Des solutions novatrices pour le traitement des eaux contaminées

Des solutions novatrices pour le traitement des eaux contaminées

31 à 61 % des nanoplastiques qui se retrouvent dans les eaux usées échapperaient au processus de purification des usines québécoises, selon une étude parue dans la revue Nature Water en janvier dernier. Pour rendre la filtration, mais aussi la détection de ces particules toxiques plus efficaces, des scientifiques québécois mettent au point des technologies innovantes et prometteuses, qui pourraient changer la donne.

Un enjeu environnemental auquel s’attarder

Mesurant entre un micromètre et cinq millimètres, les nanoplastiques sont des nanoparticules issues majoritairement de la dégradation de plastiques. Extrêmement petites et presque imperceptibles, elles constituent une source de pollution souvent sous-estimée, contaminant l’eau, le sol et l’air.

On déverserait chaque jour l’équivalent du contenu d’environ 2 000 camions à ordures remplis de plastique dans les océans, fleuves et autres cours d’eau

– Programme des Nations Unies pour l’environnement

Sur le plan aquatique, elles sont facilement ingérées par les larves, les moules, les huitres et les crevettes, ayant des effets contaminants sur toutes les chaînes alimentaires.

Selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement, on déverserait chaque jour l’équivalent du contenu d’environ 2 000 camions à ordures remplis de plastique dans les océans, fleuves et autres cours d’eau du monde.

Des solutions québécoises

Des fibres qui optimisent le traitement des eaux

Source : Ordre des ingénieurs du Québec

Mathieu Lapointe, ingénieur civil de l’École de technologie supérieure (ETS), a modifié chimiquement des fibres de cellulose pour qu’elles puissent capturer les contaminants de manière plus efficace qu’avec une fibre de cellulose vierge non modifiée.

« Nos fibres chimiquement modifiées atteignent un taux supérieur à 97 % d’enlèvement des microplastiques, difficile de faire mieux ! »

– Mathieu Lapointe, ingénieur civil, cité par L’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ)

D’un millimètre de longueur sur 15 micro mètres de largeur, ces fibres sont alors injectées dans le bassin d’épuration des eaux en petite quantité, à concentration suffisante de 100 mg par litre. « Les contaminants vont se coller sur ces fibres et ainsi créer un ‘floc’, comme on dit dans le jargon, c’est-à-dire un agrégat de fibres contenant les polluants, précise l’ingénieur. Si vous avez déjà vu des bassins de traitement des eaux, ce sont les sortes de flocons de neige qui flottent parfois à la surface des eaux. » Ces amas sont ensuite filtrés par une passoire.

« Nos fibres chimiquement modifiées atteignent un taux supérieur à 97 % d’enlèvement des microplastiques, difficile de faire mieux ! », suggère Mathieu Lapointe, dans un communiqué de l’Ordre des ingénieurs. « Des métaux – du fer et de l’aluminium principalement – sont greffés sur la fibre afin de la charger positivement, explique celui dont l’innovation a été récompensée au Gala d’excellence : recherche et enseignement cette année. Par effet d’affinité électrostatique +/-, les contaminants, pour la plupart chargés négativement, viennent se coller à la fibre. »

Mathieu Lapointe, récompensé au Gala d’excellence : recherche et enseignement, en compagnie de Jesse Vincent-Herscovici, directeur général d’Axelys, le 11 avril 2024. (Photo : ÉTS)

Détecter les nanoplastiques grâce à l’IA

Plus récemment, des chercheurs de l’Université McGill, en collaboration avec le Conseil national de recherches du Canada, ont conçu un outil capable de repérer des nanoplastiques dans l’eau, et de les distinguer d’autres particules en temps réel. « C’est un peu comme arriver à trouver une aiguille dans une botte de foin en une fraction de seconde », illustre l’Université McGill.

« Cette technologie pourrait transformer complètement nos méthodes de surveillance et de gestion de la pollution plastique et, par le fait même, contribuer à la préservation de l’environnement », explique la professeure Parisa Ariya.

« Cette technologie pourrait transformer complètement nos méthodes de surveillance et de gestion de la pollution plastique et, par le fait même, contribuer à la préservation de l’environnement »

– Parisa Ariya, professeure à l’Université McGill

Sollicitant la microscopie holographique en ligne nano-numérique, assistée par l’intelligence artificielle, ou « nano-DIHM assistée par l’IA », l’innovation permet de localiser plus facilement les zones plus critiques afin de les décontaminer.

« Nous avons constaté que l’outil de nano-DIHM assistée par l’IA pouvait détecter les microplastiques et les nanoplastiques, et les différencier des autres matières, même lorsqu’ils étaient recouverts d’autres particules. Cette fonctionnalité nous aide à mieux évaluer la pollution plastique dans les écosystèmes aquatiques », soutient la professeure.

Des analyses portant sur le lac Ontario et le fleuve Saint-Laurent ont obtenu des résultats préliminaires favorables, confirmant que la nano-DIHM assistée par l’IA permet la détection de microplastiques et de nanoplastiques dans des particules présentes dans l’eau.

Crédit Image à la Une : Petites pièces en plastique trouvées dans la mer au large de l’île grecque de Crète. Photo enregistrée en mai 2018, et transmise par l’Université McGill