L’industrie 5.0 au Canada : une révolution centrée sur l’humain

L’industrie 5.0 au Canada : une révolution centrée sur l’humain

Imaginez un monde où les robots deviennent nos alliés, travaillant main dans la main avec les humains ; où le développement durable fait partie intégrante des processus et n’est pas uniquement un mot à la mode ; un monde où la technologie améliore nos vies et notre travail plutôt que de nous mettre sur la touche. Bienvenue dans l’ère de l’industrie 5.0!

Consultez cette chronique telle que parue initialement dans la revue animée et interactive LES CONNECTEURS :

Au sein de l’équipe du développement des affaires et des partenariats stratégiques de Mitacs, j’ai le privilège d’assister à l’évolution de notre paysage industriel. Alors que l’industrie 4.0 est encore un phénomène récent, une nouvelle vague de changements se profile à l’horizon, promettant de redéfinir notre façon de travailler, d’innover et de prospérer.

De 4.0 à 5.0 : un bond quantique pour l’humanité

L’industrie 4.0 a transformé la fabrication, la maintenance et la distribution des produits. En s’appuyant sur l’IoT (Internet des objets), l’IA et la robotique, les processus de production sont devenus plus intelligents, plus efficaces, plus flexibles tout en réduisant les coûts et en augmentant la qualité.

« L’objectif n’est plus uniquement l’optimisation des machines, mais bien de créer une symbiose entre les humains et les robots collaboratifs. »

En plus de tous ces avantages, l’industrie 5.0 va plus loin : elle remet l’humain au centre du processus industriel. L’objectif n’est plus uniquement l’optimisation des machines, mais bien de créer une symbiose entre les humains et les robots collaboratifs. 

Au Canada, nous sommes à l’aube de cette révolution. D’après une étude de Deloitte, 62 % des grands industriels canadiens ont investis ou investissent dans la robotique et l’automatisation, 60 % dans l’analyse des données et 39 % dans l’IoT. Bien qu’encourageants, ces chiffres reflètent un retard par rapport à d’autres pays comme l’Allemagne ou le Japon.

Les trois piliers de l’industrie 5.0

1. L’industrie 4.0

L’industrie 4.0 pouvait nous laisser penser que l’objectif était de remplacer les travailleurs par des machines, car l’humain ne faisait pas partie de l’équation. L’industrie 5.0 ne vise pas à remplacer les travailleurs mais à les valoriser. L’apparition des « cobots » (robots collaboratifs) en est le parfait exemple. Ces machines ne remplacent pas mais assistent les travailleurs et leur permettent de se concentrer sur des tâches moins pénibles et à plus forte valeur ajoutée. L’objectif est de tirer parti des compétences humaines, telles que la créativité, le jugement et la prise de décision Le marché des cobots devrait connaitre une croissance annuelle de 34.3% d’ici 2029. 

« Cobot » : terme utilisé pour désigner un robot collaboratif, et visant à mettre l’accent sur une dimension de complémentarité plutôt que sur l’idée d’une substitution

Magna International, l’un des leaders de la fabrication de composants automobiles au Canada, a récemment intégré des cobots dans ses lignes de production. Le travail en est plus épanouissant pour les ouvriers, avec des tâches moins répétitives et exigeantes physiquement. Il en résulte une augmentation de la productivité globale et une diminution des risques de blessures. L’entreprise a ainsi su préserver un équilibre entre l’efficacité technologique et le maintien des emplois humains.

2. Développement durable

L’industrie 5.0 intègre directement le développement durable au cœur de ses préoccupations. Les processus industriels sont repensés pour minimiser l’impact environnemental et favoriser l’économie circulaire. L’objectif est de créer des systèmes de production qui ne sont pas seulement efficaces, mais qui sont aussi respectueux de l’environnement et socialement responsables.

Les industries manufacturières et des matières premières sont responsables de 23 % des émission de gaz à effet de serre

Il faut savoir qu’au Canada, les industries manufacturières et des matières premières sont responsables de 23 % des émission de gaz à effet de serre. Il est donc nécessaire d’agir et d’adopter au plus vite l’industrie 5.0 dans ces secteurs. Grâce à une meilleure gestion des ressources et une réduction significative des déchets, l’industrie 5.0 apporte un carnet de route sur la conduite du changement à mener.

