Les Presses de l’Université du Québec (PUQ) accordent une exclusivité à CScience et au magazine LES CONNECTEURS, affiliés à l’OBNL CScience Le Lab, en y annonçant en primeur le lancement d’une toute nouvelle série de livres de vulgarisation scientifique : PUQ360. Elle vise à démocratiser les savoirs et à « décloisonner » le milieu universitaire, pour rendre la littérature scientifique plus accessible au grand public, et offrir à la population des réponses aux problématiques actuelles qui l’interpellent.
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Offerts en format de poche, ces ouvrages se fondent sur des données probantes issues de la recherche effectuée notamment au sein des établissements de l’Université du Québec. Accessibles sur le site www.puq.ca dès le 18 septembre 2024, les trois premiers livres de la série, signés des auteurs respectifs Raphaël Proulx (UQTR), Élisabeth Mercier (ULaval) Van Troi Tran (UQAM), s’intitulent : Diversité : ce que nous enseigne la biodiversité, Slutshaming : sexualité, honte et respectabilité des femmes et La mondialisation de l’alimentation. Une dizaine d’autres ouvrages paraîtront plus tard, à l’automne 2024 et en 2025, invitant le lectorat à en apprendre sur la charge mentale au travail, les jeux vidéo pour enfants, la mode durable, la transition écologique et les défis de Xi Jiping, président de la Chine.
À savoir : Les PUQ ont été créées par l’Université du Québec en 1969. Elles compte un catalogue de plus de 1 850 titres, plus de 35 collections thématiques, publient plus de 50 ouvrages chaque année, et assure une présence éditoriale dans plus de 20 disciplines.
En tant qu’éditeur, fondé par l’Université du Québec en 1969, les Presses de l’Université du Québec espèrent mettre à la disposition des citoyens des ressources utiles pour mieux éclairer leur jugement critique et leurs prises de décision. La rédaction du magazine LES CONNECTEURS s’entretient avec Julien Côté, directeur du développement éditorial et des ventes au sein des PUQ.
Entrevue avec Julien Côté : une littérature scientifique accessible
CAT (Chloé-Anne Touma) : Comment est venue l’idée de la série PUQ360, et comment s’est-elle concrétisée?
JC (Julien Côté) : On y travaille depuis quelques années. Cela fait partie des premiers projets auxquels je me consacre depuis le début de mon mandat aux PUQ. Jusqu’ici, on publiait principalement des ouvrages scientifiques plus traditionnels, académiques, qui s’adressent surtout aux chercheurs et étudiants des cycles supérieurs, ou des manuels de cours pour les étudiants du niveau collégial et du premier cycle universitaire.
« Vulgariser la science et la recherche, pour créer des liens avec la société, prend de plus en plus d’importance au sein des universités et pour les chercheurs. »
– Julien Côté, directeur du développement éditorial et des ventes au sein des Presses de l’Université du Québec (PUQ)
Or, favoriser la création et le renforcement de ponts entre les universités et le grand public s’inscrit dans la mission des PUQ depuis toujours. L’idée de la série répondait à cet objectif, et à un besoin auquel peu d’initiatives s’attardent. Vulgariser la science et la recherche, pour créer des liens avec la société, prend de plus en plus d’importance au sein des universités et pour les chercheurs. Lorsque je les ai rencontrés, nos auteurs ainsi que les directeurs de la quarantaine de collections que nous éditons, ont témoigné de cette même volonté.
Il existe certes des initiatives dans le domaine de l’édition, pensons aux Éditions MultiMondes, qui publient notamment des ouvrages de vulgarisation scientifique sur l’environnement, ou encore Éditions du remue-ménage, qui focalise sur le féminisme. Mais les thématiques en sont plus ciblées et circonscrites. Il fallait aussi une tribune pour accueillir tous les types de projets. Là, on touche au féminisme, à l’urbanisme, à l’alimentation, ça peut prendre beaucoup d’orientations.
CAT : Justement, à travers tout ce processus rigoureux, comment les sujets et secteurs de recherche ont-ils été privilégiés?
