[Édito] Contre vents et marées : plaider pour la nuance et la bienveillance

[Édito] Contre vents et marées : plaider pour la nuance et la bienveillance

Dans un monde où le numérique façonne de plus en plus notre réalité quotidienne, la démocratie se trouve à la croisée des chemins. Ce numéro de LES CONNECTEURS vous plonge au cœur de cette transformation, explorant les multiples facettes d’un écosystème médiatique et technologique en pleine mutation, mais qui se veut également refléter le déclin des attributs constituant la société démocratique telle qu’on l’idéalise : le respect des droits fondamentaux et des principes d’égalité et de parité, le juste milieu entre la désinformation et l’abus de la liberté d’expression, un débat équilibré et sain, et une presse journalistique forte et indépendante. Bref, une idée aujourd’hui bien naïve à cultiver.

1. L’hostilité croissante du numérique : le symptôme d’une société malade

L’environnement en ligne est devenu un terrain miné pour les femmes et les minorités. Nos 14 journalistes et chroniqueurs ont cartographié cette hostilité croissante, révélant comment les plateformes numériques, censées être des espaces d’expression libre, se transforment en arènes de polarisation extrême. Pire, les groupes divisés, lorsqu’ils ne cherchent pas à s’invectiver, s’ignorent à travers la ghettoisation du Web, migrant chacun vers une plateforme fétiche afin de ne plus se fréquenter dans le cyberespace. Cette tendance inquiétante soulève des questions non négligeables sur l’inclusion, la sécurité, le pouvoir centralisé et la démocratie.

« Ce ne sont pas les algorithmes qu’il faut examiner. Ce qu’il faut examiner, ce sont les intentions, les usages et les dynamiques de pouvoir à la source (…) »

Certes, les plateformes de réseau social, leurs manquements en matière de modération et leurs algorithmes ont souvent un effet amplificateur sur le maintien d’un climat d’animosité. Mais les discours misogynes, haineux et extrémistes – que certains appelleront « woke », « anti-woke » ou « boomer » -, exacerbés par les mécanismes des GAFAM, ne sont pas seulement issus du monde virtuel. Cette vitrine sur les débats polarisants menés sans modération n’est que le reflet des pans d’une société hétérogène, des membres de communautés distinctes, qui s’affirment tout simplement de façon plus (trop) marquée derrière un écran. Et qui dit plus affirmé dit moins de limites, moins d’encadrement, moins de civilité, moins d’empathie…

Ce ne sont pas les algorithmes qu’il faut examiner. Ce qu’il faut examiner, ce sont les intentions, les usages et les dynamiques de pouvoir à la source de ces tensions sociales, alimentées par les GAFAM, non seuls responsables. C’est ce à quoi se consacre le premier dossier de reportages et de chroniques édité dans ce numéro.

2. Le dialogue à l’épreuve des tensions idéologiques

L’analyse du dialogue entre ces camps divisés met en lumière les défis du débat démocratique à l’ère numérique, mais expose aussi les dangers liés au pouvoir de ces plateformes et de ceux qui les détiennent, surtout quand ces derniers se servent de ce monopole pour orienter, influencer voire détourner le débat démocratique.

Dans le deuxième dossier, notre équipe décortique les effets de ce contexte du point de vue électoral, socioéconomique et international, mettant au passage des solutions de l’avant pour reconstruire les ponts du dialogue et de la réconciliation, réduire la fracture technologique et numérique, et nuancer les discours tout en rétablissant la confiance de la population à l’égard du quatrième pouvoir démocratique qu’incarnent les médias, souvent mis dans le même panier, malgré les profils et réalités bien distincts, inhérents au paysage médiatique.

3. L’IA : entre progrès et menaces

L’intelligence artificielle (IA) transforme radicalement notre société, y compris les sphères médiatique et artistique. Notre troisième dossier explore les implications de l’IA dans la propagation de la désinformation, les défis qu’elle pose en matière de régulation, notamment en lien avec le droit d’auteur, et son impact sur les industries culturelles.