Une étude de l’Université de Toronto a révélé que l’intégration des technologies de l’industrie 5.0 pourrait réduire les émissions de CO2 des industries manufacturières canadiennes de 15 % d’ici 2030. Cela inclut l’utilisation de l’IA pour optimiser la consommation d’énergie et de matières premières, ainsi que l’adoption de l’économie circulaire dans les processus de production. 

3. La résilience

La pandémie a montré comment des perturbations sur les chaines d’approvisionnement pouvaient avoir un impact colossal sur nos économies. Afin d’éviter qu’une telle situation ne se reproduise, les entreprises doivent devenir plus résilientes dans le but d’anticiper et de s’adapter efficacement à de nouvelles contraintes, tout en assurant la continuité des opérations et en minimisant les impacts.

L’industrie 5.0 propose des solutions innovantes, comme l’utilisation de l’IA et du big data pour prévoir et gérer les perturbations telles que des pénuries de matières premières, détecter les pannes d’équipement avant qu’elles ne se produisent ou encore anticiper les effets d’une catastrophe naturelle en les modélisant sur les chaines d’approvisionnement.

De plus, pour diminuer les risques de rupture d’un des maillons de la chaine, l’Industrie 5.0 encourage la diversification des sources d’approvisionnement afin d’éviter une dépendance excessive à un seul fournisseur, ou une seule région géographique.

L’adoption de l’économie circulaire apporte également des pistes de solutions. En privilégiant la réutilisation et le recyclage des matériaux, les entreprises réduisent leur dépendance à des chaines d’approvisionnement linéaires et fragiles.

Loblaw, le plus grand détaillant canadien, a commencé à utiliser des algorithmes d’intelligence artificielle pour prévoir les ruptures de stock et ajuster ses chaînes d’approvisionnement en temps réel. Cette initiative a non seulement permis de réduire les perturbations pendant la pandémie, mais a également amélioré la satisfaction des clients grâce à une disponibilité accrue des produits.

La start-up Relocalize, qui travaille avec Mitacs, propose, grâce à des micro-usines, de ramener une partie de la production où les ressources sont consommées. Cela simplifie les chaînes d’approvisionnement, les rend plus résilientes en plus d’optimiser les coûts et de baisser les émissions de CO2.

Le Canada face au défi de l’industrie 5.0

Malgré notre réputation d’innovateurs, le Canada est en retard dans l’adoption de l’industrie 5.0. Une récente étude démontre que seulement 10 % des industriels canadiens ont pleinement mis en œuvre des technologies de l’industrie 5.0 contre 20 % en Europe et 25 % au Japon.

Le chemin vers l’industrie 5.0 n’est pas linéaire et dépend largement d’une transition réussie vers l’industrie 4.0, et celle-ci n’est pas encore achevée. Selon un rapport de PwC, environ 31 % des entreprises canadiennes ont atteint des niveaux avancés de numérisation, ce qui signifie qu’elles ont intégré de manière significative des technologies comme l’IoT, l’IA et l’automatisation dans leurs processus.

Un autre facteur limitant est le déficit de main-d’œuvre qualifiée. Bien que de nombreux dirigeants reconnaissent l’importance de former leur personnel pour opérer efficacement dans un environnement industriel de plus en plus numérisé, seulement 20 % des cadres pensent que leur organisation est prête pour l’industrie 4.0. Des fondations solides d’intégration technologique et d’innovation sont les préalables à l’industrie 5.0. Sans celles-ci, son adoption pourrait sembler prématurée, voire utopique.

Il faut également garder en tête la résistance au changement, inhérente chez tous les humains, et la complexité de mettre en œuvre de tels changements dans les entreprises,  tant sur le plan des ressources humaines que sur celui des finances.