JC : C’était assez intuitif. On a fait ressortir de nos séances de réflexion les thématiques dont on ne semblait pas parler assez aujourd’hui, mais aussi les sujets d’actualité dont on parle mais pour lesquels on trouve peu d’information. Par exemple, en urbanisme, on a beaucoup entendu parler du « troisième lien ». Il pourrait être pertinent de publier un ouvrage sur ce sujet. L’hiver prochain, on prévoit la parution d’un ouvrage sur les applications de rencontre, qui ont souvent mauvaise réputation mais sur lesquelles, dans les faits, il existe peu de données et de recherche scientifique.
Enfin, on souhaite évidemment mettre en valeur le fruit des travaux des chercheurs du réseau de l’Université du Québec (UQ).
À savoir : L’Université du Québec est un réseau universitaire québécois, créé le 18 décembre 1968 par la Loi sur l’Université du Québec. Il comprend dix établissements :
- l’Université du Québec à Montréal (UQAM) ;
- l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) ;
- l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) ;
- l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) ;
- l’Université du Québec en Outaouais (UQO) ;
- l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) ;
- l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) ;
- l’École nationale d’administration publique (ENAP) ;
- l’École de technologie supérieure (ÉTS) ;
- l’Université TÉLUQ.
CAT : J’imagine que la lutte contre la désinformation, qui prend de plus en plus d’ampleur dans l’écosystème numérique, et celle pour le rayonnement des contenus scientifiques francophones, ont aussi motivé la réalisation de ce projet ?
JC : Tout à fait. En ce qui a trait à la langue française, il est assez consternant de voir à quel point il y a peu d’ouvrages dans le monde scientifique qui sont publiés en français, et d’auteurs prêts à écrire en français, notamment parce que ce n’est pas très payant en matière d’avancement de carrière, ce qui fait que les jeunes chercheuses en sont moins intéressés. Proposer de plus petits ouvrages de vulgarisation scientifique leur semble généralement plus invitant.
Dans le monde anglo-saxon, beaucoup d’initiatives, comme la collection What Everyone Needs to Know® (« Ce que tout le monde a besoin de savoir ») publiée par Oxford University Press, font circuler le savoir. On pense qu’il est important de contribuer à rendre l’homologue plus présent dans la francophonie.
CAT : Concrètement, comment la série PUQ va-t-elle rendre la recherche plus accessible? Est-ce par le ton? Le vocabulaire? Le support?
JC : Des consignes assez précises ont été suivies pour produire des contenus vulgarisés, notamment pour simplifier certains concepts, en misant sur un langage plus clair, des phrases concises, des métaphores. On a incité les chercheurs et auteurs à parler d’eux-mêmes, à opter pour le récit à la première personne et à illustrer par des images parlantes leurs propos. Un travail d’accompagnement éditorial et de direction littéraire a aussi été mené.
Parallèlement, il y a eu le travail habituel d’évaluation scientifique par les pairs, fait comme pour les autres parutions des Presses de l’Université du Québec.
Sur le plan graphique, on a souhaité s’éloigner de ce qu’on fait habituellement aux PUQ, en misant sur une facture visuelle non classique, plus éclatée et colorée. Le format est aussi plus petit, et le prix de vente en est plus bas.
CAT : Est-ce que certains des ouvrages de la série seront gratuits?
JC : Par pour l’instant. Par contre, la section « Libre accès » de notre site web offre un accès gratuit à pas moins de 700 ouvrages, et on ajoute chaque année quelques dizaines d’ouvrages à ce répertoire. Je pense qu’on y trouvera, éventuellement, certains des ouvrages de la série PUQ360, mais ce sera moins probable durant la première année.
CAT : Avez-vous déjà le soutien d’organismes dans le secteur de la recherche, comme l’Acfas, pour vous aider à faire connaître vos ouvrages? Des partenariats en vue ou des moyens stratégiques d’atteindre le grand public?
JC : Pour l’instant, les partenariats se concentrent surtout au sein du réseau de l’UQ avec ses dix constitutions, et notre stratégie de promotion et de rayonnement se veut plutôt classique, relations de presses pour s’assurer de la couverture médiatique de nos ouvrages dans les médias traditionnels.
CAT : On sait que les jeunes vont plutôt sur les réseaux sociaux, suivre des influenceurs. Des données de l’Acfas, justement, révèlent qu’ils ont plutôt tendance à s’informer auprès d’influenceurs et de vidéos sur les réseaux sociaux. Est-ce pris en compte dans la stratégie, et avez-vous prévu mesurer l’impact de la série auprès du plus jeune lectorat et son intérêt? Quelles sont vos attentes en termes de portée, notamment chez le jeune public?
JC : Il est certain qu’on a ces objectifs en tête, ce qui fait qu’on a développé un format très coloré pour tenter de rejoindre les jeunes, mais les visées vont aussi dépendre de chaque livre. Si l’on publie un ouvrage sur les jeux vidéo pour enfants, l’objectif sera de guider les parents en quête de repères, et il s’adressera alors à eux.
Puis, au-delà de l’objectif de vente, il s’agit aussi d’ouvrir la discussion sur des sujets et enjeux de société. La sortie médiatisée d’un ouvrage peut avoir cet effet générateur d’échanges et de mouvements.
Un aperçu des trois premiers livres de la série PUQ360
Raphaël Proulx est professeur titulaire en biologie de la conservation à l’Université du Québec à Trois-Rivières et codirecteur du Centre de recherche sur les interactions bassins versants- écosystèmes aquatiques (RIVE). Avec son équipe, il s’intéresse depuis quelques années à l’écologie des paysages sensoriels.
La diversité se trouve partout, allant des animaux, aux plantes, en passant par les formes, les couleurs et les sons dans l’environnement. Plus d’un siècle de recherche en écologie nous apprend que la diversité biologique, ou biodiversité, est insaisissable, capricieuse et susceptible de répondre au syndrome « trop, c’est comme pas assez ». Dans ce contexte, quel est le rôle du biologiste dans l’arène de la conservation? Comment distinguer l’harmonie du désordre?
Dans son ouvrage Diversité : ce que nous enseigne la biodiversité, M. Proulx vous invite à découvrir la diversité sous tous ses angles, « des plus lumineux aux plus sombres ».
Élisabeth Mercier, Ph. D., est professeure au département de sociologie à l’Université Laval, spécialisée en études sur le genre et la sexualité.
Composé des mots anglais « slut » (salope) et « shame » (honte), le « slutshaming » humilie, stigmatise, culpabilise et déconsidère les femmes jugées provocantes ou inadéquates, tant par leur attitude que par leur aspect physique. Vécue notamment dans le cadre scolaire, dans le milieu familial et dans les relations avec autrui, cette forme de violence vise la sexualité réelle ou présumée d’une personne. Au cœur de ce phénomène se trouvent la honte et l’humiliation comme instruments de contrôle social et sexuel et comme outils de punition envers celles qui transgressent les normes du genre féminin. Ces normes associent depuis longtemps la sexualité des femmes à leur respectabilité. Comment expliquer que de tels phénomènes existent encore aujourd’hui et qu’ils soient normalisés au point d’être parfois reproduits par les filles et les jeunes femmes elles-mêmes?
Dans son ouvrage Slutshaming : sexualité, honte et respectabilité des femmes, Mme Mercier explore différentes facettes du slutshaming afin de jeter un regard neuf sur ses formes les plus ordinaires et leurs conséquences.
Van Troi Tran est professeur au Département d’études urbaines et touristiques à l’Université du Québec à Montréal, où il enseigne dans les programmes d’études sur l’alimentation. Il a publié Manger et boire aux expositions universelles en 2012 et Patrimoines sensibles : mots, espaces, pratiques en 2010, en collaboration avec Vincent Auzas.
Qu’est-ce que la mondialisation de l’alimentation? Quels sont ses enjeux dans le contexte des problématiques écologiques actuelles? Que faire lorsque « local » rime avec « mondial »? De la surpêche de la morue dans l’Atlantique à l’émergence du tourisme gourmand au Pérou, en passant par la présence planétaire des chaînes de restauration rapide et la médiatisation des cultures culinaires sur les réseaux sociaux, elle revêt un caractère tentaculaire et planétaire auquel tout le monde participe. Comme nos assiettes peuvent en témoigner, les reliefs de la mondialisation sont beaucoup plus sinueux qu’il n’y paraît.
Dans son essai La mondialisation de l’alimentation, l’ethnologue propose de se pencher sur les dynamiques culturelles des différents espaces transnationaux qui se constituent, se chevauchent, se mélangent et se confrontent dans son sillage.
Crédit Image à la Une : Les trois premiers ouvrages de la série PUQ360 des Presses de l’Université du Québec (PUQ)