Le deuxième numéro de la revue LES CONNECTEURS se consacre à l’adoption de l’intelligence artificielle, plus spécifiquement au sein des entreprises québécoises et dans le reste du monde. Après avoir exploré la fracture numérique, nos journalistes et chroniqueurs se penchent sur l’IA, qui promet de redéfinir notre rapport au travail, à l’innovation et à la société dans son ensemble.
Pour lire la version animée et interactive de cet édito dans la revue LES CONNECTEURS :
L’intelligence artificielle, catalyseur de changement sociétal
Qui sont les gros joueurs de cet écosystème? Comment les chefs d’entreprise, aussi bien des start-up que des grandes compagnies, peuvent-ils innover et se lancer dans l’aventure de façon responsable et avisée? Pourquoi ont-ils intérêt à le faire? Quelles ressources les y aident et quels freins retardent l’adoption de l’IA? Comment cette dernière transforme les différentes industries et à quel rythme? Quels risques, notamment pour la sécurité, engendrent les technologies de l’IA? Comment éviter la faillite, sinon s’en remettre? Autant de questions traitées dans ce numéro de LES CONNECTEURS, le magazine québécois pour tout comprendre sur la révolution technologique.
L’IA au sein des entreprises
L’intelligence artificielle (IA) n’est plus un concept futuriste, c’est une réalité qui s’immisce progressivement dans notre quotidien. Elle continue de révolutionner le paysage économique mondial, avec des prévisions de croissance spectaculaires pour les années à venir. L’entreprise Mydra, spécialisée dans la compréhension de données, prévoit que d’ici 2025, le marché mondial de l’IA atteindra 190,61 milliards de dollars, affichant un taux de croissance annuel impressionnant de près de 37 %. Une expansion qui témoigne de l’adoption croissante de l’IA dans divers secteurs d’activité à l’échelle globale. Pourtant, cette adoption reste inégale, tant géographiquement que sectoriellement.
Le marché mondial de l’IA affiche un taux de croissance annuel de près de 37 % selon l’entreprise Mydra
Quelques exemples d’industries et marchés ciblés par l’IA
Dans un rapport de l’année dernière du Conseil de l’innovation du Québec, on apprenait que « Les ventes constituent la principale utilisation de l’IA » dans la province, puisque 36 % des entreprises en font l’usage dans ce champ d’application, « comparativement à seulement 16 % des entreprises de l’Ontario et 19 % des entreprises du reste du Canada ».
En santé, l’intelligence artificielle a déjà fait ses preuves, avec des débouchés notamment en médecine personnalisée, dans le développement de médicaments, la chirurgie robotique, l’analyse en imagerie médicale assistée par l’IA, ou encore l’aide au diagnostic. On apprenait plus récemment à ALL IN qu’Urgences-santé, en collaboration avec Airudi, une PME québécoise spécialisée en conception de solutions d’intelligence artificielle, lançait une innovation propulsée par l’IA visant à optimiser la prédiction, l’optimisation et l’allocation de la main-d’œuvre paramédicale.
Parmi les industries et secteurs d’activité où les solutions d’IA de pointe sont plus largement déployées et utilisées, sinon en voie de l’être, on compte aussi le secteurs manufacturier, de logistique et chaîne d’approvisionnement, où l’IA permet notamment de résoudre les problèmes de pénurie de main-d’œuvre en automatisant certaines fonctions, d’optimiser les itinéraires de livraison et la gestion des stocks, de prévoir la demande avec précision et de s’y adapter. En transport, des sociétés de colis comme Nationex, par exemple, intègrent l’IA pour prévoir plus efficacement leurs trajets et le chargement de leurs camions, faisant preuve de plus de précision et de prévisibilité quant à la demande.
Scale AI, une grappe d’innovation dédiée, favorise l’adoption de l’IA dans ces domaines. D’ailleurs, son directeur général, Julien Billot, est de ceux qui ont ouvert l’événement ALL IN cette semaine, abordant les atouts qui font du Canada un pays « à l’avant-garde de l’innovation en IA ». En juin dernier, le DG de Scale AI s’est montré optimiste, déclarant que « L’IA est mature pour aider les compagnies à atteindre de meilleurs résultats. La productivité au Canada est en train de se dégrader et l’IA est une solution viable à ce problème. »
Quant au milieu agricole et agroalimentaire, bien que son adhésion aux solutions avancées d’IA ne satisfasse pas encore les ambitions du Québec en la matière, le secteur n’est pas sans attirer, lui aussi, les entreprises innovantes qui développent et proposent des technologies de pointe pour en saisir le marché, et optimiser les opérations, l’efficacité et le rendement. Au chapitre des joueurs qui s’illustrent dans ce domaine, on pense certainement à Ferme D’Hiver, Zone Agtech, et pourquoi pas mentionner Vooban, reconnue pour son expertise en intelligence artificielle et en développement de solutions logicielles sur mesure, et qui se démarque auprès de cette clientèle, sans pour autant s’y consacrer exclusivement, ses services rayonnant aussi dans plusieurs autres domaines.
Pour Hugues Foltz, vice-président exécutif de Vooban, et qui sera également présent à ALL IN pour « démystifier l’adoption de l’IA par l’industrie », « l’IA suscite de l’engouement, même si beaucoup d’entrepreneurs n’en saisissent pas encore tous les aspects. On a la chance de travailler avec des entreprises innovantes pour les aider à profiter pleinement des opportunités offertes par l’IA, et on se sent privilégiés de pouvoir contribuer à dynamiser l’écosystème IA du Québec. »
44 % des tâches du secteur légal seront automatisées par l’IA
Si le secteur financier, englobant les domaines de l’assurance, du crédit et de la gestion d’actifs, intègre également des systèmes d’intelligence artificielle, le domaine juridique n’échappe pas non plus au déploiement des systèmes d’IA. Selon la banque d’investissement Goldman Sachs, 44 % des tâches du secteur légal seront automatisées par l’IA. Le 8 août dernier, la Cour d’appel du Québec a publié un avis à cet effet, dans lequel elle « invite les plaideurs à faire preuve de prudence lorsqu’ils utilisent des sources juridiques ou des analyses réalisées avec l’aide de l’intelligence artificielle dans le cadre de leurs observations écrites ou orales ».
Comparatif : un portrait qui varie d’un coin à l’autre
Si l’on se concentre sur l’Amérique du Nord, l’adoption des outils d’intelligence artificielle par les entreprises présente des disparités notables entre le Canada et les États-Unis. Au Québec et au Canada, on observe une approche prudente mais déterminée, où l’enthousiasme se mêle à une réflexion éthique nécessaire. En 2021, seulement 3,7 % des entreprises canadiennes utilisaient l’IA, avec une adoption plus élevée au Québec (5 %) par rapport à d’autres provinces comme l’Ontario (4 %), la Colombie-Britannique (4 %) et l’Alberta (3 %). On remarque également que l’adoption est plus rapide chez les grandes entreprises (20 %) que les PME (3 %), alors que ces dernières constituent la base du tissu économique, soit la quasi-totalité (98,1 %) des entreprises canadiennes comptant des employés. « En seulement six mois, le nombre de personnes au Canada ayant déclaré utiliser l’IA générative au travail a augmenté de 16 %, ce qui représente un taux de croissance annualisé de 32 % », indique-t-on du côté de KPMG.
Aux États-Unis, l’adoption de l’IA générative est beaucoup plus avancée, avec 72 % des entreprises utilisant cette technologie. Les entreprises américaines sont en avance, utilisant l’IA pour améliorer l’efficacité et la productivité dans divers secteurs, y compris les soins de santé et les services financiers.
À l’échelle mondiale, le paysage de l’IA ressemble à une course effrénée, avec des géants comme les États-Unis et la Chine en tête. 92 % des organisations du monde considèrent l’IA comme un atout pour leurs affaires, notamment pour relever de nombreux défis propres au manque de personnel qualifié. Déjà en 2023, l’adoption globale de l’IA était de 35 %, avec une utilisation marquée dans les centres d’appels et le secteur manufacturier, notamment pour relever des défis propres au manque de main-d’œuvre. Mais les entreprises sont aussi confrontées au manque de données de qualité et, surtout, de bases solides pour lancer des projets d’IA pérennes.
L’Europe, quant à elle, se distingue par sa volonté de développer une « IA digne de confiance », un concept qui trouve son homologue en l’appellation plus courante de l’« IA de confiance » au Québec, et en des initiatives comme la création, en 2023, du consortium Confiance IA, dont le Centre de recherche informatique de Montréal (CRIM) est fiduciaire.
De nombreux défis, mais aussi des solutions
Ces différentes approches soulèvent des questions cruciales : comment concilier innovation, éthique et sécurité? Comment assurer une adoption équitable de l’IA? Qu’est-ce que la notion d’« IA de confiance » et peut-on vraiment en parler comme d’un concept indépendant? N’est-ce pas inhérent des solutions d’IA développées dans le respect des normes de sécurité strictes et des réglementations relevant de la protection de la vie privée, établies en fonction des industries où elles ont déjà été déployées?
Dans ce numéro, nous donnons la parole aux experts, aux entrepreneurs et aux décideurs qui façonnent l’avenir de l’IA. Nous explorons les secteurs à la pointe de cette révolution, notamment à travers des exemples d’innovateurs et développeurs de technologies, comme le secteur des applications automobiles ou encore de reconnaissance faciale, mais aussi ceux qui peinent encore à adopter l’IA pleinement. Nous abordons également les défis majeurs qui freinent l’adoption de l’IA : la pénurie de talents spécialisés, les préoccupations éthiques et de confidentialité, et l’accessibilité pour les petites et moyennes entreprises. Car si l’IA promet des avancées spectaculaires, elle soulève aussi des inquiétudes légitimes auxquelles nous devons nous attarder collectivement. Enfin, dans le but de vous les faire découvrir, nous relevons dans ce numéro des solutions, guides, programmes d’accompagnement et autres ressources visant à aider les entreprises à faire face à ces enjeux et à relever les défis qui s’imposent.
À l’instar du premier numéro de LES CONNECTEURS, qui portait sur la fracture numérique, nous souhaitons que ce dossier sur l’IA soit un outil de réflexion et d’action. Notre ambition est de vous offrir un panorama complet et nuancé de l’adoption de l’IA, pour vous permettre de mieux comprendre les enjeux et les opportunités qui se présentent à vous, que ce soit comme entrepreneurs, employeurs, employés et/ou consommateurs. Car l’intelligence artificielle n’est pas qu’une simple technologie, c’est un véritable catalyseur de changement sociétal. À nous de nous assurer que son adoption serve le bien commun et contribue à construire un avenir plus inclusif et équitable.
Crédit Image à la Une : ALL IN 2024