L’importance de la formation continue

L’adoption de nouvelles technologies dans une entreprise va nécessairement de pair avec une avancée des compétences du personnel. L’un des enjeux pour le Canada sera donc de mettre en place des programmes de formation continue pour permettre aux salariés de s’adapter et de conduire les changements organisationnels liés à l’implantation des nouvelles technologies de l’industrie 5.0. De nombreuses initiatives, tant fédérales que provinciales, pour former et requalifier la main-d’œuvre, sont un pas dans la bonne direction. Le Québec a par exemple annoncé un investissement de 81.3 millions de dollars dans la formation professionnelle d’ici 2027.

Il est également possible pour les entreprises d’aller chercher, pour des projets spécifiques, des compétences qui leur font défaut en interne. L’une des solutions est de développer des collaborations de recherche avec le milieu académique. Ces partenariats permettent de mobiliser des talents universitaires pour travailler sur des projets concrets et innovants, permettant aux entreprises de faire face aux défis technologiques, et aux étudiants d’acquérir une première expérience qui fait souvent défaut à la fin des études. Parmi les exemples de collaborations entre le milieu universitaire et les entreprises, pensons au partenariat entre l’Université de Waterloo et Toyota visant à développer des technologies de conduite autonome et des systèmes robotiques qui respectent les principes de l’industrie 5.0. Cette collaboration met l’accent sur la création de solutions sécuritaires et humaines pour l’industrie automobile. Dans le cadre d’une autre initiative, une collaboration entre l’Université de Sherbrooke et BRP a pour objectif de développer des matériaux plus durables et des processus de fabrication écologiques pour l’industrie des véhicules récréatifs. Cette collaboration illustre bien comment l’industrie 5.0 peut catalyser des innovations durables au Canada.

L’avenir est prometteur, mais des défis subsistent

Bien que l’on puisse observer des disparités quant à l’adoption de l’industrie 4.0 et, par conséquent, de l’industrie 5.0, il est important de ne pas oublier le potentiel énorme que ces nouvelles technologies représentent.

L’industrie 5.0 ne se contente pas de rendre nos entreprises plus technologiques et productives ; elle offre également la rare opportunité de créer un modèle industriel plus humain, durable et résilient.

Pour réussir cette transition, il est essentiel d’accélérer et de généraliser l’adoption de l’industrie 4.0 afin de construire des fondations solides pour l’industrie 5.0.

Comme nous l’avons vu, les connaissances des travailleurs doivent évoluer pour accompagner un tel changement dans les entreprises. Cela passe par des programmes de formations adaptés, des programmes de formation continue et de requalifications des

Au vu des actions du gouvernement en la matière, il semble évident que nos universités et collèges jouent un rôle clé dans ce processus. De nombreux exemples en témoignent partout au Canada. Pensons à l’Université de Sherbrooke, qui offre des programmes d’ingénierie intégrant l’IA et la robotique, ou l’Université de Toronto, qui propose des cours spécialisés en automatisation industrielle et IoT.

Le Canada bénéficie également d’un écosystème de soutien aux entreprises, qui les aide à relever les défis de la transition vers l’industrie 4.0 et 5.0. Ensemble, nous pouvons former une main-d’œuvre prête à relever ces défis, et soutenir les entreprises dans leur transition.

Il est crucial que celle-ci s’accélère afin de permettre au Canada de conserver son niveau de productivité face aux autres pays du G20. Nous pourrons ainsi maintenir notre niveau de vie et nous préparer à un avenir qui promet d’être non seulement productif et efficace, mais aussi durable, inclusif et centré sur l’humain.

Sources :

Industry 4.0 readiness survey | Deloitte Insights

Government of Canada announces Workforce Solutions Road Map – further changes to the Temporary Foreign Worker Program to address labour shortages across Canada  – Canada.ca

Québec investit plus de 81M$ dans la formation professionnelle – Les Affaires

Industry 4.0 and Industry 5.0—Inception, conception and perception – ScienceDirect

Intelligent Automation Conference Europe 2024: Enhancing Productivity and Efficiency through Human-IA Collaboration | ManufacturingTomorrow

How Industry 4.0 and Automation Grew the World’s Economy | socPub

Industrie 4.0 et 5.0 : Une révolution industrielle peut en cacher une autre (latribune.fr)