mieux comprendre les attentes des électeurs grâce à l’analyse des données. Cela permet aux partis de créer des campagnes ciblées et plus pertinentes. En théorie, cette personnalisation rapproche les électeurs des décideurs et rend les messages électoraux plus efficaces.
Cependant, ces avancées s’accompagnent de risques significatifs. L’IA manipule l’opinion publique en diffusant de la désinformation ou de la propagande ciblée. L’exploitation abusive des données personnelles, souvent collectées sans consentement explicite, menace gravement la vie privée. De plus, les algorithmes favorisent la création de “bulles d’information” où les utilisateurs sont exposés à des contenus renforçant leurs croyances, accentuant ainsi la polarisation sociale. Au Canada, comment pouvons-nous lutter contre l’arrivée de ces utilisations néfastes de l’IA? Il est évidemment essentiel d’instaurer une réglementation pour encadrer l’usage de l’IA en politique et de poursuivre la lutte contre la désinformation. Parallèlement, l’éducation des citoyens sur les impacts de ces technologies est primordiale pour garantir que chacun puisse prendre des décisions éclairées et contribuer à la préservation de nos fondements démocratiques. L’éducation et la sensibilisation constitue une arme puissante dont l’impact ne doit pas être négligée. Si l’IA promet des campagnes mieux ciblées et plus pertinentes, ses dérives menacent directement la confiance dans nos démocraties. Le véritable défi ne réside pas seulement dans la technologie, mais dans notre capacité collective à encadrer son usage, à sensibiliser les citoyens et à garantir que l’IA reste un outil au service de la société et de nos valeurs démocratiques.
Crédit Image à la Une : Revue LES CONNECTEURS