Pendant que les familles québécoises baignent dans l’angoisse et la boue, les paliers de gouvernance semblent eux se noyer dans l’inaction, jonglant entre explications techniques et justifications, de Montréal jusqu’à Louiseville. La tempête tropicale Debby n’est que l’un des nombreux rappels que notre système est en sursis. Quand les infrastructures vieillissantes cèdent sous la pression, que fait-on? On déplore les dégâts, blâme la météo, les administrations passées, certes à juste titre, mais on tarde quand même à innover pour contrer ce phénomène de plus en plus insoutenable.
Des inondations catastrophiques inondent autant les rues que les discussions. Chaque goutte de pluie tombée sur le Québec semble éclabousser non seulement les sous-sols, mais aussi le discours des dirigeants, François Legault et Valérie Plante, à qui l’on reproche d’avoir brillé par leur absence sur le terrain. Car si la journée du vendredi 16 août s’est voulue rude pour le premier ministre et la mairesse de la métropole, bombardés de questions chargées lors des points de presse, elle l’était moins que pour les résidents de Louiseville en Mauricie, et ceux de Ville-Marie à Montréal, pour ne nommer que ceux-là. Pendant ce temps, la science se tient prête à offrir les solutions encore laissées sous l’eau…
C’est la mer à boire
À chaque pluie diluvienne, l’eau ne se contente pas de dévaler les rues, elle s’invite chez vous, transformant votre sous-sol en piscine, votre tranquillité en désastre. Si l’étanchéité de votre cave n’est pas au point, si le système de drainage fait défaut, vous voilà pris dans le cauchemar que tant de familles québécoises ont vécu en raison des ravages causés par la tempête Debby. Le problème ne s’arrête pas aux pertes matérielles ou aux querelles avec votre assureur. Quand la pluie tombe sans relâche, les rues se transforment en rivières, et Montréal ne fait pas exception. Ce n’est plus une question d’infrastructures, mais de priorités. Quand l’imprévisible devient la norme, les solutions temporaires ne suffisent plus.
« Ce n’est plus une question d’infrastructures, mais de priorités. Quand l’imprévisible devient la norme, les solutions temporaires ne suffisent plus. »
Montréal, ville de contrastes, où l’on investit dans des pistes cyclables futuristes pendant que les conduites d’eau éclatent comme des bulles de savon sous la pression. Un portrait grossier, sinon un raccourci, diront plusieurs Montréalais, mais le ressenti pour autant d’autres, alors qu’hier, un geyser d’eau sous le pont Jacques-Cartier inondait Ville-Marie, ajoutant une nouvelle couche à la tragédie collective.
Cet événement a évidemment relancé les critiques contre Valérie Plante, beaucoup lui reprochant d’avoir préféré les pistes cyclables aux conduites d’eau, comme si l’une pouvait remplacer l’autre. Pourtant, la mairesse, et Chantal Morissette, directrice du Service de l’eau, insistent : Montréal a un programme rigoureux en place depuis des années pour s’occuper des infrastructures. « On a traité plusieurs bris majeurs ces dernières années, et si vous ne vous en souvenez pas, c’est bon signe », affirme Mme Morissette, convaincue que les interventions menées ont évité des catastrophes bien plus grandes.
Il faut aussi reconnaître que la Ville de Montréal n’est pas sans faire preuve d’innovation, à ses heures, lorsqu’il s’agit de se doter d’une équipe de données ouvertes et stratégie de données, par exemple, rendant accessible à la population une panoplie de renseignements collectés et analysés, notamment sur l’environnement, le transport et les infrastructures. Mais la science et l’innovation de solution et de terrain, à développer sur ces données, pourraient certainement être exploitées davantage au bénéfice de la collectivité, dans ce grand « Projet Montréal », comme elles auraient pu l’être davantage par les administrations précédentes, cela va de soi.
Quand la science et les données viennent au secours de nos villes
À Longueuil, on maintient qu’on a compris qu’il était temps de sortir des vieilles habitudes. Avec une conseillère scientifique en chef comme Julie-Maude Normandin, nommée en 2023, la ville a fait de la lutte contre les inondations pluviales une priorité. Ce n’est pas encore la panacée, mais la volonté d’agir en amont est bel et bien là.
Quand la mairesse Fournier s’exprime en entrevue avec CScience, c’est pour réaffirmer que la science et les données sont désormais au cœur des décisions municipales. « Pour en prendre de meilleures », dit-elle, comme pour souligner que les actions de sa ville reposent sur une base solide et rationnelle, au bénéfice des citoyens, surtout en ce qui concerne l’environnement.
Mais Longueuil n’est pas seule à se retrousser les manches. Le Québec regorge d’experts qui travaillent sans relâche pour rendre nos sociétés plus résilientes face aux catastrophes naturelles. Pensons à Marie-Ève Rancourt de HEC Montréal ou aux chercheurs de l’Université du Québec à Rimouski, qui s’illustrent dans ce domaine. Mais combien de temps encore avant que les fruits de leurs recherches et avancées à résonance mondiale ne se traduisent en actions concrètes sur le territoire québécois? Et qu’en est-il des solutions innovantes qui émergent ailleurs dans le monde? L’heure est venue de s’en inspirer pour mieux prévoir, éviter et, surtout, réagir aux sinistres avant qu’ils ne nous submergent.
Des solutions innovantes sur les scènes locale et internationale
L’aquapuncture®
C’est précisément ce que fait « Qui veut rafraîchir sa ville ? », une jeune pousse lyonnaise qui a décidé de prendre les changements climatiques à bras-le-corps avec une solution aussi originale qu’efficace : l’aquapuncture®. La journaliste Laurie Bruno nous dévoilait récemment cette innovation française qui pourrait bien transformer nos villes en bastions de résilience face aux intempéries.
Mais qu’est-ce que l’aquapuncture®? Derrière ce terme se cache une méthode high-tech qui s’appuie sur les images satellites pour analyser les territoires à l’échelle du pixel. Le principe est simple mais puissant : végétaliser la ville en créant des micro-zones de verdure, de véritables « îlots de fraîcheur » qui favorisent l’infiltration de l’eau dans le sol et désaturent les réseaux d’évacuation. Jean-Marc Bouillon, président de l’entreprise, résume le tout avec une clarté déconcertante : il s’agit de créer des conditions idéales pour que la nature s’installe de manière durable en ville.
Comment ça marche? En repérant les surfaces perméables situées à côté de zones imperméables, l’équipe optimise la gestion de l’eau. L’eau de pluie est naturellement dirigée vers ces zones, légèrement creusées à l’avance, où un arbre est ensuite planté. C’est ce point précis que l’on appelle un « point d’aquapuncture® ». Une petite intervention qui, si elle est multipliée, pourrait bien être l’une des clés pour adapter les villes aux bouleversements climatiques en cours.
Aquapuncture : Une start-up lyonnaise lance une méthode innovante pour rafraîchir nos villes
L’IA et le quantique : une révolution dans la prévision des catastrophes naturelles
Quand il s’agit d’anticiper les coups durs que la nature nous réserve, l’intelligence artificielle est en passe de devenir notre meilleure alliée, paraît-il. Des équipes, aux quatre coins du monde, combinent recherche, collecte et analyse de données pour créer des outils pouvant prédire avec une précision quasi chirurgicale les scénarios de catastrophes naturelles. Parmi ces initiatives, le projet Hydr.IA se distingue. Né d’un partenariat entre l’Unité mixte de recherche Hydrosciences Montpellier (HSM) et l’entreprise SYNAPSE, ce projet a donné naissance à un laboratoire commun financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), le « LabCom ». Sa mission? Développer une série de services de prévision hydrométéorologique fondés sur l’IA.
Ici, au Québec, et plus précisément dans l’effervescent pôle d’innovation de l’Estrie, l’informatique quantique pointe le bout de son nez avec des promesses encore plus ambitieuses. Selon Éric Capelle, directeur général de la Plateforme d’innovation numérique et quantique (PINQ²), l’ordinateur quantique va révolutionner les simulations grâce à sa puissance de calcul inégalée. Avec cet outil, on pourra intégrer bien plus de variables dans les modèles actuels, dépassant les limites technologiques actuelles. Imaginez : des simulations climatiques qui non seulement anticipent les risques d’inondations, mais qui permettent aussi de modéliser avec une précision accrue les impacts sur la population et les infrastructures. « Aujourd’hui, on a atteint la limite des modèles », explique M. Capelle à la rédaction de CScience, mais avec le quantique, les possibilités sont décuplées.
Et ce n’est pas tout. Google, le géant de la Silicon Valley, s’est aussi lancé dans la course avec son service Flood Hub, propulsé par l’IA. Cet outil est capable de prédire les débordements de cours d’eau jusqu’à une semaine à l’avance. Disponible dans plus de 80 pays, dont le Canada, Flood Hub utilise des images satellites et des données météorologiques pour générer des relevés hydrologiques d’une précision impressionnante. En cartographiant les zones inondables et en comparant ces données au niveau attendu des cours d’eau, Google prétend être en mesure d’indiquer avec exactitude les risques d’inondation à des endroits précis. Yossi Matias, vice-président de Google, l’affirme : « Nous nous efforçons d’étendre les alertes de prévision des inondations dans Search et Maps afin de mettre ces informations à la disposition des gens lorsqu’ils en ont le plus besoin. »
Que ce soit ici ou ailleurs, l’IA et l’informatique quantique s’affirment visiblement comme des outils indispensables pour nous aider à naviguer les tempêtes à venir.
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Crédit Image à la Une : Courtoisie