Selon Statistique Canada et une étude de Ranstad, au Canada, les femmes représentent moins de 25 % des employés en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM). De plus, elles ne représentent que 15 % des rôles de direction en sciences, ingénierie et technologies.
Pour lire cette chronique telle que parue initialement dans la revue animée et interactive LES CONNECTEURS :
Déjà, validons l’enjeu : est-ce un problème que les femmes soient sous-représentées dans ces secteurs? Est-ce uniquement par idéologie de parité? Ou est-ce que cette absence génère des impacts sociaux négatifs?
Nous vivons dans des sociétés pratiquement fondées sur des technologies, dont l’évolution accélère. L’éducation, le travail, la communication, le transport, la santé reposent fortement sur celles-ci. Le design des technologies devrait idéalement répondre aux besoins des citoyens et citoyennes.
Voici quelques exemples de designs mésadaptés :
Lorsque les tests de sécurité ont été fait pour les voitures, les crash tests étaient basés sur des corps d’hommes. Conséquemment, les ceintures de sécurité et les coussins gonflables furent développés pour répondre à la situation analysée. Malheureusement, le design initial ne protégeait pas les femmes et les enfants, n’étant pas adapté à leur taille.
Les premiers gilets pare balle ne considéraient pas la poitrine des femmes, amoindrissant leur confort et leur sécurité.
Grande disparité quant aux symptômes des garçons et des filles autistes, qui sont trois à quatre fois moins diagnostiquées que les garçons.
Pas de données pour la communauté noire sur 15 des 20 cancers les plus prévalents au Canada. Grande disparité quant au cancer du sein pour les femmes noires.
Continuons sur les exemples en santé, où le manque de données pour les femmes et d’autres communauté génèrent une variété d’enjeux : incompréhension des symptômes, difficulté à détecter, traitements mésadaptés, impossibilité de planifier des campagnes de prévention aux messages et aux canaux de diffusion adaptés aux segments de « bénéficiaires » ciblés. Coûts sociaux associés aux conditions non ou mal traitées. Effet domino.
On peut affirmer que l’absence des femmes (et autres communautés) en STIM mènent à plusieurs répercussions négatives. On peut fortement supposer que leur présence mènerait à analyser davantage de femmes, à améliorer la connaissances des conditions et symptômes, ainsi que la recherche de solutions.
Causes racines
En innovation sociale, on encourage à trouver des solutions aux causes racines, plutôt que des pansements pour des symptômes, afin de créer les bonnes conditions pour la santé et la vitalité. L’analyse des causes racines me fascine, car on dépasse (presque toujours) les idées préconçues et certaines intuitions de base, comme dans cet exemple du gyroscope en physique.
La « cause racine » est celle qui est à l’origine de tous les effets indésirables. Les autres causes, si elles sont des causes de l’effet indésirable, n’en restent pas moins des conséquences de la cause racine.
On pourrait faire des suppositions en fonction de facteurs spécifiques, dire que pour des raisons biologiques, les femmes seraient moins intéressées par les STIM ; qu’en fonction du facteur social, elles sont moins encouragées, voire freinées à se projeter dans ces rôles ; que le manque d’exposition à ces domaines fait en sorte qu’elles ne considèrent pas ces options ; et que leur sous-représentation et l’absence de modèles qui leur ressemblent ne les orientent pas vers ces voies.
Solutions adaptées
Ces hypothèses se sont révélées en partie vraies (valides également pour plusieurs autres enjeux sociaux) et des efforts ont été faits pour s’attarder à ces enjeux : jouets pour enfants, modèles et narratifs sociaux, campagnes ciblées.
Les efforts ont permis de générer des changements de culture, de constructions mentales, jusqu’à transformer les comportements. Par exemple, en 2018, on observait pour la première fois au Québec une proportion de femmes supérieure à celle des hommes en médecine. En STIM, on a remarqué une augmentation du nombre de femmes.
Causes racines et solutions adaptées
Toutefois, Statistique Canada et plusieurs études révèlent que 50 % des femmes quittent les STIM au cours des dix premières années. Les raisons : 30 % parlent de climat hostile ou peu inclusif ; les femmes gagnent 15-20 % moins que leurs collègues hommes ; un manque de conciliation travail-famille ; des limites au potentiel de progression dans le leadership.
On peut donc ajouter aux causes racines certains comportements masculins (j’insiste sur le mot « certains »). Plusieurs nommeraient déjà « masculinité toxique » ; je vous propose une courte exploration du sujet.
La masculinité n’est pas toxique en elle-même ; il s’agit d’une facette sur le spectre des formes de masculinité. Quelques analyses de la socialisation des hommes évaluent qu’on leur demande d’être invulnérables et stoïques. Ces postures apprises et encouragées impliquent souvent de ne pas demander d’aide, ainsi qu’un manque de littératie dans la gestion des émotions. Tristement, 88 % des personnes itinérantes sont des hommes, ayant pour causes le divorce, la perte d’emploi, la dépendance aux substances toxiques ou au jeu de hasard ; la gestion des émotions et la capacité de demander de l’aide étant ainsi directement impliquées. « Ne pas demander d’aide » se révèle la cause de certains accidents de travail. Certains styles de leadership dominant proviennent de la posture invulnérable.
En considérant tous ces points, on peut émettre une première hypothèse : la socialisation des hommes et la modélisation de postures masculines inclusives pourraient être des pistes dans l’arsenal de solutions améliorant la présence des femmes en STIM. Deuxième hypothèse : la rétention des femmes en STIM permettrait de générer de meilleures données sur les conditions et la recherche de solutions adaptées aux femmes.
En cas de détresse ou de besoin d’aide, voici quelques ressources :
- Le ROHIM – Regroupement des Organismes pour Hommes de l’Île de Montréal (plus de 40 organisations)
- Hommes Québec
- La Maison Kangourou
- Le CPSQ – Centre de Prévention du Suicide du Québec